Réviser le droit d’auteur au niveau européen

MosaiqueEn 2001, une directive européenne entendait harmoniser certains aspects du droit d’auteur tout en l’adaptant à la nouvelle donne numérique.

L’harmonisation ayant de fait été à peine entamée, procéder à une nouvelle révision, 15 ans après, s’imposait. Julia Reda, eurodéputée, a présenté le rapport qui lui a été confié par le Parlement européen, le 13 juin 2015, aux bibliothécaires présent lors du 61e Congrès de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), à Strasbourg. Ce texte sera soumis au vote de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, le 16 juin 2015.

Pourquoi s’intéresser à la cette initiative ?

La version du rapport qui sera adoptée ce 16 juin sera débattue ensuite lors d’une session plénière du Parlement européen, sans doute à la mi-juillet. Le texte adopté sera repris par la Commission européenne pour rédiger, d’ici décembre 2015, une proposition de directive. Lorsque le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen auront adopté les mêmes dispositions, soit après plusieurs mois de débats, la directive entrera en vigueur. Comme toutes les directives, ses dispositions, plus ou moins coercitives, s’imposeront alors à la France et aux autres États membres de l’Union qui devront les intégrer, dans un délai donné, dans leurs législations respectives.

 Que préconise le rapport Reda ?

Bien des présentations et commentaires du rapport, sur un des blogs de Julia Reda ou ce billet de Christine Tréguier par exemple, ont déjà été publiés. Lors de son intervention au Congrès de l’ABF, Julia Reda avait notamment mis l’accent sur les mesures suivantes :

  • Favoriser les échanges d’œuvres entre pays européens en supprimant les blocages géographiques qui, en particulier dans les pays multilingues, sont inintelligibles.
  • Rendre obligatoire les exceptions au droit d’auteur, le patchwork des exceptions et de leur mise en œuvre dans chaque État membre de l’Union étant source d’insécurité juridique.
  • Ouvrir la liste des exceptions pour introduire une exception appliquée au prêt de livres numériques et une exception autorisant la fouille de contenus (texmining).
  • Interdire que les exceptions au droit d’auteur, qui répondent à l’intérêt général, soient contournées par des contrats.
  • Ramener la durée de protection des droits d’auteur de 70 à 50 ans après la mort de l’auteur, ce qui est en phase avec la Convention de Berne, et l’imposer à tous les États membres, évitant le patchwork actuel et les aberrations actuelles qui font que le Petit Prince, par exemple, soit aujourd’hui dans le domaine public dans tous les pays sauf … en France.
  • Préserver le domaine public et éviter notamment de voir apparaître une nouvelle couche de protection après la numérisation des œuvres dont les droits patrimoniaux sont pourtant échus.

 Et maintenant ?

Le rapport a suscité un tollé en France. Or, plusieurs de ses dispositions conçues au bénéfice des citoyens sans léser pour autant les auteurs, ne devraient pas être balayés d’un revers de la main.

La communauté des bibliothécaires, à côté de nombreuses autres associations, soutient plusieurs dispositions de ce texte. A côté de la campagne Copywrong.eu et du soutien, dès février 2015, de l’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation (iABD) qui mettait aussi l’accent sur les dispositions en faveur du lien hypertexte, de la citation, du droit au panorama, etc., je me ferai l’écho aujourd’hui de l’initiative d’Eblida, l’une des associations qui, avec Liber, représente les bibliothécaires au niveau européen.

Au nom des intérêts du public dont l’accès à l’information est, paradoxalement, moins ouvert dans l’environnement numérique, dans un document argumenté, adressé à tous les membres de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, Eblida préconise de voter pour les mesures visant à :

  1. préserver le domaine public ;
  2. obtenir une meilleure harmonisation des exceptions au droit d’auteur ;
  3. favoriser la circulation des œuvres entre pays européens ;
  4. trouver des solutions équitables au prêt de livre numérique, ce qui passe par une exception, compensée financièrement ;
  5. permettre aux bibliothèques de numériser facilement une grande quantité de leurs fonds
  6. interdire de contourner par des contrats les exceptions au droit d’auteur ;
  7. introduire une nouvelle exception autorisant la fouille de contenus (text et datamining) ;

Par ailleurs, elle s’inquiète du retard pris pour ratifier le Traité de Marrakech obligeant à adapter l’exception en faveur des personnes handicapées.

Tout professionnel de l’information, documentaliste ou bibliothécaire , est appelé à relayer cette action en s’adressant aux membres et membres suppléants de la commission des affaires juridiques de son pays, soit pour la France Jean-Marie Cavada, Joëlle Bergeron, Marie-Christine Boutonnet, Gilles Lebreton, Pascal Durand, Constance Le Grip et Virginie Rozière.

Illl. Ravenne. Mosaïque, Ώméga. Flickr CC by-nc-sa

Via un article de Michèle Battisti, publié le 18 juin 2015

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