[Débat] Politiser le numérique ? Analyse et réflexions après la loi Renseignement

Toulibre, une association d’utilisateurs et de développeurs de Logiciels Libres en région Toulousaine, organisait une soirée thématique ce 27 octobre 2015 pour faire le point sur "vos questions sur la loi renseignement ?". Cette rencontre se déroulait dans les locaux d’Ekito, la nouvelle ruche de Toulouse qui accompagne les start-ups.


Julien (Taziden) a animé ce "quadrapéro" sur le thème “Politiser le numérique ? Analyse et réflexions après la loi Renseignement”.
Les "quadrapéro" sont des rencontres participatives pour tout public, organisées dans plusieurs villes de France, pour débattre sur les enjeux de la neutralité du net et les actualités concernant nos données personnelles.

Assis auprès des 35 participants, Julien a animé cette soirée en 3 temps :

1. Le partage d’expérience sur les actualités ainsi que sur la loi Renseignement
Concernant le règlement sur les télécommunications adopté ce 27. nov 2015 par le Parlement Européen, cette rencontre "quadrapero" débute sur : l’annonce en grande pompe par le Parlement Européen de la fin du "roaming" des communications mobiles dans l’espace Schengen, dont les tarifs exorbitants s’arrêteraient enfin en 2017, ce qui n’est pas tout à fait le cas. Julien alerte que "le texte est très faible concernant la neutralité du net", laissant la porte ouverte à de nombreuses atteintes. En savoir plus.

  • En 2014, la mobilisation citoyenne avait été plus forte sur la neutralité du Net
    En savoir plus.

La discussion s’oriente ensuite sur la loi Renseignement.

  • Après les attentats en France, à Charlie Hebdo en janvier 2015 et qui ont fait plusieurs morts, "on s’attendait à une protection" et que la Loi sur le renseignement allait poser un cadre juridique. Manuel Valls, alors Premier Ministre, devait soutenir le texte mais c’est Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur qui a poursuivi. Du fait de l’absence de protection des citoyens dans le texte "ce ne sont pas que des geeks qui ont réagi mais d’autres collectifs comme la Ligue des Droits de l’Homme, le syndicat de la magistrature" témoigne Julien. Les participants s’inquiètent car "celui qui est écologiste ou anti nucléaire peut être désormais mis sous écoute", sans l’autorisation d’un juge.
  • Un journaliste de Médiapart a enquêté pour identifier l’origine du texte de loi (rédigé sous le mandat présidentiel de N.Sarkozy) qui est en décalage avec la politique du président actuel F.Hollande. Dans la salle, plusieurs questions fusent : "où sont les contre-pouvoirs ?", "qui peut saisir le conseil d’État ?", "on est un des derniers pays d’Europe sans projet de loi pour encadrer les services de renseignements", "l’actualité ne parle que de la surveillance internationale" mais pas des droits des citoyens. En savoir plus sur le PLR, par J.Hourdeaux (Médiapart au THSF de Toulouse en mai 2015).
  • Le gouvernement nous considère toujours comme des geeks sur les sujets du piratage alors que les collectifs et associations qui se fédèrent sur ces sujets ont considérablement apporté leurs expertises sur la culture numérique. La Quadrature Du Net est un collectif et interlocuteur de référence, bien identifié par le gouvernement, sur ces sujets. C’est "dès que l’on enchaîne sur les Droits de l’Homme que cela devient compliqué".

2. Un temps d’échanges de témoignages entre les participants, pour élargir la sensibilisation et la participation
Les questions et témoignages des participant-e-s concernent :

  • Comment agir aux réponses systématiques "je n’ai rien à cacher" lorsque l’on aborde le sujet de la vie privée ? Les publics interrogés sur le sujet répondent qu’ils ne font rien d’illégal.
  • Xavier (coorganisateur de cryptoparties à Toulouse) présente un exemple qui retient l’attention : "Si on vous dit qu’un parcmètre récupère vos données ça ne vous choque pas, mais en cours de cryptoparty, on leur dit "donnez moi votre n° de carte". Là, les participants comprennent.
  • Julien ajoute "de plus on vit en groupe, donc une donnée du voisin peut nous impacter nous".
  • La méconnaissance du numérique et de ses enjeux :
  • "Les politiques ne connaissent rien au numérique et aux enjeux".
  • "Les gens ne connaissent pas grand chose au numérique et au juridique".
  • La difficulté de mobiliser :
  • "Comment une loi renseignement pareille peut passer sans émouvoir ?", "on lit trop souvent que c’est la fin d’Internet donc les mouvements s’essoufflent", "la presse a relayé sur la loi renseignement mais pas la télé !" or "les gens ne s’informent pas sur le Net mais à la télé".
  • "Il faut développer des alliances. "Aux USA, il y a des alliances avec Google par exemple mais il y a aussi des entreprise comme Apple qui ont compris que les gens veulent des téléphones chiffrés".
  • "Manifester dans la rue après qu’une loi soit votée, c’est trop tard". Par contre, "même si une loi comme Hadopi a été voté, le fait de se mobiliser a pu faire bouger les choses politiquement et "renverser" C.Albanel alors Ministre de la Culture et des Communications".
  • "Les agriculteurs savent se mobiliser. Doit-on verser des ordinateurs, des souris, des minitels !!!... pour être entendu ?", "le black out" pour Hadopi, ça avait bien marché".
  • "Avec de l’organisation auprès d’étudiants en droit ou des partenaires éducatifs, il y a moyen de sensibiliser et agir avant".
  • "Il faut produite des videos", "comme les documentaires #Datagueule sur la neutralité du net, les brevets, les biens communs",
  • "Il faut partager nos expériences, aller sur les marchés et diffuser des flyers, diffuser par ville, avoir des communicants", "il faut un visuel, un logo", "il faut des jolis tee-shirt de couleurs".
  • "On peut s’inspirer des mouvement d’artistes activistes des années 70, et faire des happening un peu provocateurs pour attirer l’attention" mais "les actions chocs desservent, il faut rester positif comme J.Zimmerman, représentant de LQDN".
  • "On sensibilise dans nos familles mais aussi auprès des collègues et dans son entreprise". "J’encourage à agir local, à notre échelle et de publier vos témoignages".
  • "On constate que les travailleurs du numérique ne sont pas politisés, que la personne qui est engagée peut se faire repousser par le groupe or ces personnes en poste ont un pouvoir d’action dont ils n’ont pas conscience !"."Il vaut mieux être présent dans plusieurs partis, quel que soit la couleur politique pour influencer sur le politique". "Je passe parfois par l’enquiquineur de service dans mon travail, alors que tous mes collègues sont ingénieurs en informatique".

3. Les événements sur le Libre, à venir sur Toulouse

  • 4 et 7 Novembre 2015 : Ateliers logiciels libres
  • Programme : Toulibre
  • Adresse : Centre Culturel Bellegarde, entre St Sernin et Jeanne D’arc. Localisation sur la carte libre OSM
  • 21-22 Novembre 2015 : Capitole du Libre
  • Programme : des ateliers, conférences et stands associatifs soit plus de 100 thèmes pour "découvrir ou d’approfondir les divers aspects du libre, tels que les enjeux de société , les aspects juridiques , la culture libre ou la protection de la vie privée numérique , mais aussi l’informatique embarquée et l’IoT (« Internet des Objets »), la création graphique ou la CAO, ou encore les technologies du web ou la bureautique.
  • Adresse : à l’ENSEEIHT

Merci à numahell de Toulibre pour sa relecture et liens, à tous les intervenants et bénévoles qui nous apprennent tous les jours comment bidouiller et exercer sa citoyenneté lors de ces rencontres ! Tous les publics sont les bienvenus :-)

Posté le 29 octobre 2015 par Valérie Dagrain

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