Témoignage sur le projet multimédia en CLIS TSLA à Guérin

Informatique : quand les élèves deviennent professeurs.

La CLIS-TSLA, CLasse d’Inclusion Scolaire, Troubles Spécifiques du Langage et des Apprentissages se situe dans l’école Guérin au centre ville de Brest et côtoie 4 autres classes : CP ; CE1 ; CE2/ CM1 et CM2, dans des locaux récemment rénovés.

En 2010, l’enseignante Chantal Terrieux rencontrait la ville de Brest pour présenter son projet : Informatique et intergénérationnalité en CLIS-TSLA.

La ville a souhaité soutenir son initiative exemplaire et le projet fait parti des 26 projets soutenus à l’appel à projets multimédia du Pays de Brest.

La médiation numérique facteur de lien social et de reconquête de l’estime de soi

A la fin de l’année scolaire, Chantal Terrieux témoigne avec ses élèves de leur expérience.

Article co-écrit par les élèves et l’enseignante Chantal Terrieux.

Le témoignage des élèves

"Nous sommes élèves dans la CLIS-TSLA de l’école Guérin à BREST.
Nous sommes « DYS », comme on dit ( dyslexiques ou/et dysphasiques) nous avons donc des difficultés à lire, écrire, parler.

Cette année nous sommes 11 dans la classe.

En juin 2010, en plaisantant, les copains qui étaient dans la classe ont dit à une maman qu’ils pouvaient lui apprendre à faire de l’informatique, parce qu’elle trouvait bien ce qu’ils avaient fait et qu’elle n’était pas capable d’en faire autant.

En septembre, la mamie d’un élève a dit en voyant tout nos ordinateurs qu’elle aimerait savoir s’en servir.

Alors nous avons décidé de leur proposer des cours dans la classe.

En novembre 2010 on a commencé et comme il y avait beaucoup d’adultes qui voulaient venir on a choisi 2 jours.

Le 1er jour ce sont les débutants qui viennent : ils apprennent à allumer l’ordinateur, on fait des jeux pour apprendre à se servir de la souris et puis on fait du traitement de texte et des recherches sur Internet.
Le 2ème jour on travaille sur les photos, on a appris à les truquer, à faire des diaporamas en musique et donc à fabriquer la bande son en enregistrant des textes avec l’enregistreur numérique et en ajoutant de la musique.

On aime beaucoup donner ces cours (avant les cours on apprend à faire plein de choses à l’ordinateur avec Chantal, notre maîtresse), parce que les adultes sont contents d’apprendre de nouvelles choses avec nous.

On a fait des progrès en lecture (pour lire sur l’ordinateur ce qui était écrit et l’expliquer aux adultes) ; en langage parce qu’on est obligé de bien parler pour que les adultes comprennent ; en écriture parce qu’on fait des fiches aide-mémoire des cours pour les donner à nos « élèves ».
On aimerait beaucoup continuer et on trouve que d’autres classes devraient faire comme nous, parce que c’est super !"

L’avis de l’enseignante :

"Au départ il est vrai que l’activité est partie d’une boutade, mais je ne le regrette vraiment pas. Grâce à cette activité on peut travailler quasiment tous les domaines du socle commun des connaissances :

  • La maîtrise de la langue française : Maîtrise du langage oral ;
  • Écriture 
  • La maîtrise des techniques de l’information et de la communication
  • Les compétences sociales et civiques
  • L’autonomie et l’initiative
  • Le lien intergénérationel,
  • Le « vivre ensemble »
  • L’estime de soi : La vision de soi ;
  • La confiance en soi

Les cours sont attendus par les enfants mais également par les adultes De véritables liens se sont créés entre eux.

La première remarque que je peux entendre de la part des adultes qui viennent concerne la démarche utilisée pendant les cours. Certains ont eu l’occasion d’essayer de se former en informatique et ont participé à des cours donnés par des adultes sans jamais parvenir à quoi que ce soit alors qu’ici, ils comprennent ce qu’on leur explique et progressent eux aussi. L’explication qui leur vient immédiatement est la relation qu’ils ont avec leur « enseignant ».

En effet dans un cours pour adultes, fait par des adultes, le déroulement est trop rapide. L’adulte qui donne le cours connaît son sujet et pour lui c’est simple, il ne se met pas à la portée de ses élèves. Ici, chacun prend son temps. Les enfants ont besoin de temps pour réfléchir à la façon d’expliquer les choses. Ce n’est pas évident pour eux de faire une phrase expliquant la marche à suivre. Il faut se remémorer les gestes à faire, ce qui demande déjà beaucoup de concentration, et dans le même temps les expliquer clairement pour que l’adulte comprenne quelle compétence on l’aide à construire. Tout est donc très détaillé. Ce qui permet aux adultes de bien tout comprendre.

Chaque « élève » a un « professeur ». Il a donc tout le loisir de poser toutes les questions qu’il veut pour réussir et mémoriser ce qu’on lui apprend afin de pouvoir le réinvestir.

La relation de confiance qui s’est établie entre les enfants et les adultes permet aussi de lever les barrières de la timidité. Les adultes n’hésitent pas à poser des questions aussi simples soient-elles et de leur côté les enfants n’hésitent pas à faire des remarques sur le travail des adultes, telle cette petite fille se tenant la tête dans les mains et disant « Mais non, mais qu’est-ce que tu fais Laurence ? », ou insistant auprès de cette autre adulte qui ne trouve pas où changer la taille de la police de caractères : « Là, tu mets 14 ! Ben, 14 c’est un 1 et un 4 ! »

Ils font leur cours avec leurs yeux d’élèves en difficulté et ils utilisent ces difficultés pour trouver des aides permettant une bonne compréhension de ce qu’ils ont à expliquer. Mais ils savent aussi que s’ils n’y arrivent pas les adultes présents les comprendront et ne se moqueront pas et que je suis là pour aider.

Les progrès des enfants tant en langage oral qu’écrit sont évidents. De nombreux élèves réussissent à écrire, au moins phonétiquement des phrases et des mots inconnus, en tout état de cause ils essaient de le faire sans peur de l’erreur. Ils n’hésitent plus, ou moins, quand ils doivent s’adresser à une personne extérieure à la classe. Les autres adultes de l’école me signalent les progrès également, me disant que maintenant tel ou tel élève se fait comprendre, essaie de faire une phrase au lieu de n’utiliser qu’un mot.

Les familles, elles-mêmes, font part des progrès qu’elles notent, au niveau de l’expression, comme à celui de l’envie de faire (notamment l’envie de lire), le plaisir de venir à l’école.

Il s’agit donc bien là d’une activité positive pour tous et d’un énorme intérêt pour les élèves et une belle revanche pour ces enfants souvent laissés de côté et traités de « nuls » (voire pire) ! "

Posté le 6 juillet 2012

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