Dans l’ordre, c’est Brest, Rennes et Nantes qui ont initié le mouvement d’ouverture des données publiques, un peu avant Paris, Montpellier et Bordeaux et, souvent, avec plus d’audace. Cela a été souligné, lors de la Semaine du numérique à Brest, Voir article ABP 28135.
Pourtant, cela semble ne pas s’étendre, car, les autres villes sont beaucoup plus petites et dirigées par des élus trop frileux et secondés par des services informatiques anémiques.
La grande date de l’histoire de l’ouverture démocratique des données publiques est le 12 mars 2010 et c’est Brest Métropole Océane qui, à l’unanimité, mais décide de libérer les données géographiques.
Aucune ville ne l’avait fait avant elle dans l’Hexagone. Enfin est brisée l’idée que les données publiques municipales n’ont pas à être utilisées pour un usage commercial.
Ce principe était, à cette époque, consolidé par l’Institut géographique national qui, étant devenu un établissement public marchand en 2004, voulait garder une sphère étanche pour ce qu’il vend, cher, aux communes.
Brest, qui est propriétaire de ses données, proclame qu’elles peuvent être réutilisées dans n’importe quelle intention, l’essentiel étant que la population puisse satisfaire ses besoins et inventer tout ce qu’elle a envie d’avoir.
Une petite commune proche de Brest, Plouarzel, avait aussi innové en 2009 en demandant à ses habitants de compléter le site Openstreetmap Voir le site pour qu’elle puisse imprimer une carte libre et gratuite. Voir le site de la Mairie (Plan communal).
On est loin des fausses libertés données par des organismes comme Google, Yahoo !, Téléatlas, Navteq, Bing ou Nokia qui travaillent, en partie, avec des données publiques et dont quelques-uns espionnent vos comportements pour vous enserrer dans une nasse commerciale.
Une donnée publique n’est pas une information, ce sont des bits informatiques qui servent à faire des tableaux, des cartes, des logiciels, etc.
Si elle a été créée par des agents publics ou des employés de sociétés agissant pour des collectivités publiques, elle appartient aux habitants qui l’ont payée avec leurs impôts. Elle n’a pas de valeur marchande, mais, la collectivité est incapable de prévoir sa véritable utilité.
Elle peut être publiée sous forme brute, car, la maîtrise de l’informatique est tellement répandue qu’il y aura, tôt ou tard, quelqu’un pour les exploiter, même (et surtout) un informaticien du dimanche.
De grandes sociétés privées commencent à publier leurs données.
Miracle : c’est encore de Bretagne que vient le pas suivant quand Rennes Métropole autorise Keolis, qui gère ses transports à libérer les données d’itinéraires des bus et du métro. Voir le site
Pour être juste, la libération est faite 11 jours avant la décision de Brest, mais celle-ci a pris une délibération publique et garde donc la primeur politique. Rennes innove beaucoup plus, car, elle a prévu les outils de la libération en missionnant la société rennaise In-Cité (17 collaborateurs), qui a été rachetée, depuis, par Plan.net (Levallois-Perret), pour créer un portail d’entrée où les données sont offertes.
A quoi peuvent servir ces données ouvertes, qu’on appelle souvent les « open data » selon l’usage américain ? On en a un aperçu en allant voir le site City-go-round pour y apercevoir le nombre impressionnant de villes (269) qui ont libéré leurs données de transport et permis aux habitants d’utiliser leurs téléphones mobiles et leurs ordinateurs pour savoir, s’ils auront, bientôt un bus, un train ou un tram et même, dans quelques villes, pour trouver un itinéraire piéton, un type d’arbre ou éviter les zones de délinquance.
Tous les logiciels sont conçus par des professionnels ou des amateurs éclairés et c’est ainsi que se créent des emplois. A Rennes, un concours a été lancé pour obtenir les mêmes résultats (8 500 participants) et on trouve sur le site de la STAR-Keolis des applications pour les transports dans l’agglomération de Rennes. 14 applications ont été sélectionnées par Rennes Métropole. Voir le site
L’une des plus originales (sur IPhone, sur Android et sur Web mobile) est « L’Arrêt public » qui donne tous les services dans un rayon de 400 m autour d’un arrêt. Voir le site
A Nantes, le coup d’envoi est donné, à la surprise générale, par le maire, Jean-Marc Ayrault, le 3 février 2011. S’étant rendu sans avoir prévenu, à l’inauguration de la Cantine numérique par Atlantic 2.0, il annonce que les données de la ville et de la métropole concernant les transports et l’environnement seraient libérées dans quelques mois et que d’autres suivront.
A ce jour, Nantes présente une impressionnante liste de 342 jeux de données ouvertes. L’une des dernières innovations est la mise en ligne des registres des tombes dans les cimetières, ce qui simplifie grandement la recherche pour les familles concernées.
C’est l’association nantaise LiberTIC, animée par une efficace chargée de mission, Claire Gallon, qui a mené une campagne et une pétition en ligne a été signée par 200 personnes de la région de Nantes.
L’une des premières actions de Jean-Marc Ayrault, devenu premier ministre, est de confirmer que la politique du gouvernement précédent pour mettre à disposition gratuitement des données de l’État sera poursuivie et amplifiée. Cela a été renforcé par le rattachement de l’open data à la direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique.
Un portail unique interministériel est destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établissements publics et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public.
On y trouve plus de 35 000 données publiques, dont les dépenses de l’État et la liste de ses propriétés en document brut utilisable sur toute machine.
Pendant ce temps, Rennes Métropole a poursuivi sa route et libéré 140 jeux de données dans une grande variété de formats. Voir le site Elle a créé un entrepôt de données ouvert à toutes les collectivités qui le souhaitent. Sur le site de Rennes Métropole, une carte permet de visualiser les personnes par âge, par foyer, les professions, etc., commune par commune. Les données sont celles de l’INSEE, mais, cela donne un bon exemple de ce qu’on peut en tirer. Voir le site
Brest n’a pas encore libéré ses données autres que géographiques, lesquelles ont aidé à réaliser un plan très précis sur le site de cartes libres Openstreetmap Voir le site mais, comme déjà dit (Voir article ABP 28135), un totem, près d’un terminus de tramway se colore au rythme des données enregistrées en temps réel.
Brest Métropole Océane devrait, un jour, dévoiler beaucoup de choses.
En attendant, le service Internet « Signalez-nous un problème » est une application ingénieuse de la carte signalée plus haut, car, elle sert aux habitants pour indiquer de manière précise là où doivent intervenir les services de la voirie.
Malheureusement, les départements bretons sont bien en retrait, excepté la Loire-Atlantique qui marche la main dans la main avec Nantes Métropole et la Région Pays-de-la-Loire. Par une page portail, on accède aux données des trois collectivités.
Parmi les 147 jeux de données, le Département de Loire-Atlantique publie le budget départemental, le nombre de places pour handicapés, le nombre de visites dans les lieux touristiques, le nombre de blessés ou tués par la route, les zones de préemptions des espaces naturels sensibles, les informations géographiques sur le futur aéroport, les grands itinéraires de randonnées, etc.
Il est à noter que les trois collectivités ont choisi, comme Paris, une licence de réutilisation très souple, l’Open Database License (ODbL). Voir le site
Le Conseil général du Finistère a indiqué que les photographies de ses côtes, qu’il a financées et qui seront publiées en 2014, le seront sous licence « libre ».
La Région Bretagne n’est pas absente, car, elle, aussi, a libéré ses données géographiques le 19 novembre 2010.
L’originalité est de le faire sur la plateforme de mutualisation GéoBretagne, qui permet à tous les acteurs publics de publier les données géographiques, qu’elles soient libérées ou non. Sa particularité est d’être pilotée en commun par la Région Bretagne et par l’Etat et sert à éviter les doublons dans la publication des données publiques.
Pour chaque jeu de donnée, il faut tenir compte de la contrainte ou de l’absence de contrainte pour la réutilisation indiquée par le producteur. Dans la plupart des cas, il faut avoir un logiciel spécialisé pour un système d’information géographique (SIG). Les audacieux essaieront de maîtriser Q-GIS, logiciel libre pour SIG.
Le bilan en Bretagne n’est pas mince, mais, il y a beaucoup de chemin à faire pour que les élus et les habitants prennent le pli et comprennent que le chemin de la démocratie passera par là.
Une dernière précision, mais importante.
Comment les associations environnementalistes peuvent intervenir, de manière précise, sur tel ou tel dossier ? C’est en vertu d’une convention internationale qui oblige les détenteurs d’informations sur l’environnement à les transmettre (avec paiement ou non) à toute personne qui le demande, sans que celle-ci ait à indiquer ce qu’elle veut en faire.
Il faut savoir qu’il y a une loi française de 1978 qui oblige les collectivités à fournir beaucoup de documents publics, éventuellement en demandant à une commission d’accès aux documents administratifs (CADA).
Christian Rogel
Agence Bretagne Presse