Do It Yourself Bio, Biologie exploratoire et constructive

Reprise d’un article publié par Internet actu
Par Rémi Sussan le 30/11/11

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Do It Yourself Bio exploratoire et constructive

Thomas Landrain est venu présenter son nouveau hackerspace, la Paillasse, premier du genre en France. A ses yeux, il existe deux grandes raisons de se livrer à la “Do It Yourself Biology” : on peut le faire pour des raisons idéologiques (en établissant en biologie un équivalent du libre en informatique), ou simplement en tant qu’amateur, pour se former et pour le plaisir. Sa conférence a surtout concerné les amateurs, pour qui le domaine de la science a toujours été un terrain de jeu. Il existe déjà bien des hobbyistes en chimie, en astronomie, en conception de fusées. Une illustration particulièrement impressionnante dans ce domaine est celui de cette recréation d’un modèle à l’échelle du dixième de la fusée Saturne 5(qui a servi à envoyer l’homme sur la lune), et qui fut achevée et lancée en 2009.

Aujourd’hui la communauté DIYbio s’étend sur toute la planète. Elle est présente dans la plupart des pays développés, bien sûr, mais fait notable, on la trouve également dans les pays en voie de développement, où elle peut jouer un rôle tout à fait important. Un exemple en est un hackerspace du Nicaragua qui a mis au point un procédé de distribution de médicaments par inhalation. Certains produits sont en effet absorbés sous forme de vapeur et nécessitent un système de masque assez complexe. Les hackers du Nicaragua ont pu mettre au point une machine équivalente à bas prix en utilisant des petites pompes à vélo.

Thomas Landrain a divisé les activités de la DIYbio en deux grandes catégories : la biologie exploratoire et la biologie constructive.

La première consiste à découvrir notre environnement et notre corps. Un exemple en est le projet BioWeatherMap”, qui consiste à cartographier, au fil des saisons, les organismes peuplant certains microsystèmes d’une ville, comme observer la présence de bactéries sur un unique pylône.

Une autre direction prise par la biologie exploratoire est la génomique personnelle, l’étude de nos propres constitutions physiologiques ou génétiques. A noter que Jason Bobe le créateur du mouvement DIYBiology (qui a donné il y a une quinzaine de jours une conférenceau théâtre de la Gaité Lyrique, sous la houlette de La Paillasse) est également l’un des acteurs principaux du projet “Personal Genome”, déjà présenté dans nos colonnes.

Car la génomique personnelle ne se limite pas à 23andMe et consorts. Il faut parfois mettre la main à la pâte. Certaines informations ne sont pas disponibles sur 23andMe, a expliqué Thomas Landrain. Et de citer d’une jeune femme qui soupçonnait chez elle la présence d’une maladie génétique l’hémochromatose, dont son père était atteint. Le test médical coûtant trop cher, elle a décidé de créer le sien propre.

Bioweathermap3-300x187A côté de la biologie exploratoire, on trouve la “biologie constructive”. Cette activité consiste essentiellement à fabriquer à bas prix des outils généralement réservés aux laboratoires haut de gamme de biotechnologie. Nous avons déjà parlé d’openPCR, de LavaAmp ou de l’Opengelbox. Thomas Landrain a également évoqué la “Dremelfuge” une centrifugeuse basée sur une simple perceuse.

Mais avant tout, et sur ce point, Thomas Landrain rejoint les préoccupations de François Taddei : la DIYbio est une “science de nuit”, qui permet à des amateurs de contribuer à la recherche. De fait, cette année, pour la première fois, un biohackerspace, GenSpace, comportant parmi ses participants des élèves de collèges et lycée, a pu participer à la fameuse compétition de biologie synthétique IGEM, réservée en général… aux universités.

Certes, tout cela n’est pas sans susciter des inquiétudes, d’où la nécessité de mettre au point un code éthique pour ces laboratoires d’un nouveau style. Plusieurs réunions du mouvement DIYbio ont ainsi établi des règles de bonne conduite, une série de principes fondamentaux sur lesquels baser leur activité. Au premier plan, la transparence, qui implique que toutes les activités dans ce domaine doivent être intégralement publiées et documentées. Des aspects tout aussi importants sont, entre autres, la mission éducative et l’accès ouvert à tous, sans oublier, bien évidemment, l’exigence de ne se livrer qu’à des opérations sans danger.

Mais la réflexion éthique ne devrait sans doute pas rester l’apanage des biohackers, et l’État devrait à son tour s’interroger sur la moralité de certaines de ses lois. Comment expliquer, a rappelé Landrain, qu’aujourd’hui en France, demander un test à 23andMe pourrait (théoriquement) coûter un an de prison et 15 000 euros d’amende ? Une loi qui partait certes au début d’une bonne intention mais qui demanderait aujourd’hui à être révisée : en effet l’article 226-25-du code pénal ne fait pas la différence entre les test génétiques effectués pour soi même ou sur un autre.

Posté le 4 décembre 2011

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