Droit, responsabilité. Et l’éthique ?

Les règles du droit d’auteur tendent à se complexifier. En France, l’exception pédagogique, exception difficile à comprendre et impossible à appliquer, est un exemple manifeste des aberrations rencontrées. Face à la perplexité des professionnels des établissements d’enseignement, pourquoi ne pas recourir aux codes de déontologie ?

C’est ce j’ai suggéré la semaine dernière lors d’une courte intervention introduisant une table-ronde du congrès de la Fadben, association représentant les professeurs documentalistes de l’Education nationale, l’occasion aussi de signaler aujourd’hui, comme je l’ai fait pour d’autres sujets (le lien, la numérisation des thèses) les textes portant sur les codes de déontologie diffusés dans le passé par l’ADBS.

  • DROIT, RESPONSABILITÉ, ETHIQUE 

Aborder les questions juridiques dans un cadre documentaire

Droit de copie, droit de diffusion : on aurait pu se pencher uniquement sur le droit d’auteur, le droit qui semble s’imposer dans un contexte documentaire.

Mais gérer l’information implique un champ bien plus vaste de responsabilités, rendu encore plus perceptible avec le rôle central joué désormais par Internet.

Des droits et des devoirs

Parmi les dix compétences à acquérir par le professeur documentaliste, citées dans le B0 du 22 juillet 2010 définissant « les compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pour l’exercice de leur métier », figure, dans un point 8, la maîtrise des technologies de l’information et de la communication.

Ce sont quelques brefs extraits qui ont attiré mon attention, ceux qui demandent aux documentalistes :

  • de « maîtriser les droits et devoirs liés aux usages des Tic » et de « participer à l’éducation aux droits et devoirs liés à ces usages », et
  • de « s’impliquer dans l’éducation à un usage civique, éthique et responsable des réseaux numériques ouverts sur l’internet et à leurs risques et dangers éventuels ».

Responsabilité, éthique, droits et devoirs, … la question va bien au-delà des devoirs à remplir au regard du droit des auteurs ou de leurs ayants droit soit, le plus souvent, celui de leurs éditeurs ou de leurs producteurs.

C’est l’ensemble d’un comportement professionnel relatif à l’usage des réseaux qui est concerné.

Et la déontologie apparaît

Ce n’est pas nouveau. Dans le passé, plusieurs conférences avaient souligné l’intérêt de disposer d’une série de règles propres à nos professions.

En l’an 2000, lors d’une journée d’étude organisée par l’ABCD[1] sur la responsabilité juridique et éthique des professionnels de l’information,la Fadben avait présenté le cas d’une commande en ligne effectuée dans le CDI d’un établissement scolaire avec une carte volée.

Les codes de déontologie prennent, en effet, toute leur importance pour régler des situations délicates, tels que la censure de documents ou des conflits d’intérêts entre le professionnel, sa hiérarchie, ses usagers ou ses clients. Les codes de déontologie s’avèrent alors être des outils de référence utiles pour le professionnel.

Mais les codes de déontologie ou les chartes professionnelles, peu importe leur dénomination, jouent une autre fonction, essentielle à mes yeux : en donnant une crédibilité à une profession face à des tiers, ces documents donnent une véritable identité à une profession.

La déontologie : un fil conducteur

Cela n’est pas sans intérêt dans l’environnement informationnel actuel où les questions à résoudre par le professionnel se posent sans doute avec plus d’acuité que dans le passé.

Puisqu’il convient aussi de donner toute son importance à l’accès à l’information et à la liberté d’expression, ces codes et ces chartes non seulement servent de guide dans les choix à faire, mais peuvent aussi être opposés à certaines revendications de tiers. Le professionnel a des droits à faire valoir.

La déontologie a une dimension éthique puisqu’elle détermine ce qu’il est juste de faire. Nous sommes face à des règles de bonne conduite, des codes de bonnes pratiques.

Quelle valeur ont ces règles ?

Il existe une hiérarchie des normes et les usages sont en bas de la pyramide. En cas de conflits avec une norme supérieure qu’est la loi, la loi l’importera. Mais dans la complexité des normes juridiques de tous ordres, les codes, en donnant un fil conducteur, ont indéniablement un rôle à jouer.

Pourquoi mettre l’accent sur les codes et non sur la loi ? Parce que cette norme est souple, adaptée à une situation qui évolue vite. Ils ont donc vocation à évoluer. Mais aussi parce que c’est un document contractuel bâti sur l’adhésion d’une profession.

En 2002, je pensais que les systèmes d’autorégulation, comme celui-ci, étaient appelés à jouer un rôle important. Ces règles conçues pour pallier « la prudence nécessaire du processus législatif face à la rapidité de l’évolution de l’internet répondent non seulement aux évolutions techniques, mais aussi à l’ampleur de leurs prolongements économiques et sociaux », avais-je souligné à l’époque.

De manière générale, les codes de déontologie permettent d’organiser les relations entre divers acteurs, ils assument un rôle de prévention en rappelant les sanctions encourues. Ils représentent aussi une aide pour résoudre des litiges et une base de réflexion pour une profession. Ils méritaient donc que l’on en parle aussi aujourd’hui.

Lois, contrats et usages

Trois termes à garder en mémoire, trois niveaux mis en relief dans un livre analysé en 2009 qui soulignait, lui aussi, le rôle par les chartes et les déontologies dans l’environnement numérique.

Jean Meyriat, président de l’ADBS pendant plusieurs années et qui y a joué un rôle important, a été l’iniatiateur d’un code de déontologie, le code déontologique de l’ECIA (European Council of Information Associations), adopté par les associations de l’information-documentation (I&D) de plusieurs pays européens.

Les principes déontologiques des professionnels de l’information scientifique et technique dans l’environnement de la recherche évoqués dans les articles de Documentaliste sont en cours de validation par le secrétariat général du CNRS.

Dans la revue Documentaliste-Sciences de l’information

Actualités du droit de l’information

Un ouvrage (épuisé aujourd’hui)

Divers

Illustr. You too you can be a new editor. Bryan Franck. Coolshots. CC by-nc-sa

Note


[1] L’interassociation des archivistes, bibliothécaires, conservateurs, documentalistes (ABCD) créée en 1992, inactive depuis le début des années 2000, remplacée depuis par l’Interassociation archives-bibliothèques-documentation (IABD).

Paralipomènes

’actualité du droit d’auteur, de la protection de la vie privée, de l’accès à l’information et de la liberté d’expression à partir d’une veille exercée pour l’ADBS (association de professionnels et de l’information) et l’IABD (Interassociation archives-bibliothèques-documentation).


URL: http://paralipomenes.net/wordpress/
Via un article de Michèle Battisti, publié le 28 mars 2012

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