LES « FRESQUEURS » du climat à l’assaut du réchauffement climatique

Julien et Simon utilisent « la fresque du climat1 » pour sensibiliser la population aux enjeux écologiques. Revenons sur l’efficacité de cet outil et sur le parcours de ces deux jeunes qui se sont inscrits dans le programme « Engage-toi pour les transitions écologiques2 ».

Question 1 : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

J : Je m’appelle Julien, j’ai 22 ans. J’ai passé mon bac en 2018 et j’ai décidé de continuer mes études dans l’environnement et l’écologie. De ce fait, j’ai choisi de passer une licence sciences écologie et société à l’UBS à Lorient, une licence pluridisciplinaire qui permet d’approfondir les thématiques sur l’écologie, selon différentes approches scientifiques et factuelles. On y aborde également les aspects sociétaux ainsi que des approches variées de l’environnement par l’humain (pollution des milieux, étalement urbain, politique de l’environnement, protection de la nature…). Après l’obtention de ma licence, j’ai voulu me laisser une année pour partir en service civique aux « Petits débrouillards ».

 : Je m’appelle Simon, j’ai 24 ans et j’ai fait une école d’ingénieurs de laquelle je suis diplômé depuis l’été dernier. Durant mon cursus, j’ai été profondément bouleversé par tous les grands enjeux auquel notre monde fait face : écologiques, sociétaux, environnementaux, climatiques…

J’ai effectué mon stage de fin d’étude au centre de recherches de Météo-France. J’ai travaillé sur la prévisibilité d’extrêmes catastrophes climatiques plusieurs mois en avance, dans le contexte du réchauffement climatique global. Ces recherches étaient très intéressantes et ce fut une super expérience. L’envie de sensibiliser aux enjeux climatiques m’a ensuite poussé à rejoindre les Petits Débrouillards, en service civique car je préfère le côté sensibilisation que recherche.

Question 2 : Dans le cadre du projet « Engage-toi pour les transitions », pourquoi avoir choisi la fresque comme outil d’intervention ?

 : C’est un outil que je connaissais et que je trouvais pertinent et efficace au moment où j’ai participé à ma première fresque du climat. Je m’en suis encore plus rendu compte lorsque je l’ai faite une deuxième fois aux « petits débrouillards », avec Simon comme animateur. C’est un outil scientifique d’animation et lorsqu’on est animateur de la fresque, je trouve qu’on parvient toujours à y ajouter ses connaissances pour étayer le sujet et également faire passer des messages selon sa sensibilité. Parallèlement, on peux s’adapter au public en face de soi, ce qui fait que chaque fresque est différente, on ne s’en lasse pas. Il y a, de plus, tout un travail d’amélioration à chaque animation, on va chercher dans le dernier rapport du GIEC1 on complète avec d’autres informations qu’on a vu dans les médias ou dans certains articles scientifiques.

 : La Fresque est un outil qui remplit une mission compliquée, peu effectuée par d’autres moyens. Elle permet d’expliquer scientifiquement les processus physiques à l’œuvre dans l’atmosphère et qui conduisent au dérèglement climatique, presque de manière mécanique.

En général, en famille, entre amis, au boulot, ce n’est pas facile de discuter du climat. Ce n’est pas un sujet fun, il peut s’avérer clivant et les débats ne sont pas forcément constructifs. Et pour cause, à aucun moment on ne prend le temps d’expliquer clairement les faits. On ne prend pas le temps de faire la différence entre les faits, qui s’imposent à nous, et les opinions qui peuvent être personnelles. Prendre le temps de (ré)expliquer sereinement les faits, avant de passer à un débat constructif, c’est ça la Fresque du Climat. C’est un outil tout public, destiné autant à des adolescents de quinze ans qu’à des « boomers soixantenaires ». Ce sont trois heures qui sont difficilement plus rentable ! En tant qu’animateur c’est très satisfaisant de voir les participant.es se déconstruire pendant l’atelier.

Question 3 : Comment se déroule une animation fresque ?

Réponse commune : On commence par générer de la cohésion entre les participant.es avec des « ice-breakers », des jeux pour briser la glace. Puis il y a une introduction faite par les animateurs pour présenter l’atelier et son déroulé. On parle de l’histoire de la Fresque du Climat, qui l’a créée (Cédric Ringenbach), dans quel contexte, qu’est-ce que le GIEC, que dit la Fresque, qu’est-ce qu’elle ne dit pas…

Commence alors la partie technique : on distribue un premier lot de cartes aux participant.es. Il.elle.s doivent les replacer selon une logique de causalité. Quelle carte est la cause ou la conséquence de quelle autre carte ? Pendant que les participant.es débattent entre eux et construisent la Fresque, les animateurs.rices restent à l’écart et laisse « l’intelligence collective » faire son travail. D’autres lots de carte suivent pour compléter la Fresque avec, à chaque fois, ce schéma de cause-conséquence. L’animateur.ice peut intervenir parfois pour une petite correction une fois les cartes positionnées selon le raisonnement des participants.

Une fois la Fresque complétée vient une partie dite créative durant laquelle les participant.es vont pouvoir revenir sur le travail accompli, en faisant des flèches entre les cartes, en dessinant autour, en rajoutant des petites décoration. Ce temps permet de se réapproprier toutes les cartes sur lesquels on est passé. Les participant.es doivent également trouver un titre à leur Fresque ! C’est l’occasion de mettre des premiers mots sur ce qu’on a appris et l’état d’esprit dans lequel on se trouve.

Enfin vient la phase de « débrief ». Il n’y a pas vraiment de manière universelle d’animer un débrief. En général, on commence par demander aux participant.es d’essayer de mettre des mots sur ce qu’ils ont ressenti pendant l’atelier. Notamment lors de la découverte de certaines cartes pas forcément joyeuses. L’objectif est de s’imprégner de ces émotions pour pouvoir ensuite entamer un débat et se mettre en quête de solution, ou de levier d’action. Il faut pouvoir repartir avec la conviction qu’il est possible de vivre épanoui.e dans un monde où les énergies fossiles n’ont plus leur place.

Question 4 : Dans quelles structures intervenez-vous ?

Réponse commune : Partout où on veut bien de nous ! On a commencé au lycée auprès d’élèves de 2nde. Puis, nous sommes allés dans des universités et des associations principalement. Il est possible d’intervenir dans des collèges ou des écoles, avec une Fresque Junior, ou bien auprès d’entreprises ou d’élus par exemple. C’est aussi un atelier qu’on peut proposer à notre entourage, famille ou ami.es. Nous avons même tenté d’animer dans un centre pénitentiaire, sans succès. Malheureusement, il est très difficile de « fresquer » (comprendre animer la Fresque) dans des milieux plutôt défavorisés ou « populaires ». De facto, les personnes participant à la Fresque aujourd’hui sont en grande majorité issues de catégories sociales privilégiées.

Question 5 : Avez-vous été surpris par des réactions lors d’atelier de la fresque ?

Réponse commune : Nous n’avons jamais été énormément surpris. parfois on peut tout de même être étonné par le manque d’intérêt de certain.e.s participant.e.s qui n’ont pas l’air sensibles aux enjeux. Mais c’est tout de même rare.

S : J’ai quand même une anecdote. Une fois, j’ai “fresqué” mes parents et des ami.es à eux, assez engagé.es localement sur les enjeux sociaux et écologiques. J’ai eu l’impression à la fin de l’atelier qu’iels étaient tous.tes réellement désabusé.es, lassé.es par des années d’engagement citoyen local qui n’avaient pas permis à l’échelle globale de limiter le désastre écologique auquel nous faisons face. C’était assez troublant et frustrant pour moi de ne pas réussir à ré-insuffler un peu de positif.

Question 6 : La fresque permet de mieux comprendre, mais conduit-elle à agir différemment ?

A elle-même, elle ne suffit pas à directement la population en mouvement. Elle informe et peut perturber des gens en distribuant des connaissances dérangeantes. Mais il est rare qu’au bout de trois heures, tout le monde souhaite agir pour changer le monde et se sente légitime à le faire.

En revanche, sur toutes les animations que nous faisons, s’il y a, sur vingt personnes, une ou deux qui ont ressenti un déclic, c’est parfait. Notre objectif est rempli. Une fois, une personne a acheté un vélo au lendemain de l’animation, une autre souhaitait s’informer sur comment devenir animateur.ice de la fresque. Elle conduit parfois certaines personnes à agir différemment.

Propos recueillis par Alexandre Pesce, volontaire en service civique dans le programme “Engage-toi pour les transitions écologiques”.

 

1 A l’origine, la fresque du climat est une association de loi 1901 française fondée en 2018, dont l’objectif est de sensibiliser le public au changement climatique. Grâce à des jeux collaboratifs, l’association explique les mécanismes énoncés dans le rapport du GIEC.

 

2 Le programme “Engage-toi pour les transitions écologiques” est un programme expérimental porté par quatre associations bretonnes (Corlab, Concordia, CRESS Bretagne et les Petits Débrouillards) qui consiste à accueillir des jeunes en service civique et de créer une communauté de jeunes ambassadeurs de la transition écologique. Il est soutenu par la DRAJES Bretagne, l’Agence du service civique et VRAI.

3 Le Groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade. Le dernier rapport du GIEC : https ://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_FinalDraft_FullReport.pdf

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Les Petits Débrouillards Grand Ouest

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Via un article de Lorient Antenne de, publié le 31 mars 2022

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