Hacknowledge, un atelier entre bidouille et savoir à Rennes

5 avril 2011, journée ensoleillée et ambiance feutrée à la "cité d’ys", une taverne médiévale au centre de Rennes.

En 2010 a été crée l’association "Hacknowledge" à Rennes.
Vous représentez l’association, pouvez-vous nous là présenter ?

  • mat Lau et matv : "Déjà, le nom de l’association, Hacknowledge, est un jeu de mot qui combine la bidouille (hack) et le savoir (knowledge). Le terme hack est utilisé ici dans son sens premier pour désigner la bidouille, démonter quelque chose, comprendre le fonctionnement, ouvrir la boite noire, voir comment c’est fait, comment ça marche et l’adapter à ses besoins."
  • matv : "Depuis que je suis gamin je démonte les objets mais après je n’arrivais pas toujours à les remonter".
  • matLau : "ahh ben moi j’y arrivais." (rires)
  • matv : "Je suis arrivé en juin 2010, après l’événement, le BEC, Breizh Entropy Congress. C’est grâce au BEC que j’ai pu rencontrer d’autres personnes intéressées par ces sujets. Je voulais m’investir sur un atelier mutualisé. J’y pensais déjà quand j’étais à Lannion où j’étais consultant dans une SSII. Comme j’étais dans un petit logement, je voulais pouvoir bidouiller dans un espace plus grand. D’ailleurs beaucoup de hacklab sont dans des zones urbanisées parce que les gens sont dans de petits appartements. C’est surtout pour cette raison que je voulais monter une association de bricolage : pour mutualiser un local et du même coup des outils, voire une machine-outil.

Avec matlau on se connaît depuis l’école d’ingénieur, on bricolait ensemble, fabriquait des antennes wifi et d’autres petits projets, en utilisant la scie à métaux, le fer à souder et le dremmel sur le coin du bureau. Je ne sais pas ce que l’on désigne par fablab mais pour moi le but est surtout de bidouiller entre ami et que ce soit convival."

  • wanda : "Je pense qu’hacknowledge tend à devenir un fablab en plus de son rôle d’accueil et de communication. Le fablab c’est un espace de discussion plus accessible qu’un hacklab. Si des personnes veulent présenter des projets et monter des projets, nous sommes présents pour les accueillir. Cela nous permet aussi de se voir pour coordonner des ateliers et acheter du matériel. "

Quels sont les activités qu’apporte cet atelier ?

  • matv : "Les avantages de ce genre de lieu sont d’acquérir du matériel à plusieurs, mutualiser les moyens ou partager et mutualiser les connaissances. Les compétences des personnes qui viennent sont essentiellement en informatique et électronique pour l’instant.
    Chacun peux bidouiller de l’informatique « logiciel » chez lui et explorer sans gros matériel. En informatique pure il y aussi assez de forum et de groupe de travail en ligne ex : Google Code où les contributeurs travaillent un sujet sans être sur un lieu. C’est dématérialisé. tu compiles et tu envoies. 
    La différence avec l’électronique, c’est qu’il faut du matériel. Problème matériel qu’on veut combler avec le hacklab."
  • matv : "Ce qui est pertinent avec le hackspace c’est d’avoir des rencontres physiques et de rematerialiser les relations.
    Si je passe des heures sur un projet logiciel je peux me demander ce que j’ai fait ou ce qui a changé dans le monde « physique ». Là tu crées des objets, c’est plus gratifiant.
  • matlau : "Tu as crées un panneau de led par exemple".
  • matV : "Oui et le panneau il sera toujours là. Alors que le programme informatique lui sera déjà oublié ou obsolète dans quelques années. En informatique ce que l’on produit peut facilement etre dupliqué des milliers de fois, mais aussi disparaître, être effacé.
  • matlau : "On fait des choses gratuites mais on le fait car on a en envie de le faire."

Pouvez-vous nous donner des exemples de bidouillage et ce qui vous motive ?

  • matlau : "Le panneau de led qu’il a crée, il n’attend rien en retour, au sens pécunier du terme".
  • matv : "J’espère juste de la considération, que les gens disent que c’est cool. Dans sa conception, les leds seules ont été achetées. Le reste c’est fait avec des matériaux courants récupérés.
    Autrement, y a 2 écoles dans le bidouillage :
    * le "re-use", le hack pur et dur : Tu prends 2 objets, tu secoues et hop ça fait autre chose. Ça marche aussi avec un seul objet (rires). Et pour pas cher ou parce qu’il ne servait plus.
    * l’autre école c’est de pouvoir avoir une force mutualisée pour faire quelque chose. C’est par exemple acheter en commun une machine qui coûte 10000 euros.

Il n’y a pas les mêmes attentes : certains voudraient bidouiller des vieux pc (re-use) et d’autres voudraient utiliser une machine de découpe laser qui coûte cher.
Mais en fin de compte tout ce monde se rejoint autour du « Do It Yourself », la différence est finalement au niveau de ce que les bidouilleurs sont près à investir en temps ou en argent dans le projet, en fait il y en a pour tous les niveaux de motivations. Certains ont peu à investir et d’autre sont capable de donner énormément. Il faudra juste trouver un moyen pour que les uns n’empêchent pas ou n’écrasent pas les autres ».

  • wanda : "Depuis la mise en place du BEC, Breizh Entropy Congress cela a permis de motiver et révéler des projets. De mon côté, cela m’a permis d’initier 2 ateliers et rendre visible, bidouiller, jouer avec le public concernant les technologies et les enjeux de société par exemple. J’avais crée un atelier prévu pour qu’il soit compréhensible dans n’importe quelle langue : c’était motivant de voir que le public s’interrogeait et jouait avec les pions représentant des objets du quotidien et qui faisait réfléchir sur la maitrise que l’on a dessus ou pas".

Les projets à venir d’Hacknowledge et activités avec les membres

  • matV : "pour l’instant on se demande quoi leur proposer. Qui on vise à Rennes ? Sur Rennes il y a beaucoup d’ingé telecom qui vivent en appartement (donc sans atelier personnel). Il serait simple de les toucher avec des flyers déposés en entreprise ou à la fac".
  • matLau : "Il y a aussi les étudiants. Les 2 groupes communiquent".
  • matv : "le problème c’est l’argent".
  • wanda et matlau : "oh non pas forcément". (rires)

De quoi Hacknowledge aurait besoin ?

  • matv : "On aurait besoin d’une machine outil pour usiner et faire des objets. Pour usiner du métal il faut du budget."
  • wanda : "Il y a l’élaboratoire, des ateliers d’artistes situés à l’est de Rennes, avec lesquels nous nous sommes rapprochés. Je connais aussi un garage coopératif. Mais ce que l’on recherche n’existait pas sur Rennes, il y a bien un besoin d’où la création de cet espace de bidouille. Au jardin moderne, il y a également des performances artistiques et bidouillage, dont la présentatio du makerbot. »
  • matV : "Ouais mais il nous faudrait un XXL alors. Industriel qualité pro."

Des projets originaux en cours ?

  • matv : "Je voudrais faire un robot. Le terme « robot » est très large et ça n’a rien d’original, mais cela a imprégné toute notre génération et actuellement on est loin de ce que nous rêvions tout étant gosse. Cependant la technologie nécessaire est accessible.
    On peux trouver en magasin toute la matière première nécessaire qu’il est possible d’usiner, de travailler pour obtenir les pièces dont nous avons besoin. Cependant certaines pièces ne sont pas possible à fabriquer : moteurs, capteurs. Le « do-it-yourself » a aussi ses limites.
    Je voudrais aussi faire un logger GPS et rajouter des capteurs pour pouvoir se souvenir de son trajet et récolter certains paramètres en route ."
  • matv : " moi j’ai fais un videoprojecteur maison".
  • wanda : "Oui. Il est impressionnant d’ailleurs ton vidéoproj. De mon côté, je voudrais rendre matériel et visible certains sujets pour les rendre plus tangibles. J’avais pu initier un atelier sur des visions de société au carrefour de la vidéosurveillance, du consumérisme technologique et un habitat transparent, grâce au congrès justement".

Sur Rennes, les mêmes personnes à Hacknowledge sont également actifs sur le Breizh Entropy. Pouvez-vous nous présenter cela ?

  • matv : "Breizh Entropy est un hacklab mais non institutionnalisé".
  • wanda : "Selon les pays, les pressions sur les hackspaces et la reconnaissance n’est pas la même. Si nous avons crée Hacknowledge, au sein du Breizh Entropy, c’est pour assurer un accueil et un fonctionnement. Hacknowledge ne touche pas de subvention et est autonome. Le Breizh Entropy assure des activités de type hackspace."
  • wanda et matlau : "Par rapport au Breizh Entropy, on veut surtout apporter de l’accueil, de la communication, des outils, du service quelque part".

Quelles ont été vos études, vos projets ?

  • matlau : « Matv et moi on est issu de l’Ifsic (feu le DIIC, Diplôme d’Ingé en Info et teleCom) et depuis 2 ans cela s’appelle l’ESIR. Ma principale compétence professionnelle est le développement en C/C++ sous Linux. Sur mon temps libre, je suis sur un projet de contrôle de console de jeu, sur tout ce qui touche les périphériques. Je fais de l’open source, et ce qui me plaît dans cette approche est qu’il y a pleins de gens qui posent des questions, et même certains qui me donnent des conseils. Les gens ne s’attendent pas à ce que ce soit gratuit/libre, et m’en remercient. C’est très positif. c’est gratifiant. Cela devient une passion.
    Par rapport à hacknowledge j’aimerais faire des ateliers sur les interfaces homme-machine. Par exemple, bidouiller des capteurs de mouvements ».
  • wanda : « j’ai effectué une double formation en sociologie-politique et TIC en développement territorial. J’étais déjà investie sur le détournement des usages. Dès 1998, je me suis investie sur la vulgarisation scientifique et les bidouilles en informatique mais aussi les systèmes d’information, la communauté du Logiciel Libre puis les fablabs, hackspaces et faire connaitre les projets, l’appropriation de ces outils et leur dimension politique, ex : volet société du Congrès Berlinois organisé par le Chaos Communication Congress (BCC de 2009)".

Comment voudriez-vous voir évoluer Hacknowledge pour répondre aux besoins ?

  • matlau : "qu’on soit vu comme une communauté de compétences, pour les partager directement plutôt que de chercher des heures sur le net des personnes. Pouvoir nous orienter sur la compétence précise. Partager du savoir et mettre à disposition des compétences".
  • wanda : "j’aimerai que l’on ait un local d’environ 50m2, accessible pour pouvoir échanger avec d’autres groupes et développer les activités. La proximité avec l’Elaboratoire est déjà très interessante. Pour l’instant, j’accompagne pour avoir des publications régulières de ce qu’il se fait et informer les étudiants, chercheurs et personnes de passage sur Rennes qui veut présenter ses projets dans un endroit dédié et créatif".

happy hacking ;-)
 

Posté le 18 avril 2011 par Valérie Dagrain

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