Les technologies d’Internet et les énergies renouvelables au coeur de la Troisième Révolution industrielle pour l’économiste américain Jeremy Rifkin

L’essayiste et économiste américain Jeremy Rifkin était à Paris pour le lancement de son dernier essai, la Troisième Révolution industrielle. Interviewé par le journaliste Christophe Alix, du journal Libération, il décrit les conditions favorables à un mariage fécond entre les technologies d’Internet et les énergies renouvelables afin de sortir de l’ère des énergies fossiles. Il lance l’idée d’une nouvelle ère industrielle faisant la part belle à l’Internet, et prône pour une société plus ouverte dans laquelle nos rapports aux pouvoirs seront transformés.

L’intégralité de l’interview de Jeremy Rifkin sur le site du Monde ici


Partant du constat que lorsqu’un nouveau système énergétique rencontre une nouvelle technologie de communication, il se produit une transformation radicale à l’échelle de l’histoire.

La première révolution industrielle avait vu converger la machine à vapeur et le charbon avec l’imprimerie. La seconde fut celle du mariage de l’électricité avec le téléphone puis la radio et la télévision.

Jeremy Rifkin annonce une troisième révolution qui verra la fusion des technologies de l’Internet et des énergies renouvelables, bouleversera non seulement l’organisation économique de la production et des échanges mais aussi la manière d’exercer le pouvoir ainsi que relations entre les gens eux mêmes.

L’essayiste voit dans la crise qu’il décrit avant tout comme énergétique, une l’opportunité de sortir d’une double impasse économique et écologique : l’épuisement d’un modèle de croissance, fondé tant sur les énergies fossiles que sur le pétrole, et le réchauffement climatique qui menace notre planète.

Mais aussitôt ajoute-t-il : aurons-nous assez de lucidité pour lancer
la transition nécessaire ?

Pour Jeremy Rifkin , en prenant le cas de l’Europe, cette transition se fera par étapes, la première est le passage aux renouvelables avec 20% d’énergie propre d’ici à 2020 et 85 à 95% en 2050. La seconde concerne la transformation des 191 millions de bâtiments en microcentrales productrices d’énergie, un chantier susceptible de créer des millions d’emplois et d’entreprises. La troisième étape le plus difficile à maîtriser, c’est le stockage de cette énergie intermittente.

et Jérémy Rifkin de poursuivre :

« Grâce à l’Internet, l’énergie créée sera partagée de la même manière que l’information en ligne aujourd’hui. Quand des millions d’immeubles produiront localement une petite quantité d’énergie, ils pourront vendre au réseau leurs excédents et acheter ce qui leur manque grâce à ce partage coopératif et décentralisé. A long terme, l’énergie deviendra quasi gratuite et l’accès à ces services l’emportera sur la propriété pour devenir le moteur essentiel de l’économie. Le dernier pilier concerne les transports avec le passage à des véhicules électriques ou à pile à combustible capables de vendre et d’acheter de l’électricité sur un réseau intelligent.


En quoi cette transformation va-t-elle révolutionner la société ?

La nouvelle matrice de communication et d’énergie distribuée va impulser une réorganisation complète de nos économies avec le passage d’un pouvoir hiérarchique et vertical à un pouvoir latéral et horizontal, de pair à pair pour reprendre l’analogie avec l’Internet. Il deviendra anachronique de raisonner en termes de droite et de gauche. La nouvelle ligne de partage passera de plus en plus entre ceux qui pensent en termes de collaboration, d’ouverture et de transparence et ceux qui s’accrochent au vieux modèle industriel déclinant et qui pensent en termes de hiérarchie, de barrières et de propriété.

Aux antipodes de cette production partagée, l’atome est une énergie centralisée par essence qui cumule bien trop de handicaps pour représenter une alternative. Il n’a jamais été propre à cause de ses déchets radioactifs et reste une petite source d’énergie à l’échelle mondiale. 400 centrales fournissent 6% de l’énergie dans le monde et, pour passer à 20% - le seuil minimal pour avoir un impact sur le réchauffement -, il faudrait construire trois centrales par semaine d’ici à 2031 ! C’est techniquement impossible et inconcevable politiquement depuis Fukushima.

Quel est le lien entre la difficulté de la France à rentrer dans cette nouvelle ère et la place qu’y occupe le nucléaire ?

Le nucléaire incarne le vieux modèle industriel centralisé et le retard de la France est largement lié à sa prégnance culturelle sur vos élites. C’est très différent avec l’Allemagne dont le système fédéral est déjà en soi un pouvoir distribué et partagé. Votre modèle centralisé qui était un atout hier est devenu un handicap. Mais je ne veux pas croire que la patrie de Jean Monnet, qui a insufflé la vision d’une Europe politique sans laquelle le paquet « énergie - climat » de 2008 par exemple n’aurait jamais vu le jour, ne peut pas réussir cette transition autant culturelle qu’énergétique.  »


« la Troisième Révolution industrielle »,
Editions les Liens qui libèrent, 414 pages, 24 euros.

L’adresse originale de cet article est http://www.brest-ouvert.net/article...

publié le 18 février 2012

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