C’était le thème des dernières journées numériques de l’université de Paris-Descartes. Qu’en retenir ? N’ayant pu assister qu’à la première journée, le point de vue sera sans doute partiel, mais j’espère éclairant.
Il faut d’abord rappeler que concernant les mobiles, c’est quelque part la première fois qu’une technologie numérique s’invite chez quasiment tous les étudiants avant que l’institution ne s’en préoccupe. Cet objet est d’abord privé pour communiquer dans ses réseaux, avant que d’être un vecteur d’apprentissage. Et de fait, ce sont les services informatiques et TICE qui semblent s’en préoccuper avant les enseignants. Avec une contrainte nouvelle pour eux : accepter un parc (pré)existant.
Et pourtant, François Guité nous a montré que ces équipements s’intégraient dans la révolution numérique qui change notre rapport au savoir, et qui permet d’encourager la diversité des approches au travers de modes pédagogiques différents. De plus, le mobile encourage les apprentissages informels.
Quelles sont les éléments apportés dans ces journées ?
- La proposition de services étendant les services administratifs et d’accueil dans les universités : les bons plans, les menus des restaurants universitaires, les salles de cours … bref la mise à disposition dans les mobiles du système d’information administratif de l’université. Utile, créant du lien, mais qui ne peut être considéré comme un élément d’apprentissage ;
- la mise en ligne de podcasts, i.e étendre l’accès aux supports de cours a mobilisé beaucoup de services universitaires tant cette option paraissait intéressante. La présentation « Vers un Moodle Mobile » en était un exemple. Nicolas Roland semble pourtant moins positif sur leur accès sur des équipements « vraiment » mobiles, constatant que leur accès reste majoritairement sur ordinateur (certes portables).
Dans ces 2 premiers cas, on est dans la remise en forme de données. Passons à une dimension plus usages pédagogiques :
- l’iPad semble être l’archétype du terminal pour enseignant. Permettant d’assurer une projection confortable, un meilleur contact avec les étudiants et proposant tous les services nécessaires pour gérer son cours, ses ressources, ses copies … C’est ce que Jean Debaecker a cherché à nous convaincre. Ce qui correspond clairement aux retours de plusieurs collègues qui ont fait le pas ;
- Le Cape des Mines de Nantes nous a présenté notamment « Parlez vous chinois ? » qui est une app sympathique pour découvrir le chinois. Initialement développée comme support de cours, elle est maintenant disponible sur l’App store d’Apple. À la fois prouesse technique et réussite pédagogique, elle pose la question du positionnement des universités vis à vis du marché, puisque ici nos collègues se placent dans les marché des applis pour tous. Notons également qu’il n’y a pas eu d’étude pour savoir si cette app permettait d’apprendre ou de compléter un apprentissage ;
- Pour ma part, j’ai produit un témoignage portant sur l’usage de PC portables dans la salle de classe pour proposer des séquences d’apprentissage différentes. Je me dois d’avouer que le mobile n’est chez moi qu’un objet d’étude, pas un équipement intégré dans ma pédagogie, sauf à considérer un PC portable comme mobile ;
- Il semble que le lendemain, il y ait eu des sessions avec des exemples d’usages autour de serious games.
Bref, l’université se rend bien compte qu’il y a un enjeu à proposer une offre sur ces équipements, mais n’a pas les éléments de compréhension pour identifier les besoins, ni surtout les opportunités. Lors de la table ronde du premier soir, à la question des usages possibles des mobiles, certains semblaient avoir leur convictions sur les possibles, les souhaitables, la posture de François Guité était inverse affirmant que « la réponse reste à trouver : on n’a pas assez osé – on n’a pas assez expérimenté »
Un autre fait intéressant est que l’on ne cherche pas trop à définir le terme de mobile. Qu’est-ce que le mobile ? Si on fait référence au mobile-learning tel qu’il est envisagé dans la littérature, on se limite à quelque chose qui tient dans sa poche (le titre de ces journées était « fac en poche »). La première question est alors de savoir quelle information peut être mise à disposition pour être exploitable. Michel Diaz, lors de son intervention en table ronde ce mercredi soir, comprenait des vidéos et des évaluations. La seconde question peut être de savoir quelles sont les choses que l’on peut faire avec un tel outil que l’on ne peut pas faire ou difficilement avec un autre outil. Cela couvre la prise de son, de vidéos, de points géolocalisés en visite de sites, pour alimenter un portfolio, pour résoudre une énigme pendant une chasse au trésor ou autre jeu.
Le fait que l’on peut avoir une réponse à une question que l’on se pose au moment où on se la pose est un autre aspect intéressant des outils mobiles. Mais est-ce encore le problème de l’université, d’aborder cette demande informelle ? Cette dimension reste-t-elle fortuite ou se raccroche-t-elle à un processus d’apprentissage qui rentre dans le cadre de l’institution ? On touche là à des questions de la place que doit garder ou prendre l’institution dans la construction des personnes. Pas si facile. De toute façon, la personne n’ira sur les ressources de l’université que si elles sont plus faciles à accéder et plus pertinentes que d’autres sources. Rien ne peut l’obliger.
On touche là de nouveau aux problèmes généraux de la place des TICE et des connaissances disponibles sur Internet (en effet les mobiles sont beaucoup moins « web » que nos navigateurs). On aborde la problématique du mobile, sans avoir revu notre façon d’enseigner. Le mobile ne fait qu’apporter un nouveau coup de boutoir dans l’édifice. Tant que cette dimension n’est pas assumée, elle risque bien de perturber les autres questions.
Faut-il intégrer ou pas la tablette dans ces réflexions, et pourquoi pas le PC portable, avec ou sans écran tactile ? En fait peu importe. Première remarque, nombre d’aspects du mobile s’appliquent à la tablette : accès immédiat à l’information, disponibilité de nouveaux périphériques (photo, son, vidéo, GPS et donc réalité augmentée, nécessité de remise en forme de contenu …). Deuxième remarque, des fonctionnalités s’ajoutent : possibilité de dessiner, d’annoter, de parcourir des listes de contenus avec des lecteurs adaptés (Pulse ou même un google reader). Ce qu’il y a alors d’intéressant, c’est de positionner le mobile comme un élément qui s’intègre dans un système, comme l’ont parfaitement compris les concepteurs d’Evernote, une application de type cahier de texte multiplate-forme, qui tire parti des avantages de chacune d’elles et propose une vue agrégée de vos données. Tous ces équipements se complètent pour former notre espace d’apprentissage. Dernier point, nous sommes dans une phase d’évolution des terminaux. Le PC/clavier/souris tel que nous l’avons ces 25 dernières années semble appeler à voir ses usages se réduire. Pour moi, il reste essentiellement l’équipement pour coder les autres, et pour des usages de conception de même type. Et la variété permettant de s’adapter aux différentes habitudes, de permettre de personnaliser les usages, il est essentiel de permettre à chaque usager (étudiants, enseignants, chercheurs) de choisir l’équipement qui lui convient.
Considérons pour finir, les différents usages à explorer dans une perspective mobile. Si la mise à disposition d’informations semble assez naturelle pour les universités, malgré les limites qui peuvent surgir, il y a deux pistes d’usages différents qui restent à tester et à valider.
Une première piste se positionne sur les opportunités que l’on peut mettre en place dans la classe pour modifier les pratiques d’apprentissage. Recherche d’information, interaction avec l’enseignant par des questions, des réponses à des sondages, à des problèmes, annotation de diapos, prise de notes, de son, de photo de tableau … les solutions sont nombreuses pour changer le rythme d’un cours et réveiller l’auditoire, surtout si on y intègre une dimension collaborative.
Une seconde piste est d’explorer des séquences en situation. Ce peut-être de :
- proposer des contenus utilisables dans les temps libres (cas des vendeurs en entreprise dans le projet P-Learnet) ;
- permettre des visites sur site pour certaines disciplines ;
- prendre de l’information pendant l’action, ou juste après l’action pour l’exploiter après, seul ou en groupe ;
- permettre des échanges avec autrui en situation ;
- accéder à l’information au moment où l’on en a besoin, sous des formes adaptées (visualisations diverses comme la réalité augmentée par exemple) …
Dans tous les cas, il s’agit de lier l’expérience vécue et le savoir, en articulant de manière différente l’action. Beaucoup d’opportunités à permettre, à parcourir, à découvrir. On en est qu’aux balbutiements. Il y a un vaste travail de sensibilisation, de découverte, d’évaluation, de diffusion et de formation à faire.
Est-ce que cela se fera dans le cadre de l’université ? Ou est-on dans un cadre d’apprentissage tout au long de la vie ? Sans doute les deux. Beaucoup de réflexions se font autour de l’évolution de l’apprentissage, de la maîtrise des savoirs, de la construction de connaissance dans le travail, de l’avenir de l’éducation. Un chose est sure, cela va bouger et le mobile n’est qu’une petite variable de l’équation, et l’université devra s’ouvrir pour ne pas risquer de disparaître, et sans doute apprendre à collaborer.
Crédit photo : Mobile Learning Revolution par César Poyatos licence CC-by-nc-sa