Opendata : Vers un avenir ouvert ?

- Rédaction Justine Armstrong - pour ANIS - Avril 2011

L’Opendata (ou « l’ouverture des données publiques ») connaît depuis quelques mois un véritable essor à travers un nombre croissant d’initiatives portées par des institutions locales et nationales.

Ce mois-ci, ANIS vous propose un article de fond sur ce nouveau phénomène.

Opendata késako ?

La notion de « donnée publique » couvre l’ensemble des données qui sont produites ou collectées par un État, une collectivité territoriale, un organe parapublic, dans le cadre de leurs activités de service public.

Le principe de l’Opendata consiste à mettre à disposition ces données publiques pour qu’elles puissent être réutilisées par tous.
Certains documents sont expressément exclus de cette réutilisation (lorsque protégés par un droit de propriété intellectuelle d’un tiers, relatifs à un service public industriel et commercial, ou provenant d’établissements et institutions d’enseignement et de recherche, d’organismes ou de services culturels).

La circulation de données brutes, jusque-là inaccessibles au citoyen, est faite dans l’espoir de voir ceux-ci s’en emparer pour les analyser, les exploiter et les partager, créer des applications pour téléphones mobiles ou pour créer des sites.


Le phénomène Opendata vient du monde anglo-saxon, des Etats-Unis et de Nouvelle-Zélande.

En Europe, l’ouverture de données est devenue une obligation grâce à la directive européenne de 2003 transposée par ordonnance dans le droit français en 2005, qui stipule clairement, que les données publiques doivent être mises à disposition et réutilisables à des fins commerciales ou non, d’une manière non discriminatoire et non-exclusive, à des coûts n’excédant pas ceux de production de la donnée.

Les raisons de ce regain d’intérêt

L’intérêt aujourd’hui suscité par l’ouverture des données publiques peut s’expliquer par plusieurs phénomènes.

Internet

En premier lieu, le développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) permet de faciliter la diffusion de ces données publiques par la mise en ligne sur Internet. Ainsi, l’Opendata trouve sa source dans le développement de l’ère numérique.

Les Smartphones

L’étude de l’Idate relative au taux de pénétration de l’Internet mobile au niveau mondial livre des indications intéressantes. Les chiffres de cette étude montrent que le téléphone mobile deviendra le canal majoritaire pour accéder à Internet (en Europe, le taux d’usage de l’Internet par le mobile atteindra 85% en 2015). Cela entraîne une modification des comportements. Nous passons d’une logique Web « je cherche quelque chose » à une logique mobile où « je suis ici et je veux savoir maintenant ce qu’il y a autour de moi pour consommer instantanément ». C’est ce que l’on appelle, en termes de comportement, le « maintenantisme » : l’accès à tout, immédiatement. On ne veut plus attendre, nous vivons dans l’instant. L’Opendata devient ainsi un outil au service du citoyen « pressé ».

La dynamique participative

En parallèle de ce phénomène, nous voyons apparaître de nouveaux comportements face à la politique et aux instances de décisions. Nous sommes face à une dynamique participative de plus en plus affirmée dans nos territoires.

De manière croissante, les citoyens réclament le droit à la parole et à la participation. La décision du politique n’est plus vécue de la même manière. Le citoyen veut comprendre et avoir la connaissance de toutes les données. Ainsi, les informations ne peuvent plus être tenues secrètes par les institutions, les données doivent descendre et devenir accessibles par tous. Le changement ne vient plus d’en haut, mais vient de la société elle-même, en dehors des cadres établis et des institutions. L’Opendata permet au citoyen d’accéder, sans intermédiaire, aux données publiques produites par ces institutions.

Les enjeux des données libres

La mise à disposition des données jusque là détenues par les autorités locales ou nationales ouvrent de nombreuses voies.

Pour les partisans de l’Opendata, l’ouverture des données administratives et publiques permettrait des innovations susceptibles de changer en profondeur la société, que cela soit au niveau de l’innovation économique, du développement de l’économie numérique, mais aussi de l’innovation sociale, citoyenne et démocratique.

La libération de ces données facilite le travail de nombreux acteurs de la société civile : les entreprises, mais surtout les citoyens, les journalistes et les associations.

Ces données « libérées » peuvent ainsi être consultées, voire exploitées et développées :
- Les entreprises peuvent, dans leur domaine d’activité, ajouter de la valeur aux données mises à leur disposition ;
- Les associations peuvent se saisir de certaines données et ainsi faire profiter les collectivités de leurs analyses, notamment dans le domaine du développement territorial ;
- Les scientifiques peuvent y trouver des éléments statistiques ou techniques pour nourrir leur recherche, élargir leurs travaux, et développer de nouveaux modèles ;
- La communauté des développeurs peut inventer des services numériques innovants à partir de ces données ;
- La presse peut, à partir de ces données, mener un travail de fond et développer le « data journalism » ou « journalisme de données » (l’analyse et la retranscription de données pertinentes mais complexes dans les données publiques ouvertes) (voir l’article « Le data-journalisme : vecteur de sens et de profits » publié sur OWNI, magazine de journalisme numérique) ;
- Les citoyens y trouvent plus de transparence sur la démocratie et la vie de leur collectivité et bénéficient des recherches, enquêtes et services produits à partir de ces données.

Licences gratuites ou payantes ?

Dans le but d’encadrer l’ouverture des données publiques, plusieurs licences d’utilisation ont été créées, avec ou sans restrictions (clause non commerciale par exemple), avec ou sans obligations, gratuites ou payantes.

La loi prévoit que les détenteurs des données publiques peuvent exiger une redevance dans le but de couvrir les coûts de collecte, de production et de mise à disposition, ainsi que les investissements consentis.

L’annonce de la Ville de Nantes de rendre ses données publiques payantes pour ceux qui en feraient une réutilisation commerciale a relancé le débat.

A l’étranger, les plates-formes nationales et locales présentent des licences d’exploitation gratuites pour tous. En France et en Europe, souvent pour des raisons d’équilibre des comptes publics, la question est davantage sensible.
Si plusieurs licences existent en France, les deux initiatives Opendata françaises (Rennes et Paris) ont choisi des licences d’exploitation gratuites, y compris pour des fins commerciales.

La clause non commerciale de certaines licences soulève beaucoup de questions : avoir recours à la publicité pour financer les frais d’hébergement d’un service à but non lucratif représente-t-il une activité commerciale ? Utiliser des données publiques pour générer du trafic et ainsi offrir plus de visibilité à ses activités commerciales peut-il être considéré comme une activité non-commerciale ?
De plus, lorsque des administrations optent pour des licences interdisant les usages commerciaux, elles font le choix de restreindre la créativité potentielle des plus petits usagers de ces données.

Ainsi, il est à noter que l’utilisation de restrictions pose de nombreuses questions, freins et risques, tels qu’un effet de dissuasion ou l‘instauration d’une discrimination aux usages, alors que le principe même de l’Opendata est de rendre chacun égaux face à l’information et à son usage.

L’ouverture des données à l’échelle d’une ville

De nombreuses villes, comme New York, San Francisco, Londres ou Vancouver ont été des précurseurs de cette démarche.

En France, avec le projet www.data.rennes-metropole.fr lancé le 1er octobre 2010, la Ville de Rennes et la Communauté d’agglomération Rennes Métropole ont été les premières collectivités à ouvrir largement leurs données publiques.

A ce jour, plus d’une centaine de données sont accessibles gratuitement via le site internet www.data.rennes-metropole.fr. Ces informations concernent avant tout le réseau de transport et la disponibilité des équipements en temps réel (horaires, vélos en libre service, stationnements libres, flux de déplacements et embouteillages), l’accessibilité aux personnes handicapées, la localisation de lieux publics (sportifs, espaces verts, sanitaires), ainsi que des renseignements sur 1 500 organismes publics et associatifs.


Paris a, de son côté, ouvert une vingtaine de jeux de données (http://opendata.paris.fr) il y a quelques semaines, regroupant des millions d’informations dans des domaines divers tels que la culture, l’urbanisme, les déplacements ou l’environnement.

En France, d’autres villes ont entamé une réflexion sur le sujet : Brest, Nantes, Bordeaux, Toulon, Montpellier, Marseille…

L’ouverture des données à l’échelle d’un pays

Les villes françaises et européennes rattrapent peu à peu leur retard par rapport aux pays anglo-saxons. Cependant, l’ouverture des données à l’échelle nationale reste encore marginale.

A l’heure actuelle, il n’existe dans le monde que quatre états ayant entamé le partage des données publiques à grande échelle. Il s’agit des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle Zélande qui ont chacun créé un portail gouvernemental contenant des rapports publics, des statistiques, un moteur de recherche et un espace de dialogue.

Au début de l’année 2010, dans le cadre du plan de développement de l’économie numérique « France numérique 2012 », la France a lancé un projet similaire. La conception du portail a été confiée à l’Agence pour le patrimoine immatériel de l’Etat (APIE).
Le projet semble avoir pris du retard et pose encore de nombreuses questions, notamment sur la gratuité ou non de la licence pour les réutilisations commerciales.

Reste maintenant à espérer que les données publiques de l’Hexagone dévoileront prochainement tout leur potentiel.

Sources :

www.regardscitoyens.org/open-data-des-licences-libres-pour-concilier-innovation-sociale-et-economique

www.acteurspublics.com/article/28-09-10/la-revolution-open-data

http://fr.techcrunch.com/2011/01/12/open-data-pourquoi-faut-il-liberer-les-donnees-publiques-en-france

www.planete-plus-intelligente.lemonde.fr/villes/l-ouverture-des-donnees-publiques-pour-quoi-faire-_a-13-610.html

http://doc.openfing.org/RDPU/GuidePratiqueDonneesPubliquesv1beta.pdf

http://fr.wikipedia.org/wiki/Journalisme_de_donn%C3%A9es

« Le 23 » (Journal d’expression des associations du réseau MRES) , article n°203, Printemps 2011 « Les données libres : une chance pour le tissu associatif »

Anis

L’Association Nord Internet Solidaire (ANIS) a pour objet la valorisation des Usages Citoyens et Solidaires des TIC, à l’initiative des ROUMICS « Rencontres OUvertes du Multimédia et de l’Internet Citoyen et Solidaire »

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URL: http://www.anis.asso.fr/
Via un article de Justine Armstrong, publié le 28 avril 2011

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