Vendredi 14 Octobre : conférence Henri Nogués : L’économie sociale et solidaire et le développement durable

cycle de conférences 2008 UBO-CREIS BMO

Voici la problématique qui sera développé par Henri Nogués

 :

de l’économie sociale à l’économie solidaire

et de la question de la richesse au développement durable

Nous vous invitons à participer à la seconde conférence organisée par la Chambre régionale de l’économie sociale,

(CREIS Bretagne), l’Université de Bretagne Occidendale et Brest Métropole Océane à 18H,

Faculté Victor Ségalen.

De l’économie sociale à l’économie solidaire

Depuis 1970, les responsables des mouvements de la coopération

et de la mutualité ont commencé à se réunir. Rejoints en 1976 par la troisième famille : les associations, ils ont ainsi constitué une instance nationale le Comité National de Liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives (CNLAMCA). En 1977, Henri Desroche, directeur de recherche au CNRS leur suggère de parler « d’entreprises d’économie sociale ». Il n’invente pas le mot puisqu’il fait référence à un terme employé au 19e siècle par de nombreux économistes et sociologues pour parler de formes d’organisation économique au service de finalités sociales.

A chaque exposition universelle où sont exposées les dernières performances humaines dans le domaine scientifique et technique, étaient aussi présentées les innovations sociales réalisées. Pour Le Play, catholique qui met l’accent sur les réalisations patronales, l’ES est « la science de la vie heureuse » (Expo 1867). Alfred Picard, lors de l’Expo 1889, y inclut les institutions créées par les ouvriers, les villes et les particuliers. Enfin, lors de la grande exposition de 1900 à Paris, un Palais de l’économie sociale rassemble toutes les « institutions de progrès social » (Charles Gide), y compris le droit social. C’est donc un mot chargé d’histoire qui est repris. Il va connaître une consécration publique après mai 1981, avec la création d’une délégation interministérielle à l’économie sociale dont le nom a changé mais qui existe encore et dont le nom le plus commun est « la DIES ».

L’économie solidaire est plus récente. En effet, depuis 1975, la croissance ralentie et le chômage massif ont amené de nombreuses initiatives en Europe. Développement de services de proximité pour améliorer la qualité de la vie et développer l’emploi, organisation d’activités pour l’insertion économique des chômeurs, coopération des acteurs économiques pour le développement local et la protection de l’environnement. Ces initiatives manifestent un dynamisme collectif et un esprit de responsabilité, facteur de liens sociaux et source d’une plus grande cohésion sociale. C’est pourquoi, on a parlé « d’économie solidaire ». Renouant avec la tradition de l’économie sociale, elles

démontrent que les entrepreneurs à but lucratif n’ont pas le monopole de l’initiative entrepreneuriale et que les pouvoirs publics ne sont pas les seuls acteurs de la construction des solidarités. Elles créent ainsi un nouvel espace entrepreneurial, de nouvelles formes de réciprocité et d’émancipation des personnes. C’est pourquoi, il est logique de rapprocher « économie sociale » et « économie solidaire » (l’ESS).

Ces formes économiques, différentes dans leurs objectifs (lucrativité limitée), dans leur organisation (société de personnes ; un homme, une voix) rassemblées sous le terme ESS existent dans tous les pays du monde mais avec des noms qui peuvent varier. C’est pourquoi, il faut analyser le système économique comme une économie plurielle dans laquelle coexistent différentes formes d’économie.

De la question de la richesse au développement durable

Depuis Malthus, la question de la mesure de la richesse créée est posée aux économistes. Si le pragmatisme a présidé à la définition des conventions permettant d’évaluer le PIB, les critiques sont restées nombreuses. Pourquoi se limiter à la mesure d’un flux ? Dans quelle mesure le choix de fonder la valeur retenue sur la disposition à payer exprimée sur les marchés ne privilégie-t-il pas le désir solvable sur le besoin et la production sur sa répartition. Cette apparente objectivité à l’égard d’un point de vue moral et cette relative indifférence aux effets en termes de justice sociale ont conduit à rechercher de nouveaux indicateurs. Mesurant la « santé sociale » ou le « bien-être économique », ces indicateurs qui reposent aussi sur des conventions sociales discutables, semblent mettre en évidence dans les décennies récentes un découplage croissant entre la croissance économique et les progrès sociaux. Le divorce apparaît d’autant plus nettement que les politiques gouvernementales suivies se réfèrent à une idéologie libérale marquée. En outre, il devient de plus en plus nécessaire de prendre en compte les effets de la croissance sur l’environnement et la rareté de certaines ressources.

L’ensemble de ces réflexions rejoint un courant de la pensée économique trop souvent ignoré au profit des défenseurs d’une orthodoxie plus libérale. De François Perroux jusqu’à Henri Bartoli, en passant par Ignacy Sachs, Nicolae Georgescu-Roegen et René Passet, les économistes français ont accompagné les développements de la science économique au plan international rejoignant notamment les travaux d’Armartya Sen, de Georges Stiglitz ou de James Tobin. S’appuyant sur de nouveaux concepts (écodéveloppement, écobiologie) ces efforts conceptuels et théoriques invitent à reconsidérer les modalités de la gouvernance de l’économie. Soutenue par les grandes organisations internationales (Nations Unies, UNESCO, Banque Mondiale) ces analyses ont pour point commun de « ramener l’économie à son rôle d’instrument » et de rejeter une « société de marché ».

Au plan politique, Les réflexions se sont cristallisées dans le concept de « développement durable », traduction imparfaite de « sustainable development » à partir du sommet de Rio de 1992. Articulant la volonté d’exploiter le potentiel de la croissance économique en respectant les équilibres écologiques et en donnant la priorité à la cohésion sociale, cette nouvelle orientation réhabilite la responsabilité individuelle et collective et invite à renouveler les pratiques de la démocratie.

L’économie sociale et solidaire : un levier potentiel vers un développement durable ?

Au sein d’une économie plurielle, le potentiel de l’économie sociale et solidaire est loin d’être négligeable. Consolidant parfois des activités économiques artisanales traditionnelles, à l’origine de nouvelles activités ou de nouveaux métiers, offrant de nouvelles possibilités d’entreprendre ou de reprise d’activité ou encore de développement local, renforçant si nécessaire la capacité des familles dans l’exercice de leurs responsabilités, engagés dans des partenariats avec les pouvoirs publics sur des chantiers sensibles, les acteurs de l’ESS ouvrent des voies complémentaires et pas seulement subsidiaires. Ils demeurent encore innovants et permettent parfois la transformation réelle du fonctionnement de certains marchés. Enfin, par essence, les entreprises de l’ESS sont aussi des espaces d’échanges et de débats indispensables à une vie démocratique riche.

Ainsi, sur les quatre aspects du développement durable, la contribution des entreprises s’inscrivant dans l’économie sociale et solidaire est potentiellement forte. Cependant, pour devenir effective, elle a besoin que deux conditions soient réalisées :

  • elle ne peut exister d’abord sans la volonté forte de ceux qui constituent et animent ces sociétés de personnes.
  • Elle ne peut se développer ensuite que si le cadre législatif et réglementaire est, non pas favorable, mais au moins tolérant envers cette forme de la liberté d’entreprendre collectivement.

Cela reste donc un enjeu à construire activement et non une évidence à attendre passivement.

Henry Noguès

Professeur émérite

à l’Université de Nantes

L’adresse originale de cet article est http://www.eco-sol-brest.net/Vendredi-14-Octobre-conference.html

Posté le 19 novembre 2008

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