Retour sur la table ronde « Livre numérique en bibliothèques » (juillet 2015 à Telecom Bretagne)

P1240335 Dans le cadre de doc@brest, Véronique Eouzan, bibliothécaire à Telecom Bretagne, a organisé une table ronde sur le prêt de livres numériques en bibliothèque, le 2 juillet 2015.
Une quarantaine de participant-es de divers secteurs avait fait le déplacement à Telecom ; saluons notamment les professeurs-documentalistes,venues en nombre, dans le cadre de leur groupe de secteur. Les cinq interventions étaient toutes de qualité, à la fois claires, denses et précises. Merci aux intervenantes, merci également à Télécom Bretagne de nous avoir accueillis, et à Véronique Eouzan d’avoir organisé avec brio cette journée.

1. Le programme des interventions

Véronique Eouzan  (Télécom Bretagne) : mise en place de la plate-forme d’e-books Dawsonera. Le bilan et les perspectives au bout de quelques mois d’utilisation
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Claudie Olivier (Thales Underwater Systems)
 : retour d’expérience sur les plate-formes Numilog (agrégateur) et ENI (éditeur)

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Dominique Corlett (UBO) : acquisitions d’ebooks via le Consortium universitaire Couperin (exemples de Cairn, Dalloz et Springer) (NB : toutes mes excuses, j’ai oublié de prendre des photos !)

 Véronique Meneur (Ites) : développement de l’offre de l’information numérique, les bibliothèques numériques Cairn et Champ Social, leur accès à partir du portail documentaire, la mise à disposition de liseuses
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Catherine Ermeneux (Arkea) : état d’avancement du projet de mise à disposition d’e-book et de ressources numériques

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2. Diversité des situations

P1240346 Les structures présentées ont des besoins et des moyens divers, ce qui implique une diversité dans les solutions retenues.
  • Télécom Bretagne cherche surtout à proposer sur support numérique les ouvrages les plus utilisés sur support papier, afin de permettre une meilleure disponibilité. Dawson étant leur fournisseur principal et le seul qui propose de faire l’acquisition livre par livre en fonction des besoins et non par « package », le choix s’est donc porté sur la plate-forme Dawsonera.
  • Thales Underwater Systems (division navale du groupe d’électronique, spécialisée dans la fabrication d’équipements d’aide à la navigation) a besoin d’une documentation très pointue, en partie d’ailleurs indisponible sous format numérique, et c’est Numilog qui proposait le catalogue le moins insatisfaisant pour cette documentation. Pour l’informatique, le catalogue de l’éditeur ENI convenait aux besoins.
  •  Pour l’UBO (Université de Bretagne occidentale), dont le nombre d’utilisateurs est très important, et qui fournit également les documents numériques au CHU, à l’ENIB et à l’ESPE, les besoins portent surtout sur une documentation générale, soit franchement généraliste (« Encyclopédie de poche » : collections « Repères » et « Que sais-je »), soit sur un large éventail de publications régulièrement mises à jour en droit et médecine. Une bonne partie de la documentation sous forme électronique était déjà disponible sous forme de revues. Une grande souplesse est nécessaire, pour mettre à disposition la documentation sur 4 réseaux informatiques différents.
  • L’ITES (Institut pour le travail éducatif et social) recherche à mettre à disposition une documentation spécialisée, revues et ouvrages, pour un coût raisonnable. Deux fournisseurs payants ont été choisis : CAIRN (bouquet de revues, bouquet d’ouvrages de différents éditeurs, et « Encyclopédie de poche »), et les éditions Champ social. Un site spécialisé dans les questions de maltraitance, Yakapa, est également proposé.
  • Enfin, le Crédit mutuel Arkéa, qui n’a mis en place pour le moment aucune offre de ce type, doit faire face à un certain nombre de contraintes : un seul centre de doc pour une entreprise multi-sites, des demandes d’ouvrages en quantité pour les répartir sur les différents sites, une documentation spécialisée (banque). D’où l’hésitation actuelle sur les solutions à privilégier : kiosque numérique de journaux ; achat titre à titre ; bibliothèque numérique externalisée,ou choix d’un portail numérique, BiblioOnDemand, d’Archimed, qui intègre de multiples services numériques (presse, livres, etc.), accessibles par un seul point d’accès.

    3. Types de solutions : achat titre par titre ou packages ? achat pérenne ou abonnement ?

  • Le type de solution n’est pas nécessairement lié au fournisseur, mais plus souvent au choix retenu par le client.
  • L’achat titre à titre permet d’être plus sélectif, mais prend beaucoup de temps, lorsque la masse de documentation est abondante
  • Le choix de packages permet d’avoir une documentation exhaustive dans un domaine, ou pour une collection ; il nécessite normalement un budget plus conséquent, sauf lorsqu’il s’agit de collections limitées.
  • Les formules d’abonnement peuvent être diverses : abonnement à la plate-forme et accès à l’ensemble des titres (ENI), ou abonnement à une collection chez un éditeur, etc.
  • L’achat dit« pérenne » n’est pas aussi durable que celui qu’effectue un particulier : la disponibilité du titre reste liée à la plate-forme, et lie la bibliothèque à son fournisseur.

4. DRM versus « fair use »

P1240346 Le Consortium universitaire Couperin fédère grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur.
Il a été créé pour négocier auprès des éditeurs des ressources pour l’ensemble de ces établissements ; les négociateurs sont issus des établissements membres. (Présentation du consortium :
http://couperin.org/presentation ; les 10 commandements aux éditeurs : http://couperin.org/relations-editeurs)
 Grâce à cela, l’utilisation des livres numériques n’est pas (ou peu) freinée par des DRM : à la place, une charte de bon usage, basée sur l’usage raisonnable des documents électroniques à disposition ; en cas d’abus constaté, c’est l’Université qui est chargée de résoudre le problème.
Il en va tout autrement des autres ressources payantes, qui sont régies par des DRM (Digital rights management), selon des formules diverses. On trouve ainsi des limitations diverses, suivant les fournisseurs et les éditeurs :
nombre de consultations simultanées bridé ;
utilisation contrainte d’Adobe Digital Edition, qui complique encore l’accès pour les utilisateurs ;
impression impossible ou limitée ;
indisponibilité de certains formats (on trouve souvent des pdf au lieu d’epub, pourtant mieux adaptés aux supports mobiles, mais trop ouvert pour permettre la mise en place de DRM) ;
impossibilité, dans certains cas, de télécharger : lecture en ligne uniquement ;
impossibilité de transférer un ouvrage téléchargé d’un ordinateur à un autre ;
nécessité de s’identifier à travers plusieurs interfaces différentes, au lieu de pouvoir tout consulter à travers le seul portail de la bibliothèque ou du centre de documentation

 5. Les différentes solutions présentées

P1240337NB : la liste des solutions ci-dessous n’est pas exhaustive, ni même nécessairement représentative de toutes les offres proposées par les fournisseurs cités : il s’agit des solutions qui ont été présentées par les intervenantes.

 – Dawsonera : Achat titre à titre et « pérenne », avec un système de crédit (chaque consultation en ligne compte un crédit ; le téléchargement pour 5 jours compte 5 crédits ; chaque livre est crédité de 100 ou 400 crédits, selon les éditeurs ; les crédits sont renouvelés à la date d’anniversaire de l’achat du livre ; à épuisement des crédits, le livre est indisponible jusqu’à cette date anniversaire). Impression limitée à 10 ou 20 % du total, suivant les éditeurs. Nécessite Adobe pour le téléchargement, ou une connexion internet « stable » pour le streaming ; la consultation simultanée d’un même ouvrage par l’ensemble d’une classe peut être problématique…

– ENI : Abonnement annuel à l’ensemble du catalogue. La tarification se fait en fonction du nombre d’utilisateurs simultanés. Téléchargement partiel, au format pdf uniquement.

– NUMILOG : Catalogue important. Abonnement ou achat pérenne (en cas d’abonnement, 3 consultations simultanées ; achat pérenne : une seule). Abonnement à la plate-forme en plus de l’achat des ouvrages. Nécessite Adobe. Paramétrage par le responsable des durées de prêt, des accès (par ip ou par login). Autorisations d’impression très limitées.

– Editions Champ social : Connexion par ip (donc sur site uniquement). Téléchargement possible en pdf. Autodestruction du pdf au bout de 3 semaines.

– Offres négociées par Couperin et retenues par l’UBO
Cairn (encyclopédie de poche : « Que-sais-je ? » et « Repères ») : abonnements
– Springer : collections scientifiques
→ dans les deux cas : pas de DRM, mais une charte de bon usage ; coût en fonction du nombre d’utilisateurs potentiels ; accès illimité et à distance ; téléchargement epub ; accès direct via les identifiants de l’ENT.
Dalloz : le prix est en fonction du nombre d’utilisations simultanées possibles (3, en l’occurrence). Possibilité d’imprimer une partie du document.

Cairn (pour l’ITES) : Intégration des ressources dans le catalogue via le moissonnage OAI. Téléchargement possible en pdf.

Yakapa : Catalogue d’ouvrages gratuitement téléchargeables au format pdf, sur le thème de la maltraitance. http://www.yapaka.be/contenu?type=publication

 6. Valorisation des collections et réception par le public

  • QRcode, sous forme d’affichettes, de signets
  • « Fantômes »en rayon, sous forme de boîtiers de DVD avec la jaquette de l’ouvrage et le QR code
  • Mise en avant des collections numériques lors des formations
  • Lorsque c’est possible, intégration au catalogue des notices des ouvrages numériques, voire des ouvrages eux-mêmes. Mise en place d’un serveur OAI dans le catalogue de l’ITES pour moissonner les données.
  • Mise à disposition de liseuses pour proposer des ressources gratuites (ITES)

P1240351Malgré toutes ces démarches, l’utilisation de ces ressources par le public des centres concernés reste globalement assez faible, hormis à l’UBO. Dans ce dernier cas, plusieurs facteurs expliquent ce succès :
– la facilité d’accès aux documents : il suffit de s’identifier sur l’ENT pour accéder à toutes les ressources ;
– l’habitude de l’utilisation de ressources numériques (articles de revues), même si l’achat d’ebooks est une initiative récente ;
– la nécessité, dans certains domaines (droit et santé notamment) d’accéder à une documentation abondante et à jour.
– la suppression de certains abonnements papier désormais accessibles uniquement en numérique
Dans les autres cas, les usagers apprécient certains avantages offerts par le livre numérique : portabilité, recherche plein texte, rapidité de la disponibilité, possibilité d’annoter, de sélectionner des favoris, etc.

Mais on constate une faible adhésion du public, pour un certain nombre de raisons :
– attachement au livre papier : si les deux existent, le choix portera d’abord sur l’exemplaire physique (après des journées entières à travailler sur écran, le papier est« reposant »).
– complexité de certaines procédures : identifications multiples, utilisation contrainte du logiciel d’Adobe.
– limitation des usages : impression, durée de prêt, format pdf, voire impossibilité de télécharger.
La lourdeur des DRM semble être un obstacle pour beaucoup d’usagers (certains avouent qu’ils préfèrent télécharger une version illégale du document pour se faciliter la vie). Dans le cas d’Arkéa,des enquêtes vont être effectuées auprès des usagers pour connaître leurs attentes, leurs besoins, et leurs pratiques, afin de trouver la solution la plus simple et la plus adaptée.

7. Perspectives

 P1240344Dans tous les cas,la mise à disposition d’ebooks est récente : on peut supposer que les usages vont se développer, et c’est le pari que font ces collègues ou leur hiérarchie. Des solutions techniques, ou des assouplissements comme ceux qui ont été négociés par le consortium Couperin devront néanmoins être trouvés par les fournisseurs pour inciter les publics à se porter sur les offres légales : les réactions du public présent lors de la table ronde montrent à quel point les conditions posées par les fournisseurs semblent souvent exorbitantes… La dématérialisation des centres de documentation est encore très partielle : l’attachement au livre « en papier » reste important, l’offre numérique est insuffisante et souvent onéreuse. Le rôle des bibliothécaires et documentalistes reste important dans le choix et la valorisation de l’offre, la formation des usagers. Par ailleurs, en cas de dématérialisation généralisée ou presque, comme ce qui est envisagé à Arkéa, c’est l’occasion de repenser le métier, en l’axant davantage sur la veille, la production de ressources et le développement de services numériques.

 8. Fin de saison pour doc@brest : la suite à la rentrée …

P1240375 L’après midi s’est achevé par un verre de fin d’année en mode « participatif » (chacune avait ramené du jus de fruit ou des gateaux à partager), sous le soleil brestois, permettant de nombreux échanges en prolongement des présentations.

 
Rédaction de l’article : Edith Boulo / photos : S. Corfec (plus d’images du réseau sur www.flickr.com/docabrest)


Via un article de edithboulo, publié le 13 juillet 2015

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