Open Harware : une licence libre dans la machine

Un article repris du blog S.I.lex Au croisement du droit et des sciences de l’information. Carnet de veille et de réflexion d’un bibliothécaire publié sous licence Cretaive commons by

Je suis tombé récemment (via @mathemagie) sur cette vidéo présentant un prototype bluffant de gant sonar pour aveugles, véritable canne blanche virtuelle :

Cet appareil a été développé à partir des instructions formulées par l’inventeur américain Steve Hoefer sur son site Grathio.com.

Si vous allez jusqu’au bout de la vidéo, vous vous rendrez compte que cet instrument présente la particularité de comporter une puce sous licence libre, développée dans le cadre du projet Arduino. Il s’agit d’un exemple d’Open Hardware, une démarche visant à appliquer la logique de l’Open Source et des licences libres aux objets physiques.

En effet, les licences libres sont conçues à l’origine pour s’appliquer à des oeuvres de l’esprit, immatérielles par nature même lorsqu’elles sont incorporées dans un support physique, comme les oeuvres d’art ou les logiciels (soumis au droit d’auteur).

Mais il faut savoir qu’un objet comme un microprocesseur, bien que ne pouvant faire l’objet d’un droit d’auteur comme une oeuvre de l’esprit, peut lui aussi être protégé par un droit de propriété intellectuelle très spécial et assez peu connu.

En effet, depuis 1986, une directive européenne protège la topographie des produits semi-conducteurs, c’est-à-dire la “cartographie” des puces électroniques, par le biais d’un droit particulier, distinct du brevet.

Transposé en France et intégré à l’article L. 622-1 du Code de Propriété Intellectuelle, ce droit permet aux personnes ayant déposé leur topographie à l’INPI de bénéficier d’une protection de 10 ans, afin d’interdire à toute personne de reproduire, d’exploiter commercialement ou d’importer les microprocesseurs protégés.

Au-delà de cette exploitation directe, la topographie des puces peut faire l’objet d’une exploitation indirecte, par le biais de licences ou de cessions, octroyées à titre onéreux ou gratuit. C’est en exploitant cette capacité d’octroyer des licences pour l’utilisation des puces que sont venues se greffer des licences libres pour donner naissance à des microprocesseurs répondant aux principes de l’Open Hardware.

A SMD (surface-mount device) FTDI chip. Par DustyDingo. Domaine Public. Source : Wikimedia Commons

Parmi ceux-ci, les composants Arduino sont parmi les plus populaires, qui permettent de servir de briques de bases à de nombreux projets innovants. Ces processeurs sont commercialisés, mais ils présentent la particularité d’être placés sous licence Creative Commons CC-BY-SA :

Le design matériel de l’Arduino est distribué sous licence Creative Commons Attribution Share-Alike 2.5 et est disponible sur le site d’Arduino. Les schémas ainsi que les typons de circuits sont également disponibles. Le code source de l’environnement de programmation et les bibliothèques embarquées sont disponibles sous licence LGPL (source : Article Wikipédia Arduino).

La licence CC-BY-SA permet de réutiliser et surtout de modifier les puces en fonction des besoins propres à chaque projet :

Les schémas de référence pour les cartes Arduino sont disponibles sur la page des cartes Arduino. Ils sont fournis sous une licence Creative Commons Attribution Share-Alike, et par conséquent vous êtes libres de les utiliser et de les adapter à vos propres besoins sans en demander la permission ou payer de frais (Source : FAQ Arduino).

Dans le même temps, la clause SA de la licence (Share Alike – Partage à l’identique des conditions initiales) fait que les variantes créées à partir des microprocesseurs Arduino devront être placées sous cette même licence, dans l’esprit des logiciels libres et de l’Open Source.

Voici donc comment notre gant sonar pour aveugles incorpore avec une simple carte Arduino à 25 euros (dixit la vidéo) un petit grain de liberté qui permettra à d’autres peut-être de perfectionner ce concept prometteur.

La philosophie de l’Open Hardware est aussi au coeur de ces machines fascinantes que sont les imprimantes 3D, qui nous préparent sans doute la prochaine grande révolution en matière de propriété intellectuelle.

J’avais trouvé particulièrement impressionnant d’apprendre que certaines d’entre elles étaient capable de fabriquer leurs propres composants, de manière à pouvoir “se reproduire”, quasiment au sens biologique du terme…

Bienvenue dans le futur… libre !

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L’adresse originale de cet article est http://www.revue-reseau-tic.net/Ope...

Via un article de calimaq, publié le 10 décembre 2011

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