Quand Elinor Ostrom reçut le Prix Nobel d’économie en octobre 2009, ce fut en récompense de « son analyse de la gouvernance économique, en particulier sur les communs ». Bien que l’essentiel de son travail sur les biens communs ait porté sur la gestion commune des ressources naturelles, elle s’est également attelée à une approche de la connaissance comme bien commun complexe et global. Cet article s’inspire des travaux que nous avons menés ensemble sur les biens communs de la connaissance [1] ainsi que de mes travaux plus récents sur les nouveaux biens communs.
Quelques années à peine après les débuts du World Wide Web au tournant des années 90, quand le public a commencé à utiliser l’internet et à y participer massivement, le terme « communs » est apparu de plus en plus fréquemment [2]. Le concept des communs a immédiatement véhiculé l’idée qu’il s’agissait d’une ressource partagée. Certains, confrontés à un internet apparemment non régulé, annonçaient une nouvelle tragédie des communs, suivant les termes de Hardin. Pour d’autres, cette référence aux communs aidait à conceptualiser ce nouveau domaine virtuel, dont les territoires se situent quelque part entre les biens privés, les biens gérés par la puissance publique et les purs biens publics. Cette approche évoquait la structure horizontale de l’internet en même temps que l’importance de l’action individuelle respectueuse du bien commun. Les communs fournissaient un cadre d’analyse clair pour les nouvelles formes virtuelles d’actions collectives et de contradictions sociales. Ceci était d’autant plus utile que l’on commençait à observer sur le web des attitudes et phénomènes classiques liés aux ressources de propriété partagée (CPR – Common-Pool Resources) – congestion, parasitisme, phénomène du passager clandestin, conflits, abus, et « pollution » –, tout en notant que cette nouvelle manière de distribuer de l’information ne correspondait ni à la gestion d’une ressource privée, ni à celle d’une ressource publique, mais plutôt quelque chose que nous partagions tous. Pour certains, comme Howard Rheingold, il s’agissait d’une nouvelle forme de communauté virtuelle sympathique, quand d’autres n’y voyaient que des comportements asociaux.
Contexte de l’étude sur les communs
De façon assez surprenante, les communs ne sont devenus un champ d’étude reconnu que très récemment, il y a à peine quelques décennies [3]. Quand le biologiste Garrett Hardin écrivit son article séminal dans la revue Science en 1968, la plupart des gens n’avaient jamais entendu parler des communs. Aussi la première prise de contact avec ce concept les a amenés à penser que toute personne qui partage des ressources agit nécessairement en fonction de son propre intérêt et détruit les communs, à moins d’une intervention d’une autorité gouvernementale ou d’une privatisation.
Le thème est devenu un sujet d’étude à part entière au milieu des années 80, quand un groupe interdisciplinaire d’universitaires s’est réuni pour fonder l’IASCP (International Association for the Study of Common Property)[Cette association a été rebaptisée en 2007 : International Association for the Study of Commons.]]. La plupart de ces chercheurs et praticiens travaillaient sur les systèmes des peuples autochtones pour la gestion commune des ressources naturelles, systèmes qui fonctionnaient plutôt bien. Leurs observations de terrain contredisaient radicalement la théorie de Hardin et la plupart s’attachaient à la réfuter en présentant des expériences réussies de gestion commune. C’est bien entendu ce à quoi s’est attachée avec succès Lin Ostrom à travers son livre fondamental, Governing the Commons : The Evolution of Collective Action (1990).
Les premiers chercheurs de l’IASCP ont concentré leurs travaux sur les règles, les droits de propriété et les formes d’action collective. Ils ont étudié de près différents types de contradictions sociales qui fragilisent les communs comme le parasitage, la non-conformité, et la surconsommation. Ils ont également documenté les fragilités des communs face à différentes formes d’enclosure.
Les nouveaux communs
Cette toile de fond nous aide à réaliser à quel point l’étude de la connaissance comme bien commun est neuve, tout comme celle des autres nouveaux communs (Hesse, 2009). Les nouveaux communs sont des communs qui sont apparus, ont évolué ou ont été reconnus comme tels récemment. Parfois, ce sont de nouvelles technologies qui ont donné naissance à certains de ces nouveaux communs, en créant de nouveaux types de ressources partagées, comme le réseau internet ou les données génétiques. D’autres catégories de nouveaux communs sont constituées de ressources publiques partagées qui ont été requalifiées en communs, comme les arbres des rues, les trottoirs, les aires de jeu, les jardins publics, les hôpitaux, les sites historiques et les zones touristiques. Des ressources naturelles pour lesquelles apparaissent de nouveaux usages ou de nouvelles institutions, comme des paysages, des aires naturelles protégés, le contrôle des nuisibles en agriculture, ou l’usage des océans comme pistes de surf constituent également de nouveaux communs.
Il convient de noter dans toute étude sur les nouveaux communs à quel point nous en savons peu sur eux et sur leur fonctionnement. Contrairement aux systèmes de gestion des ressources naturelles des peuples autochtones, il ne préexiste ni règle, ni communauté définie, ni histoire.
Connaissance
Ma recherche sur les communs de la connaissance se concentre spécifiquement sur les savoirs scientifiques, académiques et culturels, car en tant que bibliothécaires, une des questions majeures à laquelle nous sommes confrontés est l’avenir incertain des productions universitaires. La manière dont nous allons rassembler, organiser, diffuser et protéger ces communs des connaissances affectera en profondeur l’avenir de nos sociétés. Selon moi, l’étude des communs de la connaissance consiste à chercher les meilleures méthodes pour partager et protéger au mieux toutes les formes de connaissances nécessaires à l’émergence de nouveaux savoirs. Et ceci à une époque où les connaissances scientifiques doublent chaque année. Nous avons également besoin d’identifier dans ce déluge d’informations quelles seront à l’avenir les connaissances nécessaires à un développement scientifique, social, politique, artistique, économique et intellectuel. Les propos désormais classiques de Hayek constituent un utile rappel à l’ordre :
« […] pour le plus grand nombre, ce serait une hérésie de suggérer que les connaissances scientifiques n’englobent pas l’ensemble de tous les savoirs. Une petite prise de recul montre cependant qu’il existe un ensemble à la fois important et désorganisé de connaissances qui ne peuvent être qualifiées de scientifiques, au sens où il ne s’agit pas d’un savoir établi selon des règles générales : ce sont les savoirs liés à des circonstances de temps et de lieu particulières. »
Autrement dit, nous avons autant besoin de la moindre parcelle de savoir local que des connaissances scientifiques. À travers les communs des connaissances, nous commençons également à comprendre qu’il existe toutes sortes de savoirs partagés, imbriqués et entrelacés, chacun d’entre eux répondant à des exigences de temps et de lieu différentes.
Les communs de la connaissance, en tant qu’ensemble, incluent toutes les formes de savoirs qui ont besoin d’être rendus disponibles pour faciliter la production de nouvelles connaissances, poursuivre un enseignement qui fasse sens et protéger la tradition d’une science ouverte. Conformément à l’idéal mertonien, reconnaître le rôle fondamental des communs de la connaissance appelle une meilleure compréhension de l’importance d’un accès équitable à l’information globale, et, dans le même temps, une protection des savoirs des peuples autochtones, ceci autant contre la piraterie que contre les menaces de leur propre disparition. C’est un élément fondamental de justice que de défendre l’accès libre et gratuit aux savoirs.
Depuis l’essor d’internet, la nature de la connaissance en tant que ressource a été bouleversée. Pour une part, la connaissance est devenue un bien auquel tout un chacun, aux quatre coins du monde, veut accéder et qu’il ou elle s’attend à obtenir au moment précis où s’exprime son besoin. Des décisions fondamentales s’appuient sur l’accès à de nouveaux savoirs (quand le raz-de-marée atteindra-t-il la Thaïlande ? ou quel est le meilleur traitement pour le glioblastome ?) ; tout comme des choix parfaitement triviaux (qui sera le prochain « grand perdant » ?). Clifford Lynch a été le premier à formuler clairement les risques liés à ce changement :
« La question dépasse largement celle de l’intégrité des éléments isolés comme les écrits, les images, les sons enregistrés, les vidéos, les fichiers de données, qui composent ces enregistrements. Les changements sont systémiques et souvent subtils. »
Lynch désignait ainsi la fragilité croissante des publications numériques universitaires et les enjeux croissants de leur conservation.
La fragilité et vulnérabilité des communs de la connaissance
Les économistes utilisent fréquemment la « connaissance » comme une illustration adéquate de ce qu’est un bien public (cf. Figure A). La connaissance est considérée comme un bien non exclusif et non rival :
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Figure A. Schéma classique des différents types de biens économiques (d’après Ostrom & Ostrom 1997)
Ainsi, le savoir qui réside dans mon cerveau n’enlève rien au savoir qui se trouve dans le vôtre. Aujourd’hui cependant, l’idée de connaissance comme bien public disparaît de plus en plus. Les savoirs empaquetés sous forme numérique sont infiniment plus vulnérables aux enclosures, plus fragiles face aux risques de perte, et davantage susceptibles d’altération que les savoirs exprimés dans des livres et des journaux imprimés.
Si les formats numériques facilitent l’accès aux contenus, ils permettent également de s’approprier ce qui fut longtemps « intangible ». Ce nouvel état de « susceptibilité d’appropriation par autrui » n’est pas spécifique au savoir. On observe des phénomènes similaires pour la plupart des biens communs globaux, comme par exemple lorsque l’on pollue le cosmos, ou que l’on drague le fond des mers avec des chalutiers (Buck, 1998). La multiplication des tronçonneuses dans les forêts, l’enregistrement sauvage de musique indigène (McCann) ou encore la capture par biopiraterie de codes génétiques (Shiva) constituent d’autres manifestations de cette « nouvelle vulnérabilité et susceptibilité d’appropriation ».
Cette reconstruction de la rivalité rendue possible par les nouvelles technologies produit un changement fondamental dans la nature des ressources. Il existe de nombreuses méthodes pour clôturer les savoirs qui existent en format numérique. Conséquence de tout cela, de nombreux biens autrefois publics deviennent soit des biens communs, soit des biens à péage (clubs), voire même des biens privés. Ces nouvelles possibilités d’appropriation transforment des ressources partagées qui avaient jusqu’ici les qualités de non rivalité et de non exclusivité propres aux biens publics en ressources de propriété partagée (CPR) qui nécessitent d’être protégées et gérées pour éviter qu’elles ne soient clôturées.
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Figure B. Les agressions envers les biens publics
La susceptibilité d’appropriation, et par conséquent la vulnérabilité du savoir en format numérique, vient renforcer la prodigieuse complexité de cette ressource. Les productions culturelles et universitaires numériques sont dans des situations qui renforcent cette complexité : coexistence de différentes strates de technologies informationnelles distribuées ; renforcement rapide des Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) ; application d’anciens DPI inadaptés ; augmentation des usages concurrents et multiples par des communautés d’utilisateurs hétérogènes ; enjeu des migrations logicielles, concentration des bases de données essentielles ; incertitude économique ; et enfin absence fréquente de structures institutionnelles. Une situation qui accentue les défis de la maintenance et de la préservation sur le long terme des publications de recherche.
Deux récits : les enclosures face aux promoteurs
des communs
L’historien Peter Linebaugh fait remonter le concept des communs à l’établissement en Angleterre de la Grande Charte (Magna Carta) et de la Charte des Forets (1215, 1217) [4]. Il observe qu’à peine établis, les biens communs étaient menacés d’enclosure. Des menaces qui se sont concrétisées dans le « Mouvement des enclosures », très marqué dans l’Angleterre de la fin du XVIe siècle. Aujourd’hui, alors que différentes forces cherchent à privatiser ou dominer les ressources partagées, ces menaces d’enclosures sont toujours d’actualité. Cependant un contre-récit se met en place. Il repose sur l’action collective et puissante des promoteurs des communs qui en défendent les droits. Linebaugh cite l’exemple ancien du mouvement anglais des Levellers qui se sont battus durant toute la seconde moitié du XVIIe siècle pour le « droit, la liberté, la sécurité et le bien-être de tous les hommes, femmes et enfants en Angleterre ».
On retrouve aujourd’hui dans les communs du savoir ces mêmes forces concurrentes, celle des enclosures et celle de l’action collective. Les enclosures dans le domaine des connaissances peuvent inclure la transformation en biens marchands (commoditization) d’idées intellectuelles jusqu’alors non marchandes, ainsi que des informations factuelles et des données. Elles concernent également les formes de privatisation et mainmise par de grandes compagnies sur des savoirs dont l’accès était jusqu’alors libre et souvent gratuit. Les enclosures peuvent aussi être liées à des pertes d’information découlant d’une mauvaise conservation, de restrictions gouvernementales ou au contraire d’un désengagement de leur part, ou encore à des formes de négligence ou d’abandon (la durée de vie moyenne d’une page web est seulement de 77 jours !) [5].
Aux débuts d’internet, les enclosures se manifestaient sous la forme de congestion du réseau, liée à la faiblesse de la bande passante (Huberman et Lukose ; Bernbom, 2000). Ceci débouchait sur un manque de ressources qui à son tour générait des inégalités d’usage comme l’apparition de passagers clandestins ou l’usage excessif par certains au détriment des autres. De nos jours, la congestion n’est quasiment plus un problème dans les pays occidentaux, mais demeure un obstacle à l’accès à l’internet dans les pays en développement. Dans la plupart de ces pays les baisses de tension électrique, le manque de matériel et de logiciel, de connectivité ou celui d’expertise informatique, génèrent des enclosures du savoir (voir aussi Brin, 1995 ; Hess, 1996 ; Bollier, 2002 ; Shulman, 2002). De façon quasi subliminale, dans un environnement numérique, on constate une « nature quasi privée du savoir technologisé » (Antonelli, 2002).
Le renforcement rapide des droits de propriété intellectuelle a été à juste titre qualifié de « second mouvement des enclosures » (Boyle, 2003). Des chercheurs comme Larry Lessig, Pamela Samuelson, et Ben Klemens se sont émus devant la privatisation de pans entiers du domaine public, tels que des informations scientifiques, du code logiciel et des compilations de faits dans des bases de données (voir également Yochaï Benkler, 1999 et Edward Lee, 2003). Des lois d’enclosure, empêchant le libre partage de l’information se sont multipliées, à l’image du Digital Millennium Copyright Act [6], de la Directive européenne sur les bases de données, du U.S. Copyright Term Extension Act. La course en avant aux brevets, en particulier dans le champ pharmaceutique et dans l’industrie logicielle, compromet le futur de la recherche scientifique (Maskus et Reichman, Reichman et Uhlir ; David, 2000 ; Rai, 1999). Michael Heller, à travers son article paru en 1998, La tragédie des anti-communs, dans lequel sont mises en avant les conséquences de la sous-utilisation de ressources intellectuelles due à l’excès de brevets, a ouvert un nouveau champ de recherche particulièrement fécond. Une recherche récente sur LexisNexis [7] identifie 973 articles publiés dans les revues juridiques qui se réfèrent aux anti-communs [8]. La pénétration des entreprises dans l’éducation supérieure, qui met en danger la tradition de la science ouverte au même titre que la liberté de penser des universitaires, constitue une autre source de profonde inquiétude. Kranich (2003), Webster (2002), Stuart (2004), Vaidhyanathan (2002) et d’autres ont tiré la sonnette d’alarme sur les nombreuses menaces qui planent sur l’avenir des bibliothèques universitaires : la restriction de l’accès aux publications scientifiques numérisées suite aux contrats imposés par les éditeurs ; la réduction de l’espace des usages légitimes (fair use [9]) dans l’environnement numérique ; les prix prohibitifs des revues scientifiques ; la baisse des budgets des bibliothèques universitaires et la moindre attention de la part des universités ; l’absence d’infrastructures institutionnelles pour conserver les publications numériques académiques ; les problèmes liés aux migrations logicielles ; les incertitudes sur le cloud computing et la préservation des données à long terme…
Au cours des dix dernières années, la multiplication d’articles dont le titre commence par « à qui appartient… ? » n’est pas un hasard. Elle reflète la préoccupation croissante des auteurs face à la marchandisation et la privatisation de biens qui étaient jusqu’alors publics ou partagés par des communautés. Les travaux sur les nouvelles enclosures dans tous les domaines de l’activité humaine couvrent entre autres les champs suivants : le travail de recherche lui-même (McSherry, 2002) ; la biodiversité (Gepts, 2004) ; la culture (Clerc, 2002 ; Scafidi, 2005) ; les idées (Evans, 2002) ; l’histoire (Foner, 2002) ; l’information (Branscomb, 1994) ; la vie et notamment les données génétiques (Magnus, 2002) ; les cultures autochtones (M. Brown, 2003) ; les données scientifiques (Elliott, 2005) ; les ondes hertziennes (Snider, 2002).
Les effets de la mondialisation et des régulations et traités internationaux sur les savoirs traditionnels et la culture sont complexes et profonds. Les lois, les traités, les brevets industriels, la biopiraterie sur le matériel génétique, la marchandisation des cultures traditionnelles (McCann) sont autant de forces qui menacent les cultures des peuples autochtones aux quatre coins du monde (voir également Posey, 2002 et Joranson, 2008). Vandana Shiva a parfaitement décrit l’enclosure des savoirs traditionnels :
« L’enclosure de la biodiversité et des savoirs est l’ultime étape d’une série d’enclosures qui ont commencé avec l’arrivée du colonialisme. Les terres et les forêts furent les premières ressources à être clôturées et à passer du statut de bien commun à celui de marchandise. Plus tard, ce sont les ressources aquatiques qui ont été à leur tour clôturées, à travers des barrages, l’exploitation des nappes phréatiques et les plans de privatisation. Aujourd’hui, c’est au tour de la biodiversité et des savoirs de se voir enfermés par les droits de propriété intellectuelle. »
Il existe toute une série d’autres types d’enclosures et de menaces qui débouchent sur une fragilisation permanente des communs du savoir. En tant que membres de la communauté des biens communs de la connaissance, nous nous devons de veiller et de contrecarrer ces menaces formelles et informelles d’enclosure.
Action collective et gestion participative
Jusqu’ici je n’ai fait qu’évoquer la fragilité, la vulnérabilité et le risque d’enclosure des connaissances numérisées. Mais il existe également une approche plus joyeuse de cette question complexe des communs. Les communautés virtuelles de construction des communs ont créé avec succès des cultures du partage. Que ce soit à travers Wikipédia et Facebook (Schwartz, 2009) ou les communautés du logiciel libre, les promoteurs des communs du savoir ont démontré leur volonté et capacité à s’engager dans des actions de collaboration en ligne, travaillant ensemble autour d’un objectif partagé en mobilisant des méthodes inconnues jusqu’ici dans le monde physique (Schweik, 2007). Yochai Benkler constitue certainement l’un des commentateurs les plus clairs et inspirés de ce mouvement. Dans son livre majeur La Richesse des Réseaux, il énonce :
« Alors que les collaborations entre un vaste nombre d’individus se répandent, l’idée même d’engager des actions qui appellent des coopérations avec d’autres devient de plus en plus accessible, et la variété de projets que les individus peuvent choisir de faire leurs ne cesse de croître en qualité. » (p. 9)
C’est profondément encourageant de constater qu’il existe au moins autant, si ce n’est plus, d’initiatives de ce côté joyeux des communs. Les efforts respectifs de Steven Harnad et Peter Suber pour promouvoir un accès ouvert universel aux publications scientifiques, se conjuguent pour tenter de sécuriser l’avenir des versions numériques. Les efforts considérables de Reichman, Dedeurwaerdere et Uhlir pour amener les chercheurs internationaux et les décideurs politiques à construire un commun global en microbiologie sont particulièrement innovants. À contre-courant des traités d’enclosure mentionnés plus haut, on trouve aussi de nouveaux traités internationaux, à l’instar du Traité international sur les ressources phytogénétiques, qui ouvrent de nouvelles perspectives en s’efforçant de définir et de maintenir les biens communs de la biodiversité (Halewood et Nnadozie). Les actions collectives entreprises en faveur des biens communs de la connaissance sont tellement nombreuses qu’il serait impossible de vouloir toutes les lister ici, mais en voici quelques autres exemples, livrés sans ordre particulier : le travail de Leslie Chan sur Bioline International, une coopérative d’édition universitaire à but non lucratif qui promeut un accès libre aux publications scientifiques de qualité dans les pays en développement [10] ; les licences Creative Commons et Science Commons ; l’existence de textes de référence internationaux comme l’Initiative pour l’accès libre de Budapest (BOAI – Budapest Open Access Initiative) ou les autres initiatives pour les Archives ouvertes (OAI – Open Archives Initiative) ; les consortiums de bibliothèques universitaires pour organiser et partager la conservation tels LOCKSS, CLOKSS et Portico ; SPARC [11] et SPARC Europe ; les prises de position du Wellcome Trust [12] et du NIH (National Institutes for Health [13]) en faveur d’un accès libre aux résultats de la recherche médicale financée sur fonds publics ; les centaines d’initiatives collaboratives portées par des chercheurs et universitaires à travers le monde pour partager les contenus de bases de données et de sites web ; le travail inépuisable en faveur d’une négociation internationale autour des communs porté par Tasmin Rajotte (Tansey et Rajotte) ; les recherches de Lewis Hyde sur l’économie du don et celles de Peter Barnes sur les copropriétés des communs. La liste est interminable. Ce qui démontre bien la capacité de résilience des communs et la diversité des méthodes de partage et de coopération imaginées par les humains.
Les chercheurs actuels et futurs doivent s’efforcer de documenter et comprendre différents aspects des biens communs de la connaissance. Pour mener cette tâche à bien, nous avons besoin de développer un vocabulaire et une terminologie efficaces et partagés et des outils d’analyse adaptés. Simultanément, il est urgent que tous les usagers comme les producteurs de l’information deviennent les gardiens vigilants des biens communs globaux de la connaissance.
Le processus d’analyse
Tout comme nos collègues qui se sont penchés sur les communs des ressources naturelles, nous avons besoin d’adopter une approche interdisciplinaire, afin de comprendre les interactions complexes qui sont à l’œuvre dans le domaine de la connaissance. En l’espèce, il nous faudra mobiliser les sciences informatiques, l’économie, le droit, les sciences politiques, la sociologie, etc. Nous pouvons pour cela utiliser le formalisme IAD (Institutional Analysis and Development Framework), un outil déjà largement utilisé et extrêmement utile, élaboré par Ostrom et ses collègues dans le cadre de l’atelier de théorie politique et d’analyse politique de l’Université d’Indiana. Il constitue un outil particulièrement précieux pour mieux comprendre les variables et interactions à l’œuvre dans les communs (cf. figure C).
Ostrom et moi-même avons déjà mobilisé cet outil dans plusieurs publications, et notamment dans le chapitre III de Understanding knowledge as a commons. Une recherche avec le terme « Institutional Analysis and Development framework » dans la DLC (Digital Library
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Figure C. Le cadre IAD – Institutional Analysis and Development framework.
of the Commons) [14] fournit 306 résultats qui correspondent à autant d’applications de cet outil. L’identification des composants de la partie gauche du schéma (les multiples caractéristiques biophysiques d’une ressource, les différentes communautés d’usagers, les fournisseurs de connaissance, les opérateurs techniques etc., l’inventaire des règles et normes qui sont autant de leviers) sont des tâches essentielles qui sont souvent négligées dans la littérature. Cette partie gauche, qui rassemble les « caractéristiques endogènes », permet de prendre pleinement conscience du fait que l’étude des communs, de tous les communs, est aussi l’étude des relations entre des personnes et une ressource. Vincent Ostrom avait l’habitude de résumer l’étude des communs de la façon suivante :
« Il s’agit de comprendre comment des gens par nature faillibles sont capables de se réunir, munis de leurs savoirs imparfaits et de prendre les décisions et élaborer les règles appropriées afin de gérer et maintenir une ressource. »
La partie centrale du cadre d’analyse, l’arène de l’action, contient les contraintes de temps et d’espace : qui fait quoi à quel moment. Les méthodes d’analyse de la théorie des jeux peuvent s’appliquer dans cette arène de l’action, permettant de voir comment les gens se comportent en fonction de certaines variables. Il s’agit de l’arène des contradictions sociales et des coordinations/non-coordinations.
Ces deux premières parties débouchent sur les conséquences. Le plus souvent les chercheurs partent de la conséquence, comme la congestion, ou une autre forme d’enclosure, et essaient de remonter le fil. Elinor Ostrom (1990) a mené l’analyse d’un vaste ensemble de ressources naturelles de biens communs caractérisées par leur caractère durable. Elle en a dégagé huit principes d’agencement, partagés par ces formes robustes des communs :
— Les frontières des groupes considérés sont clairement définies ;
— Les règles régissant l’usage des biens collectifs répondent aux besoins et spécificités locales ;
— La plupart des individus concernés par ces règles peuvent le cas échéant participer à leur modification ;
— Le droit des membres des communautés à élaborer leurs propres règles est respecté par les autorités extérieures ;
— Un système de contrôle des comportements des membres de la communauté est mis en place ; cette surveillance est prise en charge par les membres de la communauté eux-mêmes ;
— Un système de sanctions graduées est utilisé ;
— Les membres de la communauté ont accès à des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux ;
— Pour les biens de propriété collective (CPR) qui sont des sous-ensembles de systèmes plus vastes : l’appropriation, la fourniture, la surveillance, l’exécution, la résolution des conflits et les activités de gouvernance, sont organisées en strates différentes et imbriquées.
Il va sans dire que ces principes d’agencement ne sont pas nécessairement applicables aux communs de la connaissance. Mais, comme l’affirme mon ami Howard Rheingold, ils constituent un bon point de départ. Parmi ces principes, ceux qui me semblent constituer le meilleur point de départ pour les savoirs sont les règles d’appropriation, la participation dans l’élaboration des règles et les mécanismes de contrôle et de sanction. À ceux-ci je me permets d’ajouter de bonnes règles de communication. Nous avons souvent eu l’occasion d’évoquer les défauts du scénario de Hardin sur la tragédie des Communs, ce scénario si souvent utilisé pour souligner que la gestion en communs « nous conduirait à la ruine ». Et pourtant, l’une des vérités qu’il contient est que sans gestion et communication, les communs sont effectivement destinés à la ruine.
Les meilleurs indicateurs de succès des communs de la connaissance – comme pour tous les communs d’ailleurs – demeurent les critères essentiels de l’équité, de l’efficacité et de la durabilité. L’équité couvre les questions d’une juste appropriation de la ressource considérée. L’efficacité traite de la production et gestion optimale de cette ressource. Et la durabilité s’intéresse aux conséquences à long terme.
Définition des communs
Au cours de notre analyse de la connaissance comme bien commun, Ostrom et moi-même nous sommes inspirées du vaste champ d’études interdisciplinaires sur les ressources naturelles partagées, telles que les forêts, les pêcheries et la vie sauvage. L’essentiel de la littérature en la matière s’est concentrée sur la gouvernance économique des ressources à propriété partagée (CPR) ou sur les droits de propriété, notamment les régimes de propriétés collectives. La littérature sur les communs a ainsi bien démontré que les ressources à usage ouvert (CPR) sont vulnérables face au phénomène dit du passager clandestin, au non-respect des règles, à la pollution, la dégradation et même au risque d’épuisement. La maintenance de telles ressources repose sur l’auto-organisation, l’autorégulation, la gestion participative et l’action collective.
Au fur et à mesure que nous progressions dans notre réflexion sur les connaissances comme ressources partagées, nous étions de plus en plus convaincues que ce sujet constitue en lui-même un nouvel objet de recherche majeur. L’ouvrage auquel contribue cet article l’illustre bien. Mais au fur et à mesure que nous étudiions les connaissances comme communs et que nous commencions à en découvrir la complexité, nous sommes tombées d’accord pour utiliser le terme plus générique de « communs », plutôt que celui de « ressource partagée ». Le problème étant que ce terme de « communs », dans ce contexte, n’a jamais été vraiment défini (en tout cas pas de manière qui nous satisfasse). Aussi avons-nous proposé une définition aussi générale que possible : les communs sont des ressources partagées par un groupe de personnes.
Entretemps cependant, mes recherches sur les nouveaux communs menées depuis 2007 (Hess, 2009), ont permis d’élaborer un schéma cohérent de vulnérabilité, tel qu’illustré par la figure B ci-dessus. Aussi, je suggère dorénavant la définition suivante : les communs sont des ressources partagées par un groupe de personnes et qui sont vulnérables aux dégradations et aux enclosures. Cette définition présente quatre composantes : elle met l’accent sur la relation entre les ressources et un groupe, une « communauté » ; elle désigne le partage comme étant le modus operandi ; elle souligne que la vitalité des ressources communes est fragile ; et qu’il existe une compétition pour leur usage et appropriation. Elle implique également la nécessité d’intégrer la protection et la durabilité des communs dans le choix de règles et de décisions sur leur usage et leur appropriation.
Conclusion
L’ouvrage que vous tenez dans les mains rassemble une large gamme de perspectives, d’approches et d’opinions sur les communs de la connaissance. J’ai cherché dans le cadre de cet article à considérer les communs du savoir comme un nouveau champ de recherche à investir. La double nature des communs – dynamique d’enclosures à travers les privatisations et la marchandisation d’un côté ; ouverture, partage, collaboration et action collective de l’autre – est incompatible avec la vision de ceux qui considèrent les communs comme une panacée. Un processus analytique rigoureux peut nous éviter de « porter un regard romantique sur les communs » et nous amener à comprendre plus en profondeur ce champ d’étude complexe, afin de mieux maintenir et protéger les productions culturelles et universitaires et tout ce que nous regroupons sous le concept des communs de la connaissance.
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