Et si on modifiait les exceptions au droit d’auteur ?

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Les exceptions au droit d’auteur sont l’un des instruments qui permettent d’établir un équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux des utilisateurs. Pour l’Interassociation Archives-Bibliothèques-Documentation (IABD), il s’agit d’un outil essentiel pour répondre au souci d’un accès équilibré à l’information.

Mais puisque l’environnement numérique a indéniablement modifié la donne, une révision des exceptions s’impose vraiment aujourd’hui. Le questionnaire portant sur les exceptions au droit d’auteur proposé par la Hadopi représentait de ce fait une excellente opportunité pour donner un avis sur les changements à apporter.

Sans reprendre tous les éléments détaillés dans les réponses envoyées le 13 juillet à la Hadopi, réponses qui seront également remises aux membres des commissions Culture du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi qu’au Conseil national du numérique (CNN), voici, rapidement résumés, quelques éléments que l’IABD tenait à mettre en exergue :

  • faire glisser le clivage privé (autorisé)/public (autorisation nécessaire) traditionnel au clivage non commercial (autorisé) / commercial (autorisation nécessaire), seul moyen de rétablir des espaces de liberté, ceux qui existaient dans l’environnement analogique tendant à disparaître ;
  • élargir la notion de citation pour couvrir toutes les catégories d’œuvres mais aussi, dans une acception plus large, d’autres usages tels que les extraits de presse, les résumés, ou encore bon nombre d’utilisations pédagogiques …

Le point le plus délicat, toutefois, reste le test des trois étapes.

A propos de ce test, objet de toute nos attentions, il convient de rappeler, tout d’abord, que le test lui-même doit être révisé, comme l’indique la déclaration de Munich réalisée par plusieurs juristes de propriété intellectuelle reconnus. Cette révision consiste à mettre sur le même plan les atteintes à l’exploitation de l’œuvre et le préjudice apporté aux intérêts de l’auteur, et non à statuer uniquement, dans un premier temps, sur les atteintes à l’exploitation normale de l’œuvre pour estimer qu’une exception au droit d’auteur ne peut pas être exercée.

Mais doit-on confier ce test, comme la Convention de Berne l’avait imaginé au départ, uniquement au législateur ? Ou le confier également au juge, comme l’indiquerait la loi Dadvsi, au risque de voir se refermer les exceptions, comme le laisse penser un arrêt Mulholland Drive datant de 2006, où le juge s’était focalisé sur les risques d’atteinte à l’exploitation normale d’une exploitation d’un œuvre et non sur les risques réels d’atteinte à cette exploitation ?

Doit-on définir une liste pointue des exceptions, ce qui impliquerait d’ajouter, au fur et à mesure de leur apparition, de nouveaux usages à la liste des exceptions en vigueur, au risque d’instaurer un système en décalage croissant avec l’évolution des pratiques et des modèles ?

Ou définir les exceptions de manière plus large, laissant ainsi des marges d’appréciations, certes aléatoires mais ô combien plus souples, au juge ?

Tel était le thème abordé lors d’une conférence passionnante sur les exceptions au droit d’auteur, organisée en mars 2011, qui soulignait plusieurs dilemmes – souplesse vs sécurité juridique, juge vs représentation démocratique (législateur), interprétation analogique vs interprétation restrictive – présentés par de telles questions.

L’alternative serait la suivante :

  • confier aux juges le soit de reconnaître certains usages, au regard des principes même du droit d’auteur, fondé sur un équilibre entre deux intérêts, comme l’ont fait, par exemple, les juges canadiens qui avaient reconnu aux avocats, soit également dans un cadre professionnel, le droit de faire des photocopies ;
  • confier le test des trois étapes dans les seules mains du législateur, le seul qui soit à même d’évaluer la proportionnalité d’un usage à des fins utiles pour l’intérêt général, notion allant au-delà du simple équilibre.

Sur ce point, l’IABD… pose le problème, plus qu’elle n’a voulu régler la question.

D’autres exceptions, d’autres principes ont été évoquées par l’IABD… lorsqu’elle a rempli ce questionnaire en adoptant plutôt l’idée d’une adaptation. On aurait pu imaginer aussi, comme certains l’ont fait dans un autre cadre, de créer ex-nihilo un Code européen du droit d’auteur, où les exceptions étaient classées en quatre champs : celles qui ont un impact économique mineur, celles qui sont accordées au titre de la liberté d’expression et du droit d’accès à l’information, celles qui sont ménagées au titre d’objectifs culturels, sociaux et politiques et même (pourquoi pas ?) ou encore au titre du principe de libre concurrence.

Les exceptions au droit d’auteur, un chantier passionnant à suivre …

Illustr. Playing chess, Katte Belletje. Fotopedia, CC by- nc

Paralipomènes

’actualité du droit d’auteur, de la protection de la vie privée, de l’accès à l’information et de la liberté d’expression à partir d’une veille exercée pour l’ADBS (association de professionnels et de l’information) et l’IABD (Interassociation archives-bibliothèques-documentation).


URL: http://paralipomenes.net/wordpress/
Via un article de Michèle Battisti, publié le 17 juillet 2012

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