Une co-production du groupe animacoop 4 (formation à l’animation de projets collaboratifs au pays de Brest printemps 2011)

Une dynamique de projets coopératifs dans le temps

Depuis le 28 mars 2011, treize stagiaires, principalement animateurs du pays Brestois, ont suivi une formation sur l’animation de projets collaboratifs « Animacoop Brest 2011 ». Organisée en co-production par l’association Outils-Réseaux et la ville de Brest, cette formation participe à la construction d’un tissus des réseaux coopératifs sur le territoire. Elle se déroule en grande partie à distance : les contenus proposés permettent à chaque participant d’avancer sur un projet coopératif concret. En parallèle, chacun peut trouver un appui et conseil dans de petits groupes d’échanges des pratiques : un lieu d’exercice à la coopération. De ces échanges et réflexions apparaissent des problématiques communes à la pratique professionnelle de nombreux animateurs de réseau. Nous présentons ici le fruit de coopération de stagiaires Animacoop Brest 2011.

Tous encouragements, critiques, diffusions sont les bienvenus.

par

« La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat. »

  • Kofi Annan - Discours à l’Assemblée Générale de l’ONU, 24 Septembre 2001

Une fois la dynamique de groupe impulsée, faire vivre ce groupe et ses projets est un travail à part entière. Comment sur le long terme permettre à cette dynamique de coopération de durer dans le temps, comment prolonger cette envie de " faire ensemble" ?

Voyons tout d’abord comment accompagner cette dynamique lorsqu’elle s’auto alimente naturellement puis comment la soutenir afin d’en assurer une certaine pérennité lorsqu’à un moment donné, elle va vaciller.

Donner envie de participer

Un projet coopératif est voué à l’échec si ses participants n’ont pas envie de s’y investir. Comment pouvons-nous faire durer la dynamique de notre projet coopératif si ceux-ci ne prennent aucun plaisir à se retrouver, à produire du contenu collectivement, à contribuer au projet ? Le travail de l’animateur de projet coopératif est d’apporter ce plaisir et cette convergence au sein de la communauté pour que chacun ait envie d’apporter sa pierre à l’édifice.

Il est important que chaque acteur d’un projet coopératif ressente son appartenance à une communauté, quelque soit son degré d’implication. Il faut garder en tête que "les petits ruisseaux font les grandes rivières" : chaque contribution, même insignifiante en apparence, à son importance. Elle peut ouvrir la voie vers un point de vue nouveau sur une facette donnée du projet. Il faut favoriser l’abondance d’idées et de points de vue en encourageant chacun à participer, en valorisant ses capacités et ses apports à la communauté pour lui donner envie de s’impliquer d’avantage.

Cela suppose parallèlement une capacité d’écoute et une aptitude à "entendre" des membres de la communauté. L’expression ne peut être favorisée et valorisée que si le contenant le permet et si les partenaires sont prêts à se l’approprier. Dans certains cas des règles d’éthique peuvent permettre cette prise de conscience.

Garder le contact

Il est également important de maintenir un contact régulier avec les partenaires via des réunions, réelles ou virtuelles, qui empêchent la dynamique de s’essouffler ou pire, de s’arrêter. Les réunions de travail n’empêchent pas de travailler et d’échanger dans la bonne humeur : n’oubliez pas le café et les p’tits gâteaux, signes de ralliement et de convivialité ! Il est important de privilégier la proximité des réunions physiques, quitte à décliner sur plusieurs temps et en plusieurs lieux une réunion ayant le même objectif. On s’assure ainsi que les membres de la communauté qui souhaitent y participer ne soient pas confrontés à des problèmes de temps ou de distance. Et pourquoi ne pas initier et systématiser les pratiques de covoiturage, qui d’une part favorisent l’interconnaissance des participants (confinées dans une R5, les langues se délient !), et qui d’autre part permettent à celles et ceux qui n’ont pas de moyens de locomotion (ou de moyens tout court) de ne pas être exclu(e)s.

Il faut sortir du cadre plus ou moins officiel des réunions de travail et participer à des évènements communs, en lien (même lointain) avec le projet, pour permettre à la dynamique de continuer naturellement. Il faut savoir se regrouper, échanger sur le même thème pour mieux collaborer, partager ses informations et donner de l’envie pour co-produire. C’est aussi l’occasion de se pencher sur des projets qui ne sont pas forcément les siens puisqu’ils émanent d’un travail collectif où le consensus, le compromis font sens. L’ouverture d’esprit et la volonté de se pencher sur un autre projet que le sien sont extrêmement bénéfiques à la dynamique collective.

Créer du vécu commun

En ayant une vision à long terme, des idées nouvelles apparaissent et des échéances sur de nouveaux projets permettent au groupe d’avancer. Il ne faut cependant pas oublier de laisser une place sur un forum ou de lancer par liste de discussion un sujet ou un brainstorming sur des idées de projets. Nous permettons ainsi au groupe de se projeter dans l’avenir et donc de maintenir cette envie de co-produire. Ainsi en créant du "vécu commun", qui peut aller jusqu’à la définition d’un "nom de groupe" (tel que les "Animacoopiens Brestois millésime 2011"), nous satisfaisons un besoin d’appartenance.

Le "vécu commun" c’est aussi le "sortir du projet". À trop mettre son énergie, ses moyens, son temps... dans un projet, on oublie de le mettre dans l’humain, l’interconnaissance, l’échange. Étonnant en effet comment votre boucher, croisé dans la rue, sans son tablier "vous dit quelque chose... vous l’avez déjà croisé... mais où ?". Dans un autre contexte, sous un autre visage, un membre de la communauté présente d’autres facettes. Les connaître c’est aussi mieux connaître vos partenaires de projet et renforcer le lien qui vous amène à travailler ensemble.

Soutenir la communauté

La communauté a un cycle de vie et son fonctionnement va nécessairement connaître des crises, des remises en cause, des faiblesses. Elle ne trouve plus en interne des éléments qui lui permettent de poursuivre un développement endogène. Elle a besoin de renouveau, de stimuli, de sang neuf. Les participants s’essoufflent, ne voient pas le bout du cheminement ni l’impact de l’action. Des désaccords émergent et avec eux des dictateurs ou des boudeurs. Les fondations s’effritent, les parois se lézardent. Seuls résistent les murs porteurs...parfois, souvent, les animateurs.

Il faut alors donner un second souffle à la communauté et c’est à l’animateur qu’il revient de le faire, en créant par exemple au sein de la communauté des groupes de travail qui vont approfondir certains points tout en ouvrant leurs réflexions au plus grand nombre, pour être plus efficaces. Un groupe de travail n’est pas forcément grand, mais il vise à élargir la communauté permettant à l’animateur d’être plus "fainéant" possible. Il n’est pas obligatoire d’avoir uniquement des experts de la facette discutée dans le groupe. Les idées ou réponses peuvent venir de personnes dont on attendait pas forcément de réponses ou d’engagement : la compétence n’est pas prévisible ! Lorsque le groupe de travail a terminé ce pour quoi il a été formé, il faut pouvoir le tuer sans que la communauté en soit affectée, et pouvoir le ranimer à tout moment, si besoin.

Il est dans tous les cas à ce stade important de remettre tout le monde à niveau, en faisant des synthèses rapprochées et en utilisant les cartes heuristiques, plus visuelles qu’un texte de plusieurs pages qui ne sera jamais lu. Les personnes les moins impliquées dans le projet peuvent ainsi suivre son évolution quand même.

Ouvrir la communauté

Pour éviter le relâchement de la dynamique du groupe, il est nécessaire d’organiser une veille autour du projet et de rester à l’affût de ce qui se passe autour de nous. Pour cela, se retrouver en groupe de co-développement, avec des personnes externes au projet, va nous permettre d’échanger et de recevoir des critiques constructives. Et donner notre avis en retour, sur des projets qui ne nous concernent pas directement, peut nous amener à développer des points de vue différents sur une ou plusieurs facettes de notre propre projet.

Il ne faut pas non plus hésiter à ouvrir la communauté ou le groupe de travail à de nouvelles personnes, bien au contraire ! L’arrivée de nouveaux partenaires dans le projet va insuffler un nouvel élan, des idées nouvelles, des techniques nouvelles. L’abondance d’idées n’est pas un frein au projet, c’est ce qui va permettre à la dynamique de se remettre en marche.

Se donner les moyens

Spontanément, un ou plusieurs membres de la communauté peuvent endosser les rôles d’initiateurs de réflexion ou d’animateurs de la communauté. Cette fonction est centrale dans le travail du groupe. L’animateur réactive le groupe quand ce dernier somnole et est en capacité d’interpeller officieusement un membre pour qu’il lance un débat ou un projet (or on sait que la première prise de parole ou intervention en suscite d’autres). Il a une vision globale du projet, lui assure une cohérence et éventuellement gère un budget "convivialité".

Si pour des raisons diverses (manque de temps, manque de connaissance ou d’expérience...) ces fonctions ne sont pas assurées, il est essentiel de stimuler la motivation pour qu’elles le soient, par des moyens techniques ou humains.

Des moyens techniques : utiliser des outils coopératifs

De nombreux outils informatiques et coopératifs permettent de travailler efficacement, tout en faisant gagner énormément de temps. Il faut cependant faire attention à adapter ces outils à la maturité du groupe, sinon nous risquons d’obtenir l’effet exactement inverse de celui que nous recherchions ! Parmi les nombreux outils qui existent, certains ont particulièrement retenu notre attention :

  • Forum de discussion et/ou liste de discussion (FluxBB crayon, Sympa)
  • Newsletter
  • Site Internet : Wiki et/ou Spip
  • Etherpad (écriture collaborative)
  • Doodle (planification de réunions)
  • Twitter (publication sur réseau social)
  • Flashmeeting, Skype (réunion virtuelle par visio-conférence)
  • ZeeMAPS crayon (localisation des membres du groupe)
  • Freeplane (cartes heuristiques)

L’utilisation d’outils coopératifs tels qu’une newsletter, une liste de discussion, un forum de discussion ou encore un wiki permettent de facilement valoriser les apports de chacun, en complément d’articles publiés sur des sites Internet ou via la presse.

D’autres outils vont permettre une collaboration à distance et de la co-production comme Doodle pour les sondages, les salons de visio-conférence, Etherpad pour les écrits collaboratifs, etc...

Des moyens humains : s’ouvrir à d’autres réseaux

Dans tout groupe à gouvernance démocratique, 10 % des membres sont moteurs dans l’animation et la vie du groupe. Si même ces moteurs là sont peu puissants, il est essentiel d’ouvrir la communauté au plus grand nombre pour s’assurer que la dynamique reprenne. C’est aussi se donner la chance de profiter d’une abondance de nouvelles contributions qui peut amener un nouvel élan au projet, une nouvelle orientation bref un nouveau départ.

Conclusion

« Une équipe, ça se construit, l’esprit d’équipe ça se cultive. [...] Il faut se doter des moyens appropriés pour faire d’un groupe, une équipe orientée vers la réalisation d’un but commun et pour maintenir vivante l’équipe ainsi constituée.  »

  • Mucchielli (psycho-sociologue français)

En conclusion, impulser une dynamique dans un groupe et la faire perdurer est donc tout un ART. Les Technologies de l’Information et de la Communication, qui évoluent très vite, offrent une diversité d’outils méconnus, pourtant intuitifs à l’utilisation et gratuits, qui permettent de nouvelles possibilités d’échanges et de collaboration. Elles ne font cependant pas tout et le chef d’orchestre de cette mise en musique est l’Animateur de Réseau.

La performance des outils d’aujourd’hui ne doivent pas occulter les pratiques d’hier. L’informatique n’est rien sans l’humain mais l’humanité a tout à gagner à s’approprier ces nouveaux outils. Pour quels usages ? Quels enjeux ? Le fonctionnement coopératif, une alternative à la libre concurrence pure et parfaite ?

Et ce travail en réseau autour de l’animation collaborative continue avec la centaine de participants au réseau anime-fr

Posté le 16 juillet 2011 par Louis-Julien de la Bouëre

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