Quelques clés pour la transition de l’école

Transition, le terme est à la mode, il est utilisé pour décrire les transformations en cours induits par la prise en compte des impacts écologiques, le développement de nouveaux modes énergétiques, les nouveaux modes organisationnels, le numérique. Toute la société est en transition. Et l’école est donc évidemment en transition. Elle intègre de nouvelles pratiques, apprend à jongler avec le numérique, et doit préparer le citoyens de demain à un monde en transitions. Je vous propose ici quelques points de synthèse issus de nombreux échanges durant le forum des usages coopératifs 2016.

Une école au cœur d’un écosystème

Autour de l’école, les acteurs sont nombreux : les services d’appui comme Canope, les associations de médiation culturelle et numériques, les politiques (mairie, conseil général, ministère de la culture …) et j’en oublie. Et bien sûr les enseignants et les parents.

De nouvelles écoles se créent aujourd’hui, souvent pour explorer de nouvelles formes de médiation, comme l’école 42 ou Simplon. Ces écoles cherchent à trouver leur place dans l’écosystème, tout en cultivant leur différence. La question centrale est ici la reconnaissance des compétences acquises, de leur certification.

Tous ne se connaissent pas, certains ont l’impression de ne pas avoir leur place (on a pas mal échangé autour des parents : ceux qui n’osent pas retourner à l’école tout en attendant beaucoup d’elle, ceux qui au contraire sont tellement présents qu’ils en sont insupportables, ceux qui trouvent que les conseils de classe sont des espaces de non-discussion, ceux qui ne répondent pas aux convocations). Mais le besoin d’interagir avec les autres acteurs est bien présent.

Et là où la rencontre a lieu, localement, où un projet est mis en place en respectant chacun, les choses se font bel et bien. De nombreux acteurs en témoignent. Pour les élèves, les changements de cadre, de dimension de groupes, de croisements avec d’autres personnes (autres niveaux, acteurs, mais aussi personnes que les élèves vont pouvoir aider) sont des moments d’épanouissement d’autant plus riches s’ils font le pont entre l’école et son environnement.

Mais on sent bien qu’il faut pour cela qu’il n’y ait pas de prise de pouvoir par l’une des parties. Bref, la culture de la coopération reste à mettre en place, à affirmer, à développer.

Un besoin de s’exprimer autour des freins

De l’amertume parfois, une impression de ne pouvoir avancer face à des murs, les témoignages viennent des tripes, tant il est vrai que certains ont une impression d’impuissance et enragent.

Parmi les éléments qui ressortent, la question des moyens est partagée par tout le monde. L’évaluation (la note, le classement) est largement décriée, et si certains veulent rappeler que les approches par compétences visent à faire disparaître ces sanctions, ils ne peuvent nier que les examens (« Le Bac, point de blocage majeur ! ») bloquent le mouvement.

Les programmes surchargés, s’ils pourraient être intéressants pour cadrer les acquisitions, sont souvent une chape de plomb, en bridant l’initiative, en limitant les possibles.

Des jeunes qui changent

L’intervention en plénière de Laurène Castor était un témoignage vécu de ces changements, qui ont été confirmés dans les discussions qui ont suivi. Ceux-ci disposent d’espaces d’expression. Ils ont besoin de sens. Ils n’hésitent pas à être critiques (Vincent Ribaud racontait cette anecdote que ses étudiants en master discutaient ses énoncés de problème). Bref, la question est comme toujours de les comprendre pour mieux tirer parti de leur énergie pour leur permettre d’avancer, d’apprendre.

Le texte récent de Yves Citton « l’éducation de l’attention à l’âge numérique ubiquitaire » va dans le même sens.

Le monde change et continuera à changer

Difficile pour les participants d’exprimer comment prendre en compte le monde de demain. Les participants ne semblaient pas se sentir concernés par ces questions. Il reste que créativité, apprentissage par projet, apprentissage du code, apprendre à apprendre, sont des éléments intégrés dans les discours, mais dont on a du mal à voir la place dans le faits.

En tout état de cause, il faudra être prêt à affronter l’inconnu, et pour cela la description des jeunes que l’on nous fait semble être la meilleure des réponses, aidons les à devenir eux-même. La vidéo TED d’Emilie Wapnick vous fera comprendre le type de profils qu’il va nous falloir apprendre à reconnaître.

Des valeurs à réaffirmer

Dans les discussions, les questions d’ouverture, de collaboration, de respect (mutuel), d’inclusion, de citoyenneté ont été constamment réaffirmés. Ces valeurs sont de l’avis des présents indispensables pour que le monde de demain soit vivable. Si j’adhère complètement à ces valeurs, je me demande parfois si elles sont globalement partagées dans notre société. La réponse est sans doute encore dans l’action et le partage pour pouvoir leur donner corps.

Imaginer un futur désirable

Pour pouvoir s’extraire de la chape qui semble s’emparer de beaucoup d’entre nous, il est nécessaire de se projeter, d’avoir un but qui nous permette d’avancer. Il faut penser des transitions « favorables ». C’est le pari que nous proposent nombre d’acteurs.

La Fing mène un travail appelé FuturEduc pour imaginer l’École pour tous à l’ère numérique. Et si vous voulez prendre les cartes en main, elle a également développé un jeu des transitions pour animer des ateliers de brainstorming. Vous trouverez notamment un exemple pour l’école dans leur cahier des transitions.

Autre moyen d’échanger sur ces futurs, les forums ouverts. Le labschool network nous invite à participer à de tels forums le 26 novembre prochain dans toute la France (Paris, Brest, …), thème : Quelles transitions dans l’éducation pour faire société ?

Un participant a également fait une proposition qui a donné envie à de nombreux participant : Remixer l’école. Le remix est un événement qui croise des publics variés dans l’idée de recréer les espaces (voir biblioremix ou museomix pour se faire une idée). On y reviendra sans doute. Si ça vous tente, n’hésitez pas c’est une superbe idée à mettre en place.

Donner à voir les pratiques

Les enseignants ont entendu beaucoup de discours sur la nécessité de changement, mais ont besoin de se projeter dans leur quotidien. Pour cela, les témoignages de ceux qui font des petites ou grandes choses dans leur « classe » sont indispensables, parce qu’ils sont incarnés, parce qu’on voit comment le faire chez soi, parce que cela rassure. Et plus ces témoignages viendront de contextes différents, plus nous aurons des éléments pour revoir nos pratiques, et plus nous trouverons quelqu’un de proche, par l’approche ou par la discipline.

Là aussi les valeurs du partage, de l’exemple sont indispensables pour permettre d’avancer (et de passer du prescrit au vécu). Dans le secondaire, des associations comme Sésamaths, les Clionautes, Weblettres, ou des sites comme le café pédagogique permettent en partie ces relais, mais méritent plus de visibilité et de reconnaissance. L’université d’été Ludovia est également un lieu de rencontre remarquable la dernière semaine d’août. Dans le supérieur, un site comme innovation-pédagogique ou des journées de rencontres permettent également d’initier ces dynamiques.

Pour ceux qui seraient allés voir un film comme Demain, rappelez vous des visionnaires vous proposent un futur motivant et des acteurs de terrain vous expliquent comment ils agissent au quotidien. C’est bien aux deux niveaux qu’il convient d’agir.

S’engager pour des expériences vivantes

Que nous disent les enseignants qui nous inspirent ? Qu’ils vont vers leurs élèves/étudiants, et qu’ils veulent partager leur passion. Ils créent des situations de rencontre qui permettent de construire ensemble, dans lesquelles exigence rime avec respect. Ils créent de l’empathie pour susciter de l’appétence qui pourra être transformée en compétence. Créativité, coopération, espace d’échange respectant les valeurs des enseignants ET des apprenants, sont des constantes.

Cela ne se décrète pas. Ces témoignages démontrent souvent que l’erreur fait partie de l’apprentissage, que l’imitation, l’adaptation permettent d’avancer, mais surtout que son engagement peut créer de la dynamique avec les apprenants. En synthèse, que l’appétit vient en marchant, pour peu qu’on le veuille et qu’on soit au clair sur ce qui est vraiment important.

Lors des forums précédents, nous avions aussi vu qu’il était plus facile d’avancer quand on peut échanger. Le numérique permet cela tant pour les élèves, que pour les profs. Le « vrai Web » est plein d’exemples et de personnes avec qui échanger.

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Crédit Image : Les nouveaux apprenants et la transition éducative par Julie Boiveau, licence CC-by-nc

 

PS : je n’ai pas remis ici l’ensemble des débats, autour de la formation des enseignants notamment aux démarches projets, l’éducation aux médias, les études importantes de chercheurs, …. Je n’ai pas cité à nouveau tous les intervenants, si vous êtes un peu curieux, n’hésitez pas à consulter les notes prises pendant les échanges.


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URL: http://tipes.wordpress.com/
Via un article de Jean-Marie Gilliot, publié le 23 juillet 2016

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