Stoppons les machines !

Contribution sur les machines à voter publiée par la lettre de la Fing

Après Diebold, Nedap… Les failles de sécurité des machines à voter sont démontées une à une, venant apporter, preuve après preuve, de l’eau au moulin de leurs détracteurs toujours plus nombreux. Quelques 1200 machines, agréées par le ministère de l’Intérieur (des modèles Nedap, ES&S et Indra), sont en fonctionnement dans les mairies françaises (si on estime le nombre moyen d’électeur par machine à un miller, cela concerne quelques 1,2 millions d’électeurs en France).

Or, cet agrément ne peut plus avoir valeur de blanc-seing, derrière lequel élus et agents administratifs se retrancheraient comme derrière un bouclier. Les preuves scientifiques qui s’accumulent invalident et décrédibilisent l’idée même de machine à voter.

Reprise d’un article publié par Internet actu
Dans : Opinions , Politiques publiques, gouvernance , eDémocratie - Par Hubert Guillaud le 13/10/2006

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

Il est temps de stopper ces machines. D’arrêter leur homologation, de retirer l’agrément, de suspendre les subventions qui permettent aux villes de s’équiper et de les mettre au rencard. Et ce, avant les élections de 2007, pour ne pas nous retrouver comme la Hollande actuellement, sous le coup d’un scandale d’autant plus épineux que les Hollandais sont à une semaine d’élections générales et que 90 % d’entre eux votent avec ces machines.

Pourtant, ne nous y trompons pas, nous avons besoin de machines pour faciliter nos processus démocratiques, pour les rendre plus fluides, plus naturels, plus fréquents… Les machines à voter sont utiles. Elles permettent de gagner du temps, de faciliter les procédures, d’économiser sur les coûts d’installation, d’impression et de traitement. Mais elles doivent être des machines aussi transparentes que les urnes de la République. Ne pensons pas une seconde que les machines qui vont être demain retirées des bureaux de vote seront la preuve supplémentaire que nos élus doivent faire de la politique sans consulter leurs concitoyens. Au contraire. C’est l’action citoyenne d’individus éclairés et lucides (comme François Nonnenmacher, Chris Perrot, Pierre Muller du Recul-Démocratique, Bernard Lang et François Pellegrini pour ne citer qu’eux) qui nous montrent, une fois de plus, que la fiabilité absolue de ces machines est une condition sine qua non à leur acceptation. Ce sont des citoyens eux-mêmes qui nous rappellent les standards auxquels ces machines doivent répondre.

Elles doivent, hier comme aujourd’hui, garantir le secret vis-à-vis des autorités tout en garantissant la confiance vis-à-vis de l’électeur. On ne peut pas troquer un système dans lequel quiconque peut vérifier la validité du vote contre un système opaque ou seule une poignée d’experts peut certifier qu’un vote est fiable.

La Cnil, comme le Conseil de l’Europe, les experts comme de nombreux citoyens, proposent pourtant depuis plus de 2 ans des recommandations simples à mettre en oeuvre, dont il faut rappeler les deux principales concernant les machines à voter (et pas le vote en ligne qui pose en tant que tel d’autres questions) :

  • que les machines fournissent une trace papier du vote, afin qu’un double enregistrement soit fait et que le votant puisse contrôler que la machine a bien voté comme il le lui a demandé. L’impression doit permettre de suivre le bulletin jusque dans l’urne.
  • que le socle technique de la machine et du logiciel se conforme aux principes de l’open source afin que tout un chacun puisse en contrôler le fonctionnement. Le but est de permettre aux pouvoirs civils d’auditer et de contrôler à tous moments les algorithmes de fonctionnement.

Nos machines doivent atteindre le niveau de transparence et de confiance que l’on a aujourd’hui dans nos bulletins papiers et dans le décompte manuel et citoyen. Pour cela, il suffit de mesures simples et efficaces qui nous permettent de conserver la maîtrise de ces machines et de garder un oeil sur leur fiabilité.

En attendant de relever ce défi - qui porte en lui une haute idée de la démocratie, qui pourrait être une belle image des principes qui fondent notre pays et qui est aussi un marché potentiel, rappelons-le -, ce qui est certain, c’est qu’aucune administration ne peut continuer à acheter ces machines. Aucun citoyen ne peut envisager de les utiliser. Il est temps de faire preuve de discernement. Si nous voulons des machines, alors qu’elles répondent à ce que nous voulons qu’elles fassent, plutôt qu’elles ne votent à notre place. Gardons le contrôle.

Hubert Guillaud

La récente conférence organisée par le CalTech et le projet de vote technologique du MIT sur le sujet de l’identification du votant a rappelé, une fois encore souligne CNet, l’ornière dans laquelle est enlisée le débat : trouver un standard qui permette à la fois de garantir le secret vis-à-vis des autorités et la confiance vis-à-vis de l’électeur.

Posté le 13 octobre 2006

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