Webtrotteurs des Quartiers

Un réseau francophone pour l’écrit public

En 2003, le projet Webtrotteurs des Quartiers est devenu un réseau international. Grâce au soutien du Fond Francophone des Inforoutes et au Ministère des Affaires Etrangères, Initial a pu mettre en place des formations et des nouvelles équipes au Québec, en Belgique, au Sénégal, aux Comores et en Algérie. 50 animateurs formés et plus de 100 jeunes intègrent aujourd’hui le réseau en dehors du territoire français.

Un an plus tard, un bilan de l’action est nécessaire pour déterminer les nouveaux chemins à prendre et continuer dans la démocratisation à l’accès public à l’Internet et à l’écrit public.

L’action « Webtrotteurs des Quartiers » a comme principal objectif de donner accès aux outils de communication à des jeunes francophones en milieu urbain ou rural qui sont dans une démarche d’insertion sociale ou économique. La mise en place de l’action Webtrotteurs pose la problématique de l’accès public pour tous et celle de la promotion des projets sociaux dans les pays en voie de développement. Lors du dernier Sommet Mondial sur la Société de l’Information à Genève en 2004, aucune proposition concrète n’a été formulée, au delà des déclarations d’intention et des positions critiques. Dans la pratique, l’action Webtrotteurs se réalise sur le terrain à travers des formations d’animateurs, des ateliers pour les jeunes et de production multimédia collective. Nous essayons, avec la mise en place des ateliers Webtrotteurs, d’encourager une forme d’intelligence collective qui contribue à la construction de la société des savoirs d’aujourd’hui et de demain.

Réalisée en trois temps, l’action Webtrotteurs à l’international continue aujourd’hui au rythme de chaque partenaire, autonome dans leur production. Le travail de jeunes issus de six pays nourrit le site commun www.webtrotteurs-quartiers.org et nous donne un aperçu des manières de penser et de s’exprimer ainsi que des sujets qui attirent les jeunes aux 4 coins du monde.

Pour le projet international nous avons réalisé des visites préparatoires, des formations adressés à des animateurs multimédia dans chaque pays et nous avons suivi et encouragé la production multimédia de nouveaux membres du réseau.

Les visites préparatoires nous ont permis de mieux cerner les limites de notre projet mais aussi d’envisager des solutions possibles. Elles nous ont servi à vérifier sur place la faisabilité de l’action.
Malgré les difficultés rencontrées (manque d’expérience dans l’animation multimédia, faible niveau de formation, problèmes de connexion Internet, manque de matériel informatique approprié, model économique fragile, usage rudimentaire du français par les jeunes du sud), nous avons découvert des structures très dynamiques et engagées sur le terrain.
Bien que quelques organismes partenaires soient d’une taille et d’un rayonnement importants (Centre de Ressources de Mohéli, CRESP de Dakar, CLS El Mouradia...), la plupart des nouveaux membres sont des associations de quartier de petite taille, très ancrées dans leur territoire, et inscrites dans de forts systèmes de solidarité. Ces partenaires sont précieux car ce sont des acteurs de quartiers en contact direct avec les publics.

Les visites préparatoires nous a permis de co-réaliser des formations : les contenus et le déroulement de chaque atelier webtrotteur ont été définis au cas par cas et adaptés, sur place, avec chaque structure quelques mois avant le début de la formation.

Les formations à la mise en place d’ateliers Webtrotteurs ont permis aux animateurs multimédia d’apporter une amélioration à leur manière de travailler avec leur public. Les nouvelles compétences acquises par l’animateur grâce aux formations et à la réalisation d’ateliers permettent aujourd’hui à leurs organismes de justifier des demandes de subvention pour consolider leur fonctionnement. C’est le cas pour nos partenaires aux Comores, au Sénégal, en Algérie, en Belgique et au Québec, qui essaient, de manière autonome, de continuer le développement de l’action et de pérenniser les ateliers de production de Webreportages avec les jeunes. Nous avons pu opérer un transfert de compétences informatiques adapté en direction des animateurs multimédia afin de permettre la production autonome de contenus multimédia en langue française.

Les modules abordés pendant la formation ont apporté aux animateurs un ensemble de compétences, de savoir-faire et de méthodologies pour écrire leur projet, constituer une équipe, monter un comité de rédaction, faire des recherches, réaliser des reportages, les mettre en ligne, les diffuser et les valoriser. Des compétences d’animation, pédagogiques, relationnelles et organisationnelles sont requises pour mettre en œuvre un atelier « Webtrotteurs ». Pour y répondre, à chaque formation, nous avons développé les points suivants :

Du point de vue quantitatif, la formation a pu bénéficier à 10 animateurs au Québec, 8 en Belgique, 10 au Sénégal, 11 aux Comores et 12 en Algérie. Pendant la formation, nous avons pu utiliser une pédagogie différente applicable aussi à la mise en place d’autres projets multimédia.

Les visites préparatoires et la formation dans chaque pays ont été un véritable laboratoire méthodologique, un espace d’échange d’expériences et le début d’un réseau solidaire qui aujourd’hui a pris forme grâce aux productions des jeunes.

La réalisation des reportages par les jeunes Webtrotteurs peut jouer un rôle dans le développement local dans les pays partenaires. D’une part, l’appropriation des outils de communication contribue à l’acquisition de compétences par les animateurs et les jeunes et d’autre part, le contenu des reportages valorise les territoires et les cultures.

En ce qui concerne l’appropriation de l’outil, aujourd’hui, dans le monde du travail, des connaissances de base en informatique et la maîtrise des outils de communication sont incontournables dans la plupart des secteurs d’activité. Les ateliers Webtrotteurs offrent une première approche des TIC et permettent aux animateurs et aux jeunes de s’approprier ces outils. Un jeune passé par l’atelier Webtrotteurs se sent à l’aise devant un ordinateur et est capable d’effectuer des tâches techniques (traitement du texte, de l’image et du son ; création des pages HTML et mise en ligne ; recherche sur le net, envoi de mails, etc.).
Plus de 500 jeunes ont été concernés par le projet jusqu’à maintenant. Ce chiffre va continuer à augmenter car des formations webtrotteurs développées par les animateurs formés sont en cours dans nos pays partenaires !

La production de webreportages est une fenêtre ouverte sur d’autres cultures, d’autres points de vue. La faible part des contenus sur Internet élaborés par les pays du sud tels que les Comores, donne encore plus de pertinence aux production des jeunes. Par leurs reportages, les jeunes font connaître leur culture et leur pays.

Pour la réalisation du reportage, le choix des sujets est libre. Il se fait en concertation avec les jeunes, l’animateur et la structure. L’une des richesses majeures du réseau Webtrotteurs est cette ouverture internationale et la variété des sujets abordés qui en découle. Les Français, très centrés sur l’approche ludique et culturelle, ont pu découvrir des sujets assez différents, tels que l’éclipse de lune en Algérie, des chanteurs populaires aux Comores, une grève de transport à Montréal ou la question de l’eau à Dakar. Ce sont souvent des sujets plus graves, plus proches des préoccupations quotidiennes des jeunes et de leur environnement direct.

Les groupes, dans leur majorité, ont réussi à contourner des barrières techniques, matérielles ou méthodologiques et ont produit leurs reportages ! L’appartenance au réseau passe par la construction collective du site et chaque nouveau reportage est une nouvelle pierre apportée à l’édifice commun.

Après les premiers reportages, de nouvelles dynamiques à niveau international s’engagent entre les groupes. Non seulement entre sud et nord mais aussi entre pays du sud et pays du nord comme en témoignent les différents reportages aujourd’hui en ligne dans le site des webtrotteurs. Ces expériences sont le début d‘un véritable partenariat international entre les différents organismes. De nouvelles propositions sont faites dans ce sens : les groupes webtrotteurs souhaitent mettre en place des échanges non seulement entre jeunes, mais aussi entre porteurs de projets, pour qu’ils puissent trouver ensemble des solutions à des problèmes communs.

Les rencontres de jeunes sont une manière efficace de souder le groupe. Les résultats sont visibles à court terme. Les groupes qui ont pu participer à un échange avec un pays étranger sont les plus productifs et les plus motivés dans le réseau... Cause ou effet ? En tout cas, la rencontre est une expérience très enrichissante qui confronte le jeune et l’animateur à un autre contexte, à d’autres problèmes qui ne se posent pas chez eux et au travail d’équipe. Le groupe invitant doit se préparer à recevoir, à être à l’écoute de l’autre et à rester ouvert à la remise en cause de son système. Les deux groupes ont un défi : travailler ensemble, se connaître, décoder des formes de communication différentes et inventer leurs propres codes. La construction d’un espace de parole commun dans ces conditions est encore plus important. Les regards et les filtres culturels des jeunes se croisent et se confrontent. Ils doivent apprendre à négocier, à faire des compromis et à travailler avec l’autre.
L’Internet n’est alors qu’un outil qui laisse toute sa place à la rencontre. La production multimédia ne sera que le témoin de la rencontre et le lien symbolique entre ces jeunes.

Même si les rencontres de jeunes au niveau international sont importantes, les échanges au niveau local entre jeunes de différents quartiers ne le sont pas moins. Des reportages communs entre jeunes de la même ville sont aussi l’occasion de la découverte de l’autre qui vit dans la même ville ou au coin de la rue. Les jeunes de Dakar, de Moroni, du Pays des Collines, et de plusieurs villes en France se sont rencontrés et ont travaillé ensemble. Yasmine, animatrice de Marseille a pu faire travailler ensemble des jeunes de quartiers rivaux : Belsunce et Le Panier. Les jeunes ont eu pendant la réalisation de la production l’occasion de « rendre visite » au quartier séparé symboliquement par la rue de la République. Une aventure de l’autre côté de la rue !
Cette autre manière de travailler utilise la dynamique créée par la création multimédia, espace de rencontre et de construction commune. Encore une fois, le reportage en ligne ne rend pas cette dimension et la richesse du processus de construction.

L’autre forme de rencontre qui est soutenue et promue par Initial et ses partenaires sont les productions à distance. Depuis les formations, cinq sujets ont été traités par différents groupes en même temps : la fête de la musique (2003 et 2004), la fête de l’Internet, les Netdays et la journée de la femme. Ces échanges sont des regards croisés sur le même thème. La formule est moins coûteuse que la rencontre de jeunes, mais la difficulté de réaliser des productions à distance en a pour le moment limité le nombre.

Les nouveaux membres du réseau utilisent aujourd’hui Internet pour échanger et profitent des ressources et des possibilités de communication que cet outil offre : le site Internet commun, des listes de discussion, la lettre informative mensuelle « Webtrotteurs en lignes », les messageries instantanées et des visioconférence. Nous pouvons ainsi parler d’une véritable appropriation des TIC par la plupart des partenaires Webtrotteurs.

La dimension internationale du réseau est aujourd’hui l’un des principaux motifs d’adhésion de nouveaux groupes. Des demandes nous arrivent tous les mois, de Guinée Conakry, Mali, Burkina Faso, Tunisie, Maroc, Italie, Roumanie, Lituanie, Portugal, Espagne, Brésil, Inde...

En France, autant les anciens membres que les nouveaux groupes expriment des demandes particulières et leur intérêt à échanger avec les pays aujourd’hui partenaires, spécialement avec les pays du sud : Comores, Sénégal et Algérie. Les jeunes membres du réseau webtrotteurs en France sont souvent issus de ces communautés et la création collective permet une manière de rapprocher les communautés et de redécouvrir les liens entre nos cultures.

La création de liens entre les groupes n’est pas un projet à court terme. Il demande de l’investissement de la part des structures, des jeunes et des animateurs engagés dans le réseau. Une relation se construit et se cultive. Elle doit répondre à des intérêts communs dans le respect de l’autre. Initial et ses partenaires locaux poursuivent ce travail de longue durée en encourageant la liberté de mouvement des groupes et en soutenant les acteurs qui ont envie de s’investir.

Posté le 6 juillet 2004 par Raul Montero

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