Un premier manuel collaboratif pour Open Street Map par Floss Manuals

Un texte repris de la page Découvrir la cartographie collaborative et d’à propos de de
À propos de ce livre, une dédition de Floss manuals sous liecnce CC by sa
.

Découvrir la cartographie collaborative

« La géographie est une de ces sciences qu’il faudra toujours perfectionner. Quelque peine qu’on ait prise, il n’a pas été possible jusqu’à présent d’avoir une description exacte de la terre. Il faudrait que tous les souverains s’entendissent et se prêtassent des secours mutuels pour ce grand ouvrage. Mais ils se sont presque toujours plus appliqués à ravager le monde qu’à le mesurer [...] Heureusement, on rectifie sur les lieux ce que les géographes ont souvent tracé de fantaisie dans leur cabinet. Il est bien difficile, en géographie comme en morale, de connaître le monde sans sortir de chez soi. »

Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, sixième volume, 1771

Cette réflexion de Voltaire aurait pu être une de celles qui ont inspiré l’édition collaborative de cartes, tel que l’a entreprise la communauté d’OpenStreetMap. Mais si l’histoire militaire a en effet contribué directement aux avancées cartographiques majeures, avec toutes les difficultés politiques et les incorrections scientifiques que cela implique, il ne faut pas oublier que le but premier d’une carte est d’aider la société humaine à rendre compte des caractéristiques de l’espace qui l’entoure. En fait, dès la préhistoire, les cartes ont servi à mémoriser les chemins vers les bons terrains de chasse ou encore à localiser les sources d’eau potable, éléments cruciaux à la survie puis à la prospérité des futures civilisations. De nos jours, l’information géographique continue d’indiquer l’emplacement des lieux et des éléments utiles à notre vie courante, mais beaucoup de données, de sentiers, de routes, de zones territoriales manquent encore à ce référencement, en fonction de qui participe à la collecte de ces données.

Pour l’utilisateur contemporain, les cartes aident à répondre à des questions telles que « Comment puis-je aller à l’école en vélo en toute sécurité ? » ou bien « Où puis-je faire réparer mes chaussures ? », « Est-ce que je peux traverser ce territoire à pied » ou dans des contextes plus graves, « Comment puis-je rejoindre l’hôpital le plus proche en cas d’urgence ? ». Situer les bâtiments publics, commerciaux, noter ou découvrir des lieux et des passages méconnus et le moyen de se rendre d’un lieu à un autre, demeure utile, parfois essentiel, à l’ensemble des êtres humains.

Pour toutes ces raisons, il peut sembler naturel de travailler collectivement à la cartographie de notre environnement. Pourtant, tous les supports de cartes ne sont pas ouvertement modifiables ou libres d’utilisation. Si pouvoir fournir, partager et s’approprier l’information géolocalisée est fondamental à la collaboration, certains formats de cartes et logiques de travail ne permettent pas tous ces usages.

La cartographie collaborative est une façon de collecter, de rassembler et de partager l’information géographique. OpenStreetMap contribue fortement à la propagation de ce mouvement. Mais au-delà de la communauté d’OpenStreetMap, plusieurs initiatives et pratiques existent qui rassemblent de nombreux contributeurs. Aussi, afin de vous aider à mieux comprendre dans quelle pratique globale s’inscrit votre usage d’OpenStreetMap, ce chapitre va vous présenter ce vaste thème qu’est la cartographie collaborative.

Qu’est-ce que la cartographie collaborative ?

Imaginez que votre amie souhaite faire réparer ses chaussures. Vous pourriez lui parler d’un magasin qui pourrait vous rendre ce service, mais ce n’est peut-être pas le meilleur endroit. Vous pourriez lui faire une carte de tous les cordonniers, mais cela représente beaucoup de travail. Et si vos amis vous aidaient à créer cette carte ? Ou mieux encore, et si n’importe qui pouvait contribuer à cet effort ? Voilà la base de la cartographie collaborative.

La cartographie collaborative, en tant que nouvelle technique participative de création de cartes, est un sous-ensemble de la néo-cartographie. Elle repose sur l’idée qu’une pluralité de personnes qui travaillent ensemble pour rassembler l’information est en mesure de produire une connaissance de qualité. Cette information peut-être très spécifique, comme une carte de tous les cordonniers de la région, ou plus générique, par exemple une "carte du monde placée sous licence libre". Il y a de nombreux outils pour créer des cartes collaboratives mais aussi des motivations et des usages potentiels très différents.

Pourquoi voudrais-je participer à la cartographie collaborative ?

Beaucoup de raisons peuvent vous amener à vouloir participer. Vous pourriez avoir une raison très sérieuse et souhaiter aider votre communauté à créer une carte relative à la sécurité, qui met en évidence les emplacements des hôpitaux et autres ressources en cas d’urgence. Vous pourriez vouloir situer les fontaines d’eau potable. Si vous êtes un adepte de randonnées, vous souhaiteriez probablement partager vos lieux de promenades favoris et en découvrir de nouveau en utilisant les cartes des autres. Ou, en tant qu’enseignant, peut-être aimeriez-vous disposer d’un nouvel outil d’apprentissage au raisonnement spatial pour vos élèves. Peut-être avez-vous votre propre idée de votre usage de la cartographie. Les outils et les pratiques de cartographie collaborative sont là pour vous aider à concrétiser vos besoins et vos idées.

Quels sont les projets et outils connus pour la cartographie collaborative ?

Il y a différents moyens de faire une carte collaborative. Le plus simple est de s’asseoir avec les autres et d’utiliser un stylo et du papier. Bien qu’étant collaborative dans son processus de création, la technique papier-stylo ne permet pas facilement la collaboration au-delà du groupe réduit qui peut se réunir autour de la feuille de papier. Même si la feuille est très grande, il y a une limite physique au nombre de personnes pouvant travailler en même temps sur celle-ci. OpenStreetMap permet à des groupes de collaborer sur des cartes électroniques, ce qui augmente considérablement ce nombre. Mais ce ne sont pas les seules options. Outre le couple papier-stylo et les outils entourant OpenStreetMap, il existe d’autres façons de créer et partager des cartes collaboratives.

Google Map Maker et Google My Maps

Google Map Maker est un moyen de corriger et d’ajouter des informations à Google Maps et Google Earth. Google permet par exemple d’ajouter les routes manquantes ou incorrectes, ou des points d’intérêt. Les modifications apportées par les nouveaux utilisateurs passent par un processus de vérification avant d’être publiées.

Google MyMaps est quand à lui un onglet associé à Google Maps qui permet d’enregistrer des informations dans la carte personnelle d’un utilisateur. Celui-ci peut alors décider rendre sa carte publique, privée, ou seulement partagée avec certaines personnes. Il lui est ainsi possible d’inviter des personnes précises à collaborer sur sa carte ou de rendre sa carte disponible au monde entier pour que chacun puisse y contribuer.

Si l’utilisation de Google Maps est gratuite, les données ne sont pas libres pour autant. Contrairement à OpenStreetMap, Google interdit des usages commerciaux. Il restreint aussi l’usage de ses cartes pour des services qui entreraient en compétition avec Google. Selon les conditions d’utilisation du projet, votre contribution devient ainsi un produit dérivé de Google. La compagnie se réserve en effet les usages commerciaux des données. Google s’appuie sur l’aide de visiteurs pour améliorer sa cartographie, sans pour autant en faire un bien public.

Ushahidi

Ushahidi est un projet à but non commercial et un logiciel open-source permettant la collecte d’informations collaborative et l’affichage de ces informations sur une carte et un calendrier. Ushahidi est un mot Swahili qui veut dire témoin ou témoignage. Son but initial était de créer des cartes des cas de violence déclarés au cours des troubles post-électoraux au Kenya en 2007-2008. Le site permettait notamment de collecter les témoignages de violence envoyés par email et SMS, en les plaçant sur une carte. Aujourd’hui, on pourrait le présenter comme une initiative de cartographie sociale, combinaison d’activisme social, de journalisme citoyen et d’information géographique.

D’un point de vue logiciel, Ushahidi fournit un mécanisme à un observateur local pour soumettre un rapport via son téléphone mobile ou internet, avec le lieu et l’heure de l’évènement. L’idée d’Ushahidi est de permettre aux utilisateurs de soumettre des « rapports » directement via l’application Ushahidi, à travers les réseaux sociaux, ou même par SMS. Il est possible de rapidement mettre en place une version d’Ushahidi en utilisant CrowdMap (http://crowdmap.com) ou en téléchargeant le code source et en l’installant sur un serveur. Le logiciel est ainsi utilisé par plusieurs projets de cartographie collaborative.

WikiMapia

WikiMapia (http://wikimapia.org) est un projet commercial qui offre « une carte interactive modifiable dont [....] le but [....] est de créer et de maintenir à jour une carte gratuite, complète et multilingue du monde entier. » WikiMapia est surtout utilisée pour référencer des points d’intérêts rassemblés collectivement. Ce projet utilise les vues satellitaires de Google Maps et permet de les annoter avec un système de style "Wiki". Ainsi, WikiMapia fournit un support de carte modifiable par tout le monde, sans qu’il soit nécessaire d’avoir un compte pour consulter ou contribuer au projet.

À la différence d’OpenStreetMap qui a expressément obtenu de Microsoft le droit d’utiliser son imagerie aérienne, WikiMapia propose un travail dérivé de sources propriétaires (Google Earth). Par ailleurs, le travail contributif n’est pas placé sous licence libre, mais sous la licence Creative Commons BY-NC-SA (paternité, non commercial et partage des conditions à l’identique). On doit comprendre que le projet se réserve les usages commerciaux des données. Par ailleurs, WikiMapia génère des revenus avec des publicités Google et la plateforme reste la propriété privée de ses fondateurs.

Pourquoi voudrais-je faire de la cartographie collaborative avec OpenStreetMap ?

Comme vous pouvez le voir, il y a de nombreuses options pour faire de la cartographie collaborative. Certaines d’entre elles sont très similaires à OpenStreetMap, les autres sont différentes. Souvent, ces outils sont complémentaires à OpenStreetMap. Par exemple, plusieurs projets basés sur Ushahidi utilisent OpenStreetMap comme fond de carte, en incluant l’information qui y existe déjà pour donner un contexte aux nouveaux rapports reçus. Les personnes utilisant Ushahidi peuvent utiliser OpenStreetMap pour référencer les informations qu’ils recueillent.

Le logo d’OpenStreetMap

Un des points forts d’OpenStreetMap est sa licence ouverte. N’importe qui peut utiliser les données OpenStreetMap à ses propres fins, y compris commerciales. Les seules exigences sont de donner crédit à OpenStreetMap et ses contributeurs lorsque vous utilisez les données et de publier toutes les améliorations que vous apportez aux données, sous une licence similaire.

Il existe une autre différence entre OpenStreetMap et certains des outils de cartographie collaborative mentionnés ci-dessus : tous les contributeurs d’OpenStreetMap travaillent sur la même carte. Cette méthodologie garantit que les données suivent le même format partout dans le monde, permet d’ajouter de plus en plus de détails à partir de nombreuses sources, et empêche l’information d’être divisée et bloquée dans des projets individuels.

Il est important de faire la différence entre OpenStreetMap et d’autres cartes en ligne comme Google Maps, MapQuest ou Bing, où le but principal est d’afficher les résultats de recherche et de rentabiliser financièrement leurs activités respectives. Dans certains cas, ces cartes disposent d’outils qui permettent à l’utilisateur de superposer ses propres données au dessus de la carte et de l’afficher dans un mode très particulier - mais si vous voulez faire plus ? Contrairement à ces systèmes, l’objectif principal d’OpenStreetMap est de fournir à l’utilisateur les données de la carte sous-jacente. Cela permet à quiconque d’utiliser ces données de quelque manière que ce soit. Vous pouvez créer des produits à base de cartes complètement nouveaux et passionnants, à la limite de votre imagination.

De plus, OpenStreetMap dispose d’une grande communauté. Plus de 450 000 personnes ont créé un compte. Cette communauté dynamique comprend les personnes qui ajoutent des informations à la carte, celles qui écrivent des logiciels pour permettre la modification et d’autres qui créent des cartes spécialisées à partir des données OpenStreetMap. Les adeptes d’OpenStreetMap se réunissent partout dans le monde pour partager des techniques, cartographier leurs lieux de vie, apprendre les uns des autres ou juste pour se rencontrer dans un cadre social.

Tout au long du reste de ce livre, nous allons vous montrer comment vous pouvez utiliser OpenStreetMap pour recueillir des types de données similaires aux plates-formes listées ci-dessus. Nous allons également vous montrer comment utiliser ces données de différentes manières. Que vous souhaitiez obtenir des informations sur tous les cordonniers d’une ville ou cartographier vos sentiers de randonnée favoris, OpenStreetMap peut vous aider. Et une fois que vous avez terminé, il peut fournir des outils pour utiliser ce que vous avez recueilli et le partager de différentes façons avec les autres.


A propos de ce livre

Vous lisez le premier livre gratuit et ouvert consacré à OpenStreetMap, la carte ouverte et modifiable créée et affinée par des contributeurs du monde entier.
Pour qui est destiné ce livre sur Open StreetMap ?

Ce livre est destiné aux nouveaux-venus intéressés par la cartographie collaborative mais qui ne connaissent pas encore OpenStreetMap. Bien que nous ayons souhaité rendre cet ouvrage accessible pour les débutants, les utilisateurs plus chevronnés trouveront également des informations plus complexes dans les deux dernières sections.

Comment ce livre a-t-il été produit ?

Cet ouvrage est la traduction d’un manuel produit lors d’un sprint d’écriture de trois jours, qui s’est tenu pendant le colloque de documentation du "Google Summer of Code", à Mountain View (Californie) entre les 18 et 20 octobre 2011. L’équipe était composée de six co-auteurs (développeurs, utilisateurs, formateurs et débutants), Kate Chapman, Ian Dees, Anne Gentle, Shaun McDonald, Nóirín Plunkett et Tomi Toivio, avec la coordination d’Anne Goldenberg de Floss Manuals francophone.

Ce livre a été écrit avec les objectifs suivants :

  • Vous accueillir dans la pratique de la cartographie collaborative.
  • Vous faire découvrir la communauté des contributeurs d’OpenStreetMap.
  • Vous expliquer les bases de la contribution au projet OpenStreetMap.
  • Vous présenter les outils, les astuces et les utilisations avancées d’OpenStreetMap.
  • Vous proposer une documentation gratuite et à jour, et qui peut de plus être modifiée par la communauté.

Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à consulter ce livre que nous en avons pris pour son écriture. N’hésitez pas à apporter votre contribution en ligne si vous souhaitez améliorer ou mettre à jour cette documentation en collaborant avec nous. Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur http://booki.flossmanuals.net/openstreetmap_fr/. Vous êtes également bienvenus pour aider à la traduction de cet ouvrage sur flossmanuals.net. Nous espérons pouvoir vous accueillir tout prochainement au sein de la communauté OpenStreetMap, et que vous prendrez goût à cette participation !

Les traducteurs

Les traducteurs ayant participé à la traduction et ré-écriture de ce livre sont (par ordre alphabétique) : Guillaume Allègre, Emmanuel Dewaele, Fabien Giraud, Elisa de Castro Guerra, Anne Goldenberg, Jean-Bernard Marcon, Brice Mallet, Vincent Privat. Cette traduction a été réalisée lors de rencontres virtuelles ponctuelles qui se sont tenues durant l’hiver 2011 - 2012. Ces rencontres ont été facilitées par Anne Goldenberg et ont suivi la méthodologie du Liberathon issue du Booksprint.

Vous lisez actuellement la version datée du 23 janvier 2012.

Une version papier de ce livre devrait être publiée par Framabook et Floss Manuals francophone. Si cela se confirme, les éventuels bénéfices du livre seraient alors versés à partie égale entre Framabook, OSM-fr et Floss Manuals francophone.
Colophon

Éditeur  : Floss Manuals francophone et Framabook (à confirmer)

Thèmes : cartographie collaborative, open data, données libres

Résumé : Ce livre constitue une introduction à la cartographie collaborative avec OpenStreetMap et au partage des cartes. Il décrit également les communautés utilisant les données OpenStreetMap, les outils en usage pour la modification des cartes, les applications cartographiques mobiles et la mise en place d’un serveur web dédié à la fourniture de cartes.

Type de document : manuel collectif
Licence : Creative Commons BY-SA

Langue : français, traduction de la version anglaise originale "OpenStreetMap"

L’adresse originale de cet article est http://www.pratiques-collaboratives...

Via un article de Briand, publié le 11 août 2014

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