Retour sur : Mobile Monday #6 et l’explosion du trafic data mobile

La Cantine numérique rennaise a accueilli lundi 14 novembre 2011 la 6ème édition du Mobile Monday Rennes, co-organisé avec Rennes Atalante. Une soirée consacrée à l’explosion du trafic data sur les réseaux mobiles. Pour débattre du sujet et échanger avec le public, Jean-Pierre Casara (Orange) et Yacine Mahfoufi (Alcatel-Lucent).

« Il y a un avant-iPhone et un après-iPhone » : c’est par ces termes que l’échange a commencé. On constate en effet que ce sont aujourd’hui les smartphones qui tirent la croissance du trafic data mobile. Le parc s’accroit à très grande vitesse (plus de 40% des abonnés français possèdent un smartphone, contre à peine 20% au 1er trimestre 2010) et les usages eux-mêmes (vidéo, apps, …) sont de plus en plus gourmands en trafic.

Un utilisateur « moyen » d’iPhone consomme aujourd’hui de l’ordre de 500 à 800 Mo de données par mois. Pour comparaison, un utilisateur moyen de clé 3G (connectée à un PC) consomme de l’ordre du 1 à 3 Go de données en mobilité – mais il n’y a à ce jour « que » 3 millions de clés 3G en circulation.
Jean-Pierre Casara a par ailleurs souligné que l’on constate des vrais différences selon les zones géographiques. Ainsi, dans les pays où l’accès Internet via des réseaux fixes (ADSL, câble, optique) est peu répandu, les réseaux mobiles sont utilisés en substitution, avec des volumes de données considérables.

La vidéo reine du trafic data mobile
La consommation de vidéos (applications TV des opérateurs et des chaînes de télévision, services de vidéo streaming type YouTube ou Dailymotion) représente aujourd’hui 35% du trafic data sur les réseaux mobiles 3G. Les usages évoluent côté utilisateurs et la consultation de contenus audiovisuels sur son smartphone ou sa tablette est devenue une pratique de plus en plus répandue. Il faut aussi tenir compte de la plus grande qualité des vidéos. Yacine Mahfoufi a présenté des exemples de vidéo en haute définition (1080 p) aujourd’hui accessibles sur smartphone. Or la minute de vidéo dans une telle définition se mesure en dizaines de méga-octets de données…

« Quand on parle d’explosion du trafic data mobile, il ne faut pas seulement regarder les volumes transférés » interpellait ainsi Jean-Pierre Casara. Il souhaitait souligner une autre caractéristique du trafic data mobile : le très grande nombre de sessions de connexion/déconnexion sur les réseaux 3G, qui n’ont pas été spécifiquement conçu pour la donnée. Afin de maîtriser la consommation de la batterie des smartphones par exemple, les applications (par exemple Facebook) se connectent et se déconnectent sans cesse, entraînant ainsi un trafic très important (en nombre de sessions plutôt qu’en volume), notamment sur la signalisation. Il a été cité l’exemple d’ATT qui, ayant été le premier opérateur à commercialiser l’iPhone aux Etats-Unis a été très rapidement confronté à des sérieux problèmes de qualité de service sur son réseau mobile. Les usages type machine-to-machine (M2M) se répandent aussi – près de 3 millions de cartes SIM M2M en France à ce jour – avec, pour le moment, des applications peu gourmandes en bande passante mais générant un grande nombre de connexions.

Les enjeux de cette explosion du trafic mobile

Le premier enjeu est technique : certaines zones géographiques (zones urbaines à forte densité d’activité type La Défense) connaissent déjà des phénomènes de saturation des réseaux mobiles. La ressource radio est, par nature, une ressource limitée – ce qui constitue d’ailleurs une différence majeure avec les réseaux fixes. La cohabitation des usages pose aussi question : « face à une contrainte de réseau, la dégradation du service est beaucoup plus visible pour celui qui regarde une vidéo sur son smartphone que pour son voisin qui navigue sur le web avec son smartphone » souligne Jean-Pierre Casara. Le second enjeu est économique, et notamment la question de la fin des offres illimitées. Les intervenants ont précisé qu’en pratique les forfaits mobile sont déjà « capés » – c’est à dire que passé un certain niveau de consommation mensuelle (500 Mo ou 800 Mo, ce seuil est régulièrement relevé), l’opérateur réduit fortement la vitesse de connexion pour cet usager.
La question de l’évolution des modes de tarification a aussi été posée. Dans le domaine de la data, la tarification au volume est devenue le standard, mais la plupart des forfaits vendus se basent encore sur le temps de communication vocale (par exemple 3 heures par mois). Certains opérateurs étrangers ont déjà commencé à proposer des forfaits où la principale variable est le volume et non le temps (l’airtime).
Interrogé sur l’enjeu de la neutralité du net, Yacine Mahfoufi a précisé qu’aux Etats-Unis par exemple la neutralité du net n’a pas été étendue aux réseaux mobiles (notamment pour protéger les investissements consentis et tenir compte du caractère limité de la ressource radio).

Quelles solutions face à ces enjeux ?
La première solution, déjà mise en oeuvre, est de faciliter le basculement du trafic des réseaux mobiles 3G vers les box Wifi des particuliers et des entreprises. C’est déjà une réalité pour les « grands écrans » type tablettes dont l’usage se fait majoritairement à domicile et dont le trafic 3G est donc moins problématique – pour le moment car les pratiques évoluent vite notamment pour la consultation de vidéos.
La seconde solution repose sur l’optimisation des ressources radio. Il a été évoqué la possibilité de « broadcaster » le contenu audiovisuel le plus populaire pour soulager le réseau 3G dans des zones et des lieux bien définis… Troisième solution, limiter le gâchis : Jean-Pierre Casara a par exemple expliqué que lorsqu’on regarde 1 minute 30 de vidéo sur YouTube, la plupart du temps c’est l’intégralité du clip de 5 minutes qui est téléchargé. Un participant dans la salle a souligné les économies qui pourraient être réalisées si les applications et les sites web étaient aussi conçus avec cet impératif de réduction du volume en tête.

Les réseaux 4G constituent à terme une solution pour faire face à l’explosion du trafic data. « La 4G a été pensée pour la data » précise Yacine Mahfoufi, elle offrira du débit mais aussi et surtout de la qualité de service (connexion – vraiment – permanente, réduction du temps de latence, etc.).
La 4G ce sera en 2013 pour Orange. Yacine Mahfoufi a présenté à l’auditoire des exemples de terminaux qui proposent déjà des services 3G/4G.
La Bretagne est bien impliquée dans ce domaine. Dominique Guillois a présenté en quelques mots la plate-forme 4G qui a été déployée à Brest dans le cadre du projet ImaginLab du Pôle Images et Réseaux. Il a invité les développeurs à venir imaginer et tester les applications mobiles de demain.

La soirée s’est poursuivie autour d’un verre et d’une pizza. Le prochain Mobile Monday Rennes, 7ème édition aura lieu le 16 janvier 2012. Au programme : la révolution des interfaces. Ecran tactile, reconnaissance vocale, reconnaissance des gestes type Kinect, venez découvrir des exemples de nouvelles interfaces pour les services mobiles d’aujourd’hui et de demain !

La cantine-Rennes

URL: http://www.lacantine-rennes.net
Via un article de La Cantine, publié le 17 novembre 2011

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