L’Union européenne n’est pas liée par la jurisprudence de l’Office européen des brevets (OEB), indique la Commission

Communiqué de FFII France

En réponse à une question posée par le
parlementaire européen polonais et inventeur Adam Gierek, la Commission
européenne a confirmé officiellement que la jurisprudence de l’Office
européen des brevets (OEB) ne lie pas les États membres, pas plus (cela
dans le cadre du projet de brevet communautaire) que la Cour de justice
des Communautés européenne (CJCE).

Bruxelles, le 24 mai 2006

Pour la première fois, la Commission
a également clairement indiqué que les logiciels n’appartiennent pas au
domaine du brevetable, et cela sans sans s’abriter derrière le
faux-fuyant « en tant que tels » comme elle l’avait fait
hypocritement par le passé./

La question du professeur Gierek a été suscitée par la déclaration de
la Commission selon laquelle « la jurisprudence que l’OEB a développée
pour le brevet européen s’appliquera au brevet communautaire européen

 ». Il a fait remarquer que la pratique de l’OEB différait sensiblement
de la jurisprudence récente observée en matière de logiciel en Pologne
et au Royaume-Uni. Il également fait observer que M. Rocard, rapporteur
pour la directive « brevets logiciels » au Parlement, a indiqué au
moment de son rejet que ce dernier signifiait également le rejet de
l’extension de la brevetabilité aux logiciels telle que la pratiquait
l’OEB.

La Commission a répondu que la phase d’examen des brevets pourrait
continuer à être régie par la Convention sur le brevet européen (et
donc gérée par l’OEB) mais que les stades suivants, comme la validité
et les litiges, seraient eux gouvernés par les textes organisant le
brevet communautaire. Qu’en outre la Cour de justice des Communautés
européennes resterait susceptible de former son propre avis
indépendamment de la jurisprudence de l’OEB. La conclusion de la
Commission a consisté à dire qu’en pratique, l’OEB devrait de ce fait
suivre et se conformer à la jurisprudence du brevet communautaire et
non l’inverse.

Pieter Hintjens, président de la FFII, réagit : « Je suis stupéfié. La
Commission a nié la réalité si longtemps, prétendu obstinément que la
terre était plate et que les pommes ne tombaient pas du haut vers le
bas, pendant que l’Office européen des brevets accordait une valeur
légale à de misérables bouts de papier dont les seuls effets observés à
ce jour sur l’innovation se sont limités au domaine des litiges
juridiques. Cela signifie-t-il que la Commission reconnaît à présent
que les textes de la Convention sur le brevet européen prévalent
effectivement ? Ou bien est-ce que j’ai loupé un épisode ? »

Il ajoute : « les brevets communautaires seront examinés par l’OEB, un
organisme non responsable politiquement, non communautaire, qui ne
dispose pas d’une procédure d’appel indépendante. La Commission déclare
que cela ne représente pas un problème dans la mesure où la Cour de
justice des Communautés européennes possède le pouvoir d’invalider les
brevets acceptés en cas d’empiètement ou de contrefaçon d’un brevet
déjà existant. Mais ceci n’est vrai qu’au cas où le litige est porté
devant une juridiction civile, une procédure très souvent trop onéreuse
pour les ressources d’une PME et les obligeant de fait à payer une
licence. Pour cette raison les brevets logiciels non encore contestés
en justice feront peser un énorme fardeau sur un secteur industriel
constitué à 80% de PME. »

« Quoi qu’il en soit cette réponse reste un signe encourageant de la
Commission. Néanmoins, il trahit toujours une confiance excessive dans
le rôle des cours de justice afin de préserver l’Europe de la menace du
brevet logiciel. Le fait que l’Europe doive ou non posséder un brevet
logiciel n’est pas un détail de procédure dont l’appréciation doit être
laissée entre les mains des offices de brevets, des avocats et des
juges. Il s’agit d’une décision d’une portée géo-stratégique en matière
de politique économique, et qui exige d’être tranchée par nos
représentants élus. »

Informations auxiliaires

  • La Commission affirme-t-elle que les programmes d’ordinateur ne sont
    pas brevetables ?

La déclaration de la Commission comme quoi les « brevets octroyés pour
des objets (tels que les programmes d’ordinateur), qui sont exclus de
la brevetabilité selon l’article 52 CBE » n’est pas forcément un virage
à 180°.

Par exemple, dans une décision publiée récemment, la chambre de recours
technique de l’OEB a approuvé un brevet de Microsoft permettant le
copié/collé d’une donné arbitraire. Dans sa justification, la chambre
de recours technique déclare littéralement que dès qu’un programme
d’ordinateur est exécuté sur un ordinateur, elle ne le considère plus
comme un programme d’ordinateur (mais comme une « méthode ou une
invention mise en oeuvre par ordinateur ») et donc parfaitement
brevetable.

Il se peut que la Commission joue de la même manière sur les mots.
Néanmoins, le fait qu’elle reconnaisse que la jurisprudence de l’OEB
n’est pas parole d’évangile est un pas dans la bonne direction. Cela
contraste carrément avec sa position lors du débat sur la directive « 
brevets logiciels » dans lequel elle parlait tout le temps « 
d’harmonisation du statu quo » à propos de la codification de brevets
logiciels européens conformément aux pratiques de l’OEB.

  • L’OEB régulé par la CJCE ?

À propos de la CJCE qui forcerait l’OEB à adopter telle ou telle
pratique, l’analyste de la FFII, Ante Wessels, ajoute : « ce n’est pas
vrai que l’OEB appliquerait et serait lié à un nouveau droit
communautaire des brevets. Le brevet communautaire crée seulement un
système juridique distinct permettant diverses interprétations. Il
n’existe pas de hiérarchie — la CJCE ne se situe pas au-dessus de
l’OEB et ne peux pas lui dire quoi faire. L’OEB peut vendre des titres
communautaires, les brevets communautaires, et la CJCE peut alors dire
 : désolée, les titres communautaires que vous venez d’acheter ne valent
rien. La Commission se fait l’avocat d’un tour de passe-passe bon
marché. Et nous ne pouvons qu’espérer que la CJCE invalidera bien les
brevets logiciels. »

[Liens

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    Président de la FFII France et Vice-président de la FFII
    gibus at ffii.fr
  • Philippe de Tilbourg
    Responsable relations médias de la FFII France
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Posté le 25 mai 2006 par Michel Briand

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