Le statut juridique des données de la recherche : entre droit des bases de données et données publiques

Le mois dernier, j’ai été invité à intervenir à la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société (MESHS) de Lille, dans le cadre d’un cycle d’un cycle de conférences sur le « Droit d’auteur dans l’environnement numérique ». J’étais chargé de traiter de le thème du droit des bases de données, mais j’ai élargi un peu le propos pour examiner la question du statut juridique des données de la recherche, de manière générale (voir la présentation ci-dessous).

En effet, le statut des données produites dans le cadre des activités de recherche présente un caractère hybride. Les projets de recherche peuvent produire des ensemble assimilable à des bases de données au sens de la loi, protégée par un système relativement complexe de droits (droit d’auteur, droit sui generis du producteur). Mais ces mêmes données peuvent aussi être appréhendées comme des informations publiques, relevant de la loi du 17 juillet 1978.

Or ces deux dimensions sont assez différentes dans leurs principes de fonctionnement : le droit des bases de données met l’accent sur le protection et confère à son titulaire la possibilité de soumettre les usages à son autorisation préalable ; à l’inverse, le droit applicable aux informations publiques part d’un droit à la réutilisation consacré au profit des citoyens, en laissant seulement à l’administration la possibilité de l’encadrer.

De là résulte une certaine tension, que l’on retrouve pour toutes les données produites par des administrations aujourd’hui, mais qui revêt une importance particulière à mon sens pour le secteur de la recherche, car les données scientifiques ont naturellement vocation à être diffusées et réutilisées. Le secteur culturel a déjà connu des complications à propos des données qu’il produit et celui de la recherche pourrait connaître des difficultés similaires, car tous deux relèvent d’un même statut dérogatoire, complexe à manier.

Il importe dès lors pour chaque projet de recherche d’être en mesure d’établir un diagnostic juridique précis pour déterminer le statut de chaque « couche » formant ses résultats : données de recherche, contenus numérisés, métadonnées associés, valorisation éditoriale par le biais d’articles, d’ouvrages, de sites internet, etc. Chaque couche peut avoir un statut différent, ce qui conditionne aussi les licences à choisir pour encadrer leur mise à disposition et leur réutilisation.

statut

Différents objets produits dans le cadre d’un projet de recherche pouvant correspondre à différents statuts juridiques.

J’essaie aussi d’élargir la présentation à d’autres enjeux concernant actuellement les données de la recherche, comme la problématique montante du Text et Data Mining, ou celle encore embryonnaire – mais forcément appelée à se développer – de l’Open Data appliqué à la recherche scientifique.

Ma présentation se place sous un angle essentiellement juridique, mais pour compléter l’analyse, je vous recommande également de consulter ce support d’intervention de Pierre Naegelen, qui porte sur les données de la recherche et le rôle des bibliothèques. Il aborde le sujet sous un angle plus institutionnel, en évoquant différents projets ou programmes en cours portant sur les données de la recherche. C’est le cas notamment l’Open Research Data Pilot lancé par la Commission européenne, avec l’obligation pour les projets financés par des fonds européens de prévoir un Data Management Plan (Plan de Gestion des Données).

***

Jusqu’à une date récente, l’attention en matière de diffusion des résultats de la recherche s’est essentiellement focalisée sur les articles produits par les chercheurs, avec notamment toutes les questions tournant autour de l’Open Access. Mais on sent bien aujourd’hui une montée en puissance des enjeux liées aux données de la recherche, qui soulèveront elles-aussi de nombreuses questions juridiques.

 


Classé dans :Données publiques et Open Data Tagged : data mining, données, droit des bases de données, informations publiques, open data, recherche, text mining

Via un article de calimaq, publié le 13 juillet 2015

©© a-brest, article sous licence creative common info