Un éditorial de Philippe Aigrain proposé à votre réflexion

Il faut s’insurger contre la biométrie de masse

Un article repris du Blog de Philippe Aigrain et publié sous contrat Creative Commons by
L’article et ses commentaires

Je le dis depuis des années sur ce blog, sans grand effet : la mise en place de dispositifs personnels permettant de tester rapidement l’identité de grands nombres de personnes en interrogeant des bases de données centralisées de données biométriques est l’un des plus grands dangers qui pèsent sur les libertés et les droits fondamentaux. J’avais ainsi eu l’occasion de me révolter de la mise en place des passeports biométriques, puis de juger insuffisants les ajustements apportés par le gouvernement Villepin à son projet de carte d’identité électronique suite à une consultation publique [1].

J’avais aussi salué l’action courageuse de quelques résistants et le soutien que leur avait apporté Louis Joinet contre la mise en place de dispositifs d’identification biométrique dans les cantines scolaires. Tous avaient souligné que les fabricants de ces dispositifs cherchaient à les banaliser en les introduisant dans les vie quotidienne et en y familiarisant les enfants.

Le gouvernement actuel n’a lui aucune inhibition. Il vient de proposer de réunir en un seul dispositif la biométrie de masse sécuritaire et la pression sur les individus pour qu’ils l’acceptent en en faisant dépendre des services de la vie quotidienne. En effet la nouvelle carte proposée aurait non pas une mais deux puces, une servant à identifier les personnes pour les services de sécurité et l’autre pour les services en ligne. Cette dernière serait facultative, c’est à dire qu’on pourra renoncer au bénéfice de la « confiance » qui sera attachée à son usage. Tout y est : la mise en place de dispositifs qui auraient conduit à l’arrestation de centaines de milliers de juifs et de résistants qui n’ont dû qu’à la falsifiabilité des papiers de survivre pendant la dernière guerre, l’atteinte profonde au droit à l’anonymat sur Internet qui ne tardera pas à en résulter, le privé et l’Etat sécuritaire main dans la main. Ne vous en faites pas, on ne vous veut que du bien, faites-leur confiance.

Si vous n’arrivez pas à leur faire confiance, ne vous contentez pas de râler. Si jamais ce projet est adopté, tel quel ou vaguement assoupli, il faudra boycotter la nouvelle carte d’identité quelles qu’en soient les conséquences. Nous serons les sans papiers de demain.

[1Le Forum des Droits sur l’Internet qui avait initié cette consultation a depuis été contraint à la dissolution par le gouvernement.

Posté le 11 juillet 2011

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