les sources des fonds collectés par la Sacem

Une analyse des sources de fonds collectés par la SACEM pour mieux comprendre
les affirmations du président de son conseil d’administration

Un article repris du blog de Philipe Aigrain
accessible avec liens actifs sur les sources

Certains d’entre vous ont du remarquer le traitement aimable des interprètes
par Claude Lemesle, Président de la SACEM dans sa tribune d’hier avec Laurent
Petitgirard dans le Monde daté du 10 janvier 2006. En consultant le rapport
d’activité 2004 de la SACEM, on appréciera mieux l’affirmation selon laquelle
les interprètes ne touchant que très peu de droits, ils n’ont rien à perdre à
la licence légale mais devraient, s’ils la réclament vraiment, renoncer à
leurs cachets initiaux . On y verra que plus de 80% (probablement 90%, voir
ci-dessous) des droits collectés par la SACEM sont d’une nature qui ne peut
être affectée en rien par la licence légale, même si on suppose que
l’existence de celle-ci avait pour effet de supprimer complètement tout
revenu de ventes de phonogrammes, vidéogrammes, téléphonie, téléchargement
dits légaux et sonneries de téléphone, ce qui parait peu probable pour dire
le moins.

En effet la répartition des sources de droits est la suivante :

  • A- 33,5% pour les diffusions radio (7,5%) et télévision (26%)
  • B- 20,5% pour la diffusion publique de musique enregistrée
  • C- 7% issus de la redevance pour copie privée (supports vierges)
  • D- 8,5% pour le spectacle vivant et 2% pour le cinéma
  • E- 9% pour l’étranger
    et
  • F- 19,5% phonogrammes, vidéogrammes, téléphonie, multimédia, téléchargement
    payants Internet

Qu’on ne croit pas que c’est toute la catégorie F qui serait menacée par
l’entrée en vigueur d’une licence légale complète pour les échanges à pair.
Il est très peu probable que la vente des sonneries de téléphone soit
affectée par la licence légale, bien qu’elle puisse être menacée par un
soudain redémarrage des fonctions cognitives des usagers. Quand aux ventes de
phonogrammes, vidéogrammes et multimédia sur support, même si on ne peut
exclure qu’un développement des échanges pair à pair dans un contexte
clairement licite les réduise partiellement (notamment en ce qui concerne les
best sellers) toutes les études indépendantes montrent que ce ne sera que
pour une partie.

On notera enfin qu’une part significative des droits collectés par la SACEM
relèvent déjà de systèmes de licence légale (le cas de la télévision est
complexe la partie télédiffusion relevant de la licence légale, mais pas
certains activités annexes de reproduction selon un jugement (que je juge
contestable, mais qui a la force de la chose jugée) de la cour de cassation
du 29 janvier 2002. On ne gardera bien de demander à M. Lemesle de suivre son
propre conseil et de proposer aux auteurs et compositeurs de renoncer à ces
revenus, ou à ceux qu’ils tirent souvent de l’enseignement.

Philippe Aigrain
— 
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-728827,0.html
Extrait (relevant du droit de citation pour les besoins de la critique) de la
tribune de Claude Lemesle et Laurent Petitgirard :
"Mais, diront certains, les sociétés gérant le droit des interprètes (Spedidam
et Adami) sont favorables à la licence globale. Parlons-en... Les membres de
la Spedidam, artistes interprètes de groupe (orchestres, choeurs, ensembles
divers), sont payés forfaitairement lors d’un enregistrement. Ils ne sont
jamais intéressés aux ventes sous forme de royalties mais bénéficient d’un
cachet réglé dans les quinze jours qui suivent la séance. Aucun d’eux n’est
donc lésé par les échanges illicites de fichiers et, à la différence des
créateurs, des interprètes solistes et des producteurs, ils ne prennent aucun
risque. La licence globale représenterait donc pour eux un supplément de
rémunération auquel ils n’ont droit ni sur les CD ou DVD du commerce ni sur
les téléchargements effectués sur des sites légaux.

Il n’est donc pas étonnant que 13 500 d’entre eux aient signé une pétition en
faveur de cette solution : ils ont tout à y gagner. La cohérence voudrait
que, dans cette hypothèse, ils abandonnent leur cachet initial.

Quant à l’Adami, qui gère les droits des interprètes solistes et des
comédiens, à voir la réaction de ses membres les plus éminents, on peut
supposer qu’elle a, dans cette affaire, plus pensé à l’intérêt de la société
qu’à celui de ses sociétaires.

Rappelons en outre que les droits des artistes interprètes gérés par la
Spedidam et l’Adami sont des droits voisins, qui ne représentent qu’un très
faible pourcentage de leur rémunération."

Posté le 11 janvier 2006

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