Sociogeek : notre exposition en ligne est stratégique

Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans Communication interpersonnelle, Confiance et sécurité, Identité numérique, Usages, identités actives, lifelog, par Hubert Guillaud, le 02/12/08,

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Dans Communication interpersonnelle, Confiance et sécurité, Identité numérique, Usages, identités actives, lifelog, par Hubert Guillaud, le 02/12/08, 2 commentaires, Page vue 698 fois.

Lespremiers résultats de l’étude sociogeek visant à mesurer l’impudeur des internautes et à comprendre la façon dont on choisit ses amis sur les sites sociaux que nous annoncions il y a quelques semaines viennent d’être publiés.

L’idée de l’étude lancée par la Fing dans le cadre de son programme “Identités actives, Faber Novel et Orange Labs était de mesurer, par le biais d’un petit jeu, s’il y avait des différences dans les manières de s’exposer sur le web 2.0. En cherchant à comprendre comment les internautes s’exposent sur le web ! et comment ils sélectionnent leurs relations sur les sites sociaux, les chercheurs souhaitaient regarder si les différentes formes d’exposition conduisaient à des comportements relationnels spécifiques.

Avec quelque 11 000 participants, majoritairement masculins (74 % de l’échantillon) et jeunes (28 ans de moyenne), l’échantillon correspond à des internautes plutôt actifs sur les sites sociaux, aux pratiques internet assez avancées.

Certes, les internautes exposent leur identité sur le web, mais cette exposition reste très modérée, et surtout, plutôt maitrisée, expliquent les chercheurs. Dans l’enquête, les internautes devaient dire s’ils acceptaient de publier des photos sensées les représenter dans différentes situations présentant des niveaux d’exposition allant de très pudique (1 point) à très impudique (4 points). La note moyenne des réponses obtenues sur l’ensemble de l’échantillon est de 2,22 (sur 4) et la répartition des réponses est fortement concentrée autour de cette moyenne. Seulement 7,6% de l’échantillon a une note d’impudeur supérieure à 3. Des chiffres qui montrent combien le niveau d’exposition reste contrôlé par les individus : la p ! ublication de soi répond plus à une activité stratégique qui cherche à produire une image de soi avantageuse qu’à une prise de risque inconsciente. D’où des expositions de soi qui valorisent les moments festifs, les émotions positives et qui font disparaître notamment tout ce qui a rapport à la tristesse, à la solitude, à la souffrance.

Assez logiquement, apprenons encore que les hommes s’exposent plus que les femmes (2,27 contre 2,08), les jeunes plus que les vieux (2,63 pour les moins de 20 ans contre 2,19 pour les plus de 41 ans).

La seconde partie de l’enquête s’intéressait à comment on choisit ses amis sur les sites sociaux. Quels critères (origine sociale, bagage culturel, apparence physique…) structurent la mise en relation ? Les chercheurs étaient partis d’une hypothèse audacieuse rapporte Libération : “la moindre inhibition des internautes provenant d’un milieu populaire ou de classes intermédiaires à s’exposer sur le net devait les aider à nouer plus facilement des contacts avec des gens d’autres milieux sociaux.”

De fait, révèle l’enquête, les internautes d’origine modeste ou de culture populaire s’y essaient : “les ouvriers et employés adoptent clairement une stratégie pour élargir leur cercle relationnel au-delà de leur périmètre culturel ou économique de départ”, analyse le sociologue Dominique Cardon, responsable de l’enquête. Mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous parce que les catégories socioprofessionnelles les plus élevées et les plus diplômées filtrent davantage leurs contacts que les ouvriers, les employés et les moins diplômés. Les moins diplômés se retrouvent dans une situation de “conquête”, pour enrichir via ces plateformes un capital social moindre. Ils ont tendance à accepter d’emblée la mise en relation, là où les plus diplômés ont tendance à regarder précisément le profil du requérant avec d’accepter de se lier.

Autre spécificité, rapporte encore Ecrans.fr : les plus diplômés contrôlent davantage leur image et se montrent plus pudiques. “Leur image est beaucoup plus calculée, construite…”, explique Dominique Cardon. Mais cela ne les empêche nullement de prendre l’initiative pour contacter les autres alors que les plus modestes, plus exhibitionnistes sur le web, attendent plus volontiers qu’on les contacte.

De fait, on recherche sur le web comme dans la vie des gens qui nous ressemblent, des gens de notre milieu social, de notre culture. Les sites sociaux ne transforment pas profondément ni les moyens ni les choix de mise en relation, mais font émerger des stratégies de conquêtes, qui ont tendance à aller plus loin dans une exposition éditorialisée de soi, dans la finalité de construire son réseau. Le web 2.0 n’oblige pas à s’exposer, mais pousse à développer des stratégies pour se mettre en avant. Comme le disait encore Dominique Cardon : “L’identité numérique est moins dévoilement que projection de soi”.

Des premiers résultats qui infirment en tout cas l’idée répandue que les internautes en ligne, particulièrement les jeunes, ne “savent pas ce qu’ils font” lorsqu’ils se dévoilent en ligne.

Posté le 7 décembre 2008

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