Que manque-t-il pour avoir des licences open Hardware qui fonctionnent ?

J’ai eu la chance cette année de participer à l’édition 2016 du festival Pas Sages En Seine (PSESHSF), qui avait la particularité de se dérouler à la médiathèque Louis Aragon de Choisy-le-Roi (bravo aux collègues d’avoir abrité en leurs murs cet événement emblématique de la Culture Libre !).

J’ai pu y faire une conférence sur les licences Open Hardware, dont la captation vidéo est accessible en ligne (cliquez sur l’image ci-dessous pour la voir).

PSES

Et voici la présentation que j’ai utilisée (que vous pouvez télécharger depuis Slideshare pour bénéficier des commentaires écris que j’ai ajouté sous chaque slide).

Le texte ci-dessous résume la problématique que je voulais traiter :

La logique du Libre est née dans le secteur du logiciel, où elle a pu se déployer en s’appuyant sur des licences ancrées dans les principes du droit d’auteur. La GNU-GPL et toutes ses descendantes garantissent les 4 libertés fondamentales des utilisateurs et les protègent par le biais du mécanisme du Copyleft (Partage à l’identique). Plus tard, cette dynamique du Libre a pu être prolongée dans le domaine de la création culturelle par le biais de nouvelles licences comme les Creative Commons, adaptées à la diffusion de tous les types d’œuvres protégées par le droit d’auteur (textes, vidéos, musiques). En ce qui concerne les données, après une phase de tâtonnement, des licences spécifiques comme l’ODbL ont permis d’appliquer la logique du Libre à des bases de données en donnant naissance à l’Open Data.

Aujourd’hui, le mouvement de l’Open Hardware ou Open Source Hardware a l’ambition d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire du Libre, appliqué cette fois à la fabrication d’objets ou du design. Beaucoup de lieux d’innovation partagée, comme les Fablabs ou les Hackerspaces, incitent explicitement leurs usagers à mettre en partage leurs plans et leur documentation, afin de permettre la réutilisation et la modification d’objets. Mais là où il est simple au créateur d’un logiciel ou d’une oeuvre de leur appliquer une licence libre, les choses sont beaucoup plus complexes en ce qui concerne le matériel.

Le secteur de la fabrication ne relève en effet pas (ou du moins pas seulement) du droit d’auteur. Il est concerné par d’autres droits, comme ceux des brevets, des dessins et modèles ou des marques, rattachés au champ de la propriété industrielle, dont les principes de fonctionnement sont différents. Actuellement, beaucoup de projets dit « Open Hardware » emploient des licences comme les licences Creative Commons ou des dérivés de la GNU-GPL, qui ne prennent pas en compte ou imparfaitement la dimension « propriété industrielle ». Dès lors, leur usage dans un tel contexte n’est souvent pas valable et les libertés des réutilisateurs ne sont qu’imparfaitement garanties. Des tentatives ont eu lieu pour créer de nouvelles licences adaptées au matériel, comme la TAPR Licence ou la CERN Licence. Mais leur validité juridique soulève encore beaucoup de questions.

Dès lors doit-on se résigner à ce que la logique du Libre ne puisse qu’imparfaitement se transposer au secteur de la fabrication ? N’aura-t-on jamais un Open Hardware ou un Free Hardware véritable, à l’image de ce qui existe pour le logiciel et l’Open Data ? Peut-on imaginer de nouvelles stratégies de rédaction de licences pour arriver à un tel résultat ? Ne manque-t-il pas encore des éléments dans l’écosystème de l’Open Hardware qui rendraient une telle évolution possible ?

Je précise que ces réflexions doivent beaucoup à ma participation à un groupe de travail mis en place par l’association PiNG basée à Nantes, dans le cadre de leur cellule juridique C Libre. Une publication détaillée des réflexions engagées à propos des aspects juridiques de l’Open Hardware devrait bientôt avoir lieu pour approfondir ces questions.

On notera aussi qu’à l’occasion de Pas Sages en Seine 2016, Antoine C. de Labomédia à Orléans a aussi présenté une conférence sur un projet de mini-éolienne libre, au cours de laquelle il évoque aussi ces questions juridiques autour des licences (cliquez sur l’image ci-dessous pour voir la vidéo).

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Si vous aussi, vous travaillez sur les aspects juridiques de l’Open Hardware, n’hésitez pas à laisser un commentaire sous ce billet pour partager vos réflexions.


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Via un article de calimaq, publié le 7 juillet 2016

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