Nanotechnologies : la nécessité du débat citoyen

Remarquable tribune sur VivantInfo de Vincent Comparat, physicien et membre de l’Association grenobloise pour la d émocratie, l’écologie et la solidarité (Ades).

L’auteur, en s’intéressant à la région de Grenoble, l’un des grands pôle de développement des nanotechnologies en Europe, montre que l’important engagement public s’est opéré sans débat et sans réelle réflexion sur les contreparties que de tels accords devraient offrir à la collectivité.

Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans : Brèves , Politiques publiques, gouvernance , Nanotechnologie - Par Hubert Guillaud le 11/01/2007

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Il tire de l’exemple grenoblois des enseignements pour comprendre les défauts de notre système démocratique en matière de prise de décision sur les développements technologiques :

“Le débat qui devrait avoir lieu dans la société est bien mal parti. Les thuriféraires des « nano » (chercheurs du domaine, industriels et politiques) avancent les yeux fermés, expliquant que tout est sous contrôle. Face aux réactions négatives, ils se déclarent prêts au débat alors qu’ils ont déjà pris leurs décisions. Certes, il n’est pas réaliste de croire qu’il est possible d’interdire durablement les recherches sur la complexité du vivant ; cette quête du savoir est en effet inhérente à l’humanité. Mais pour construire un vrai débat, il convient d’abord de reconnaître que les peurs face à de nouvelles technologies sont des signaux d’alerte essentiels et positifs. Le doute est constructif alors que la certitude est bien souvent mère des totali ! tarismes ; rappelons-nous le mot de Rabelais dans Pantagruel : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Une négociation sociale permanente sur les développements technologiques, à tous les niveaux : locaux, régionaux, européen et mondial, serait donc une avancée majeure de nos démocraties.

(…) Nulle part en France qu’à Grenoble les collectivités publiques n’ont mis autant d’argent dans des projets à vocation économique : on atteindra environ 800 millions d’euros de subventions et aides de l’Etat et des collectivités locales d’ici à 2007. Cela sans prévoir les contrôles et les mécanismes d’évaluation de l’impact des apports publics ! Pourtant, ces projets posent des problèmes d’acceptation sociale de nouvelles technologies parfois potentiellement redoutables (certaines nanobiotechnologies par exemple), d’équilibre économique et social, de choix financiers.

(…) Il est stupéfiant de voir l’absence de réflexion politique des élus sur ce grand virage de la politique économique locale, pris au détriment des compétences classiques et fondamentales des collectivités. Les justifications de leurs décisions sont d’une très grande pauvreté : promesse des lendemains qui chantent, de la création d’emplois induits par un hypothétique ruissellement dans les autres domaines économiques… Leur incapacité à légitimer leurs décisions est grave.

Selon la convention Alliance, la seule contrepartie à ces financements publics, c’est la création d’emplois. Mais le coût de ces créations (315,3 millions d’euros) est inférieur aux subventions publiques : 543 millions d’euros !

(…) Nous vivons à une époque où la légitimité des décisions politiques est de plus en plus contestée et où la démocratie représentative subit une crise. L’acceptabilité sociale des technologies est une question très délicate, comme les expériences passées (nucléaire, OGM, etc.) le démontrent amplement. Cette absence de débat et de défense de l’intérêt général par les collectivités publiques, dont c’est pourtant l’un des rôles importants, amplifie les mises en causes des sciences et des technologies.

(…) Or la légitimité d’une décision politique se construit dans la transparence, l’exposé clair des enjeux, des intérêts et des choix, une connaissance des impacts des décisions, l’écoute des inquiétudes des citoyens, une information suffisante… bref, par la reconnaissance du droit à un véritable débat public.

Le débat sur les nanotechnologies doit être impérativement mené, mais dans le cadre d’un système permanent et indépendant des promoteurs de ces technologies, sur crédits publics.”

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Posté le 15 janvier 2007

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