Puis-je copier pour traduire ?

Question posée. Je fais partie d’un club de jeux et je souhaite donner des cours (gratuits) à nos adhérents en m’appuyant sur des livres protégés par le droit d’auteur. Ces livres étant écrits en anglais, je souhaite les copier pour qu’ils soient traduits par moi-même, en collaboration avec les membres de l’association (quelques pages chaque semaine sur plusieurs années) et autoriser ensuite l’accès et l’impression des traductions sur l’intranet de l’association. Puis-je numériser les ouvrages moi-même ? Puis-je prêter les ouvrages à chaque membre de l’association pour qu’ils les numérisent chacun à leur tour ?

Mise en garde. La réponse à cette question anonymisée ne vise qu’à rappeler quelques principes, mais n’est pas en mesure de se substituer à un conseil juridique.

Faire un cours à partir de livres protégés par le droit d’auteur ? Oui, bien sûr :-) Les idées sont de libre parcours et une reprise non servile de la mise en forme des idées est (fort heureusement) autorisée. Sans doute est-il opportun, en revanche, de mentionner les sources de ces ouvrages sur un support ou oralement.

Copier les ouvrages ? Vous avez acheté un livre : Vous avez le droit de le copier sur un nouveau support pour votre usage personnel, voire pour un usage un peu plus étendu, à savoir pour votre « cercle de famille ».

Si l’expression « cercle de famille » (je précise car la question m’a effectivement été récemment posée) n’impose pas l’existence de liens familiaux, la diffusion n’est autorisée que dans un cercle étroit composé de quelques proches. Elle ne couvre pas, quoi qu’il en soit, la diffusion dans un groupe au sein d’une association. Dans une acception traditionnelle au regard du droit d’auteur, il s’agit donc bien d’un usage collectif.

Permettre à chaque membre du groupe de faire une copie personnelle, la numérisation à des fins privées étant couverte par la redevance pour copie privée ? 

Je répondrai par une question : doit-on faire une différence entre 1° la numérisation (progressive) des ouvrages et l’envoi des fichiers aux x membres de l’association assistant à votre cours et 2° la numérisation (progressive) des ouvrages que vous avez achetés par chaque membre de l’association assistant à votre cours ? Le résultat, dans les deux cas est le même : chacun disposant des ouvrages dans leur version numérisée pour réaliser ce travail en commun, mais il n’y a que vous qui êtes propriétaire du support (et non des droits d’auteur) des ouvrages qui ont été numérisés.

La compensation équitable payée lors de l’achat de l’appareil ayant servi à reproduire les extraits d’ouvrages, couvre-t-elle cette utilisation ? Telle est la question qui reste posée. Mais reconnaissons-le, la numérisation de quelques extraits d’un ouvrage ou d’un périodique, lorsqu’elle est faite pour soi a fort peu de chance « de porter atteinte à l’exploitation de l’œuvre » ou « de causer une préjudice aux intérêts de l’auteur ».

En revanche, votre cas se traduit à terme par la copie intégrale d’un ouvrage protégé (encore commercialisé ?) et il semble bien, comme je le soulignais déjà, qu’il y ait un usage collectif, au même titre qu’une « revue de presse » composée de copies d’articles de presse diffusée au sein d’une entreprise ou des copies de documents remis aux élèves d’une classe. Douze personnes, m’aviez-vous dit ! Douze élèves, 12 exemplaires seront compris comme des usages collectifs. Mais plus que la copie, utilisée effectivement collectivement dans un cercle très restreint, c’est l’usage plus large qui en est fait ensuite qui pose vraiment question. En effet, même si les membres de l’association seront ensuite qualifiés de co-auteurs de la traduction, pour la diffuser, il vous faut l’autorisation des ayants droit de l’œuvre initiale.

Copier l’œuvre initiale pour la bonne cause ? A savoir ici traduire un ouvrage non disponible en français pour en faire profiter la communauté ? Malheureusement, quelle que soit la destination, autrement dit l’objectif poursuivi, même si ce dernier vise à partager gratuitement l’information, la copie non autorisée reste (aujourd’hui) une contrefaçon.

Quelle serait la règle ? Obtenir via un contrat d’édition l’autorisation des éditeurs de l’œuvre initiale pour traduire leurs ouvrages. Dans ce cadre, vous devriez négocier pour bénéficier d’ouvrages gratuits et/ou une mise en ligne sur votre intranet de l’œuvre initiale pour réaliser votre travail. Ces mêmes avantages (ouvrages gratuits, intranet) devraient être obtenus après la publication de votre travail, voire même – car tout est question de négociation – une diffusion sur internet au moins pour un libre accès à votre traductionsur les réseaux. Et bien évidemment votre nom et les noms de tous ceux qui ont traduits les textes, voire celui de votre association, si elle a la qualité d’auteur d’une œuvre collective, doivent être mentionnés.

Que m’inspire votre question ? Ne peut-on pas envisager la traduction en commun, sur des wikis par exemple pour des ouvrages confidentiels qui ne feront jamais (ou pas dans un futur proche) l’objet d’une traduction ? Accorder un embargo à l’éditeur (6 mois ? 1 an ? 2 ans ? ..) après une demande expresse de traduction, délai au bout duquel la traduction pourra être entreprise par ceux qui le souhaiteraient et qui, à l’image de Wikipédia, la mettraient ainsi à la disposition de tous. Encore faut-il savoir si une demande de traduction a été faite et à quel moment !

A suivre

Ill. Hieroglyphs. Brothergrimm. Fotopedia cc by-nc-sa

Paralipomènes

’actualité du droit d’auteur, de la protection de la vie privée, de l’accès à l’information et de la liberté d’expression à partir d’une veille exercée pour l’ADBS (association de professionnels et de l’information) et l’IABD (Interassociation archives-bibliothèques-documentation).


URL: http://paralipomenes.net/wordpress/
Via un article de Michèle Battisti, publié le 21 octobre 2012

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