La littérature contemporaine avec Twitter

Dans le cadre des projets lecture du Centre de Documentation, voici une expérience que je mène depuis 2 ans et dont je commence à retirer les bénéfices. J’organise au sein de mon établissement, l’École Internationale de Los Angeles, des jeux lecture du primaire jusqu’en 3ème. Le passage en seconde marque cependant un changement de mentalité pour les élèves. Plusieurs constats m’ont poussée à remettre en cause et à faire évoluer le statut des jeux lecture.
- La répétition de la formule, même si elle est adaptée à chaque niveau, perd de son attrait pour les élèves de seconde ;
- Un « creux » de motivation par rapport à la lecture est à noter en 4ème et en…2nde ;
- La classe de seconde est une classe où les choses sérieuses commencent. Travaillant aux États-Unis, les inscriptions à l’université commencent dès la classe de troisième. Les résultats en seconde sont importants pour avoir un bon dossier scolaire.

Comment, dans ce contexte particulier, offrir un cadre favorisant la lecture loisir, donner la possibilité de découvrir la littérature tout en s’intégrant dans le cursus de mes élèves ?
En lisant différentes expériences de projets lecture en lycée, j’ai donc choisi deux angles d’attaque :
- le Goncourt des lycéens, projet très riche et intéressant, mais contraignant par ses dates ;
- le partage social autour des lectures. Qu’est-ce qui peut donner envie à un ado de lire ? La possibilité d’en discuter avec ses pairs.
À partir de là, j’ai monté le projet des prix littéraires seconde. Voici l’accroche :

Principe du projet : Depuis le collège, on a fait de vous des lecteurs. À vous de tenir le rôle de prescripteurs !

Ce projet est organisé en plusieurs étapes :

Étape 1 : Découverte des prix littéraires
Par groupe de deux, les élèves doivent effectuer une recherche sur les prix littéraires les plus prestigieux (Goncourt, Renaudot, Novembre, Femina…) Ils relèvent un certain nombre d’informations sur ces prix en classe et à la maison. Au cours de la séance suivante, ils présentent les prix aux autres élèves de la classe.

Étape 2 : Suivre et partager l’actualité littéraire.
Chaque élève de la classe se crée un compte Twitter spécial pour l’école. C’est l’occasion de parler de l’identité numérique. Je demande des comptes avec le prénom, pas de photos personnelles mais un avatar s’ils le souhaitent. J’insiste sur le fait de faire attention à leur contenu de publication et à leur orthographe, car les tweets sont publics.
Je leur envoie régulièrement des tweets concernent l’actualité des prix littéraires et la littérature contemporaine.

Étape 3 : Sélectionner et acheter
À partir des études des prix littéraires et des sélections partagées par tweets, chaque élève sélectionne deux romans susceptibles de l’intéresser. Selon le budget alloué au projet, un ou deux romans sont achetés par élève.
Les élèves postent leurs sélections sur Twitter en justifiant leurs choix en 140 caractères. Les livres sont commandés et lors d’une séance nous les remettons à leur parrain. Une étiquette est collée dans le livre avec le nom de l’élève qui l’a fait acheter.

Étape 4 : Critiquer
Pendant la lecture de ces romans de littérature contemporaine, les élèves doivent se fendre de 5-6 tweets, qui seront comme des instantanés de leur lecture. Les enseignants en profitent souvent pour aborder les éléments de la critique littéraire. Contrairement aux idées reçues quant à la longueur restreinte des 140 caractères, le fait de faire passer un message efficace et pertinent demande un vrai effort de synthèse et de réflexion.

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Quelques tweets relayés par @csidoclila

Limites et perspectives

Tweets et littérature ne sont pas des domaines que l’on tend à associer. Il faut donc "vendre" ce projet aux enseignants, à l’administration puis aux élèves, pour les convaincre que la culture s’acquiert toujours par des chemins détournés.
Les livres sont commandés par Internet. Parfois les sélections de romans contemporains sont trompeuses et nous sommes obligés de vérifier les livres avant de les confier aux élèves. Je me rappelle encore de ma déconvenue avec Lermontov Même chose avec la longueur du livre : un élève ayant voulu commander Naissance de Yann Moix, je n’ai pas fait attention au nombre de pages… J’ai beaucoup ri en voyant sa tête…

Les élèves doivent jouer le jeu. Comme dans toutes les activités lecture, il est important de les suivre de les encourager et tout simplement de s’intéresser à eux et à leurs lectures. Une classe plutôt peu investie en cours s’est par exemple jetée à corps perdu dans le projet. Je leur ai demandé cette année ce qui leur avait plu. Et ils m’ont répondu « Bah 140 caractères ce n’est pas long… ». D’autres élèves plus scolaires n’ont pas vu l’intérêt de l’échange sur Twitter.

Les tweets permettent d’ouvrir sur le monde extérieur. Une élève qui commentait la lecture de son roman s’est vue « retwittée » par l’auteur même du roman… Mais ils doivent être eux-mêmes relayés par les autres, par les enseignants, ce qui demande un petit investissement au niveau de la veille de ma part pour garder la motivation intacte. Twitter est également utilisé comme support en classe. Nous lisons les tweets pour amorcer un dialogue en classe : ce sont également ces temps d’échange qui ont marqué les esprits de nos élèves.

L’esprit de ce projet basé sur l’utilisation d’un outil numérique et participatif permet de donner un nouveau souffle aux projets de littérature et de redonner un sens à la culture littéraire. Il me semble que la littérature, c’est avant tout la rencontre de l’autre : un auteur, une communauté de lecteur, un fan de lecture sur Twitter. Nous sommes plutôt contents de ce projet et espérons qu’il puisse grandir et se partager

Marjorie Decriem, Professeur Documentaliste École Internationale de Los Angeles.(USA)
Site professionnel : http://www.csidoc.com/
Twitter @csidocus

Docpour Doc

URL: http://docpourdocs.fr/
Via un article de Marjorie Decriem, publié le 9 janvier 2016

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