Enquête culture scientifique et numérique

Je livre ici la réponse faite à Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI La Casemate à Grenoble, dans le cadre de la lettre de mission sur la culture scientifique et le numérique que lui a confiée Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur Chicoineau, cher Laurent,

Merci d’avoir sollicité les petits débrouillards Grand Ouest pour participer à « l’étude approfondie sur les possibilité offertes par le numérique pour permettre une large appropriation de la culture scientifique, technique et industrielle, par les jeunes publics, et les populations peu touchées par les formes classiques de médiation de la culture scientifique scientifique technique et industrielle » que vous a confiée la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ne pouvant être des votre à Nantes ce lundi 14 avril, je vous livre une rapide proposition.

Les petits débrouillards Grand Ouest connaissent bien le public jeune puisque c’est notre public historique :

  • Que ce soit pour des interventions à l’école, au collège et au lycée.
  • Nos interventions de rue à l’occasion des vacances scolaires.
  • Nos clubs hebdomadaires et nos mini-stage pendant les vacances (pour des enfants de 7 à 12 ans).
  • Enfin, les animateurs formés à l’animation scientifique et technique sont pour la plupart des jeunes de 18 à 25 ans.
  • et bien évidements nos actions impliquant internet, soit comme outil pédagogique, soit objet de vulgarisation.
  • et la proximité des territoires puisque nous avons 10 antennes en Bretagne établies dans des quartiers populaires et les campagnes (15 antennes à l’échelle du Grand Ouest).

De plus, nous sommes engagés depuis les années 2000 sur la question des usages du numérique. Que ce soit le numérique comme outil du médiateur ou le numérique comme outil culturel des publics.

A cette époques nous parlions de NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication) de TICE (Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation) puis de TIC et maintenant de numérique. Nous sommes passés depuis 1995, des modem chantant au modeste débit de 56K à la fibre au ultra haut débit. Les technologies du numérique ont pris leurs essor en provocant des bouleversements dans l’économie, les sociabilités, les pratiques culturelles, la production d’information, le traitement de ces informations, etc...

Si en 1995 la photographie était essentiellement argentique, elle est aujourd’hui quasi exclusivement numérique et, dans la poche, nous disposons presque tous, pour paraphraser Steve Jobs ex-dirigeant d’Apple, d’un appareil qui fait ipod, téléphone et internet (servant de fait d’enregistreur audio, d’appareil photo, de caméra, disposant d’applications de réseaux sociaux telles que Facebook, youtube, twitter ou vine et instagram pour ne citer que les plus en vogue).

Si le minitel a pu nous faire penser que la télématique servait simplement à consulter des services centralisés pour répondre à nos questions imaginées par des prescripteurs lointains, déjà les forums de discussion montraient qu’un des intérêts de la mise en réseau des personnes résidait dans les interactions et l’accès aux contenus générés par les utilisateurs.

Il faut bien comprendre les causes de la disparition du minitel au profit de l’émergence de l’internet. C’est bien cette structuration en réseau pair-à-pair qui en fait la puissance et le succès. Il convient de penser les choses dans ce cadre.

De 1995 à 2000, c’est l’époque des pionniers, la plupart des personnes ayant accès à internet l’utilisent pour le mail et consulter des sites. Quelques curieux y produisent déjà des sites réalisés en HTML, codés à la main, c’est l’époque des bannières qui clignotent, des boutons fluorescent en gif animés. Petit à petit les logiciels d’édition de site web facilitent l’accès à la l’expression sur internet, les forums réunissent des communautés, des amateurs réalisent des sites web sur tous les sujets. Des prestataires visionnaires offrent des plateforme de blog, l’internaute peut en quelques clics ouvrir son propre site web, sans connaissances technologiques. Le début des années 2000 voit l’explosion des CMS (Logiciel de créations de sites web dynamiques : la forme est séparée du fond, une base de données gère les contenus, le logiciel appelle les contenus et les met en forme à la demande). Google émerge et balaye la diversité des moteurs de recherche et des méta-moteurs. Wikipédia nait et reste encore aujourd’hui un des sites les plus visités au monde, un site dont les contenus sont produits par les internautes.

En même temps, les projets de sciences participatives favorisés par la mise en réseaux d’observateurs, d’intelligence, de ressources machines augmentent énormément !

  • le projet SETI : mettre à disposition les ressources de son ordinateur pour traiter de l’information.
  • Fold-it : un jeu de pliage de protéine.
  • Les projets du MNHN : mission printemps, etc...
  • Tela Botanica : fait revivre le concept de société savantes, herboriser la France grace à la coopération et au numérique
  • Open street map, d’abord boudé par notre talentueux IGN, aujourd’hui partenaire.

En même temps, la dynamique d’internet évolue, Facebook rassemble beaucoup de monde, twitter beaucoup moins, des média professionnels nouveaux apparaissent (médiapart, arrêt sur image, slate,...). La notion de biens commun ré-emerge, le droit d’auteur est interrogé, la protection des données privées également. Avec les débats sur le droit d’auteur, l’internaute qui partage sa musique se voit qualifié de « pirate ». Et si le « pirate » qui télécharge son film peut le visionner immédiatement, le cinéphile qui achète son DVD se voit imposer un message comparant le téléchargement avec le vol à la tire ou le détroussage de personnes âgées, ce qui, d’un point de vue matériel et d’un point de vue juridique, est totalement faux. Enfin, les sciences sociales s’intéressent également aux usages du numérique, des observatoires regardent la pénétration des technologies dans la société.

Récemment, le Conseil National du Numérique a sortit un rapport sur l’e-exclusion qui conclue par le fait que nous sommes tous des exclus du numérique, que le numérique est en dynamique, que le numérique est vaste en terme d’outils, en termes d’usages, en terme d’innovations. Ce rapport pointe même le fait que l’idée de « digital native » (natif du numérique) est tout simplement erronée, être né avec un smartphone dans la main, avoir toujours connu les ordinateurs ne fait pas de ces personnes des experts du numérique, pas plus que prendre un cailloux dans sa main ne fait un géologue. Enfin ce rapport pointe la nécessité d’une « litteratie » numérique (Litteratie : aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités. )

Le contexte est loin d’être brossé, il faudrait aussi détailler le fonctionnement social de la rumeur sur internet, du buzz, l’enjeux des Open data, des MOOCs, du fonctionnement des communautés, les logiciels libres, les méthodes agiles, les outils et méthodes collaboratives, ...

il conviendrait d’aller voir outre atlantique sur les pratiques de la jeunesse ou de la médiation scientifique pour nourrir notre réflexion.

Les petits débrouillards Grand Ouest ont eut une approche expérimentale des usages du numérique. A Brest, nous allions plusieurs atouts :

  • Une politique municipale en faveur des usages du numériques
  • La présence du GIS Marsouin (labo de sociologie des usages du numérique).
  • Un taux très élevé d’écoles d’ingénieurs et d’informaticiens (ENIB, Telecom Bretagne, ISEN, CERV, Labstic, etc..).

Nous avons commencé par favoriser l’expression des jeunes par la réalisation de journaux d’activité : photo numérique, mise en page par ordinateur, impression couleur à bas coût, créer un journal avec les enfants était simple.
Nous avons eut des échecs : l’expérimentation non concluante d’un site web dédié à nos animateurs en vue de capitaliser leur expérience en animation.

Et puis, tirant les leçons des premiers échecs nous avons conçut et réalisé quelques beaux succès :

  • http://www.wikidebrouillard.org , sur le même moteur logiciel que wikipédia nous avons bâtit un site collaboratif d’expérience à faire avec du matériel de la vie quotidienne. Sortie en 2008, il totalise plus de 15 millions de pages vues.
  • http://www.lesexplorateurs.org , un site de la culture scientifique du quotidien alliant rubrique « fun » et rubriques plus sérieuses : se côtoient photo mystère d’objets scientifiques ou technologiques, portraits de chercheurs, vidéos, démentis de rumeurs scientifiques ou d’idées reçues, etc...
  • http://www.lestaxinomes.org , un site participatif ou les 500 internautes inscrits participent à l’inventaire de la biodiversité en géolocalisant des média qui sont ensuite réunis dans la classification phylogénétique du vivant. Plus 12 000 média ont été géolocalisé depuis 2010.
  • les applications smartphone (iPhone et Androïd) : jeux de citation scientifique, les taxinomes sur smartphone et tablettes, etc...

Enfin avec Telecom Bretagne et l’association « Maison du Libre », nous ouvrons un des plus grand fablab de France au sein du lycée Vauban à Brest : Les fabriques du Ponant. Ce fablab a trois objectifs :

  • Fournir un service de prototypage aux entreprises du territoire.
  • Offrir au grand public et aux amateurs un lieux des cultures numériques et de la fabrication personnelle
  • Proposer aux acteurs éducatifs un outil d’éducation : loisirs, écoles, collèges, lycées et enseignements supérieur.

Acteur de l’éducation populaire travaillant dans le champs de la culture scientifique technique et industrielle, les petits débrouillards Grand Ouest se sont appropriés le numérique pour mettre en œuvre leur objet social.
Aussi c’est bien le développement de l’esprit critique, la culture du débat, la curiosité et le goût pour les sciences et technologies que nous souhaitons développer. Nous souhaitons contribuer à la formation des citoyens, participer du développement de leur pouvoir d’agir dans la vie de la cité et nous pensons que la culture générale d’un « honnête Homme » (nous préférerions un « honnête humain » parce que la moitié des Hommes sont des femmes) doit comporter des sciences et techniques, autant des connaissances conceptuelles que méthodologiques.

Par connaissances conceptuelles nous entendons l’état des connaissances scientifiques d’aujourd’hui, les questions pour lesquelles plusieurs hypothèses co-existent, les questions sans réponses. Et par méthodologique, nous entendons : la démarche scientifique et expérimentale, la culture du débat, l’esprit critique, la formulation de questions, l’analyse de données, l’identification des sources,... Bref, une forme de litteratie scientifique !

1. Le numérique et les publics de la CSTI :
D’après vous, est-ce que le numérique permet de toucher des publics différents ?

Oui Bien sur. Encore que c’est à relativiser. Les internautes ont tendance à ne fréquenter que ce qui les intéressent, dans les réseaux sociaux on fréquente beaucoup des personnes qui nous ressemblent. Comme pour les pratiques culturelles, plus on est cultivé en science et technologie, plus ont pratiques l’internet de la culture scientifique.

Est-ce qu’il permet de toucher des publics distants, plus éloignés des pratiques culturelles de type muséale ?
Le numérique touche quasiment tout le monde. Si nous lisons les enquêtes sociologiques, nous voyons que les pratiques culturelles sur internet reflètent les pratiques culturelles AFK (Away From keyboard : loin du clavier et souvent préféré à IRL : In Real Life, dans la vrai vie, car internet c’est aussi la vrai vie, on échange des vrais mots, on joue à des vrais jeux, on regarde des vrais films, etc...). Certains y voient même un risque de creusement des inégalités. En effet, c’est lorsqu’on sait utiliser internet de manière « cultivante » et autonome qu’on s’y nourrit le plus ! C’est quand on sait vérifier ses sources, quand on connait et utilise des sites d’informations, quand on maitrise la publication de vidéos et de photos qu’on est reconnu comme créatif, qu’on maitrise son image sur les réseaux sociaux. C’est aussi quand on a une bonne culture numérique qu’on est capable d’être critique.

J’ai coutume de dire que le plan numérique Breton c’est bien ! Mais sans un plan massif d’éducation aux usages de l’internet, le déploiement de la fibre optique ressemblera drôlement au fait de brancher les portefeuilles des bretons directement sur les comptes en banque de Google Amazon, Facebook et Apple, ce qui est très bien pour le développement de l’innovation et de l’économie états-unienne !

Enfin, le numérique offre tout de même une opportunité de toucher des personnes éloignées de la CST mais il faut faire preuve de stratégie !
Les canaux ordinaires n’attirerons que les publics ordinaires !

Regardons outre atlantiques et nourrissons-nous des expériences qui fonctionnent :

  • le travail de l’agence science presse au québec.
  • les scientifiques bloggueur et actifs sur les réseaux sociaux qui discutent avec les internautes et entre scientifiques mais en public.
  • les sites qui rendent la science « vulgaire » mais qui par la même en font un élément de culture populaire : I fucking love science, science porn, etc...

Enfin, il faut bien avoir à l’esprit qu’il existe aussi sur internet des acteurs qui agissent contre la rationalité, contre les sciences :

  • Site obscurantistes, intégristes de tout poils, etc...
  • Réseau fascisants : Soral, dieudosphère, etc...
  • Sites complotistes niant le fait qu’on ait marché sur la lune, niant la version officielle des attentats du 11 septembre, niant même l’existence du SIDA.
  • Sites idéologiques : autour de la « manif contre les mariage pour tous », manipulation de l’opinion, création de rumeur d’une hypothétique théorie du genre...
  • Galaxie des « alters » (déviance écolo-intégriste, sectarisme, para-sciences, manipulation-coaching personnel, médecine pseudo-alternatives,....)

Face à ces acteurs du web, la culture scientifique ne proposons pas grand chose. Comment les jeunes peuvent-ils s’informer des récents travaux sur le sida, sur le genre, le vivre ensemble. Comment se forger une culture scientifique permettant de démêler le vrai du faux ? Aujourd’hui, à part quelques site (Hoaxbuster par exemple), peu se sont engagés sur cette voie.

Enfin, Gaston Bachelard, premier petits débrouillards avant la lettre, disait « on ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif ! », c’est aux questions qui se posent, quand elles se posent, qu’il faut fournir des réponses, chose que les acteurs de la culture scientifique ne font que très peu !

Pensons à un service « science direct » qui soit capable de répondre à la question de la travaux scientifique sur le genre, vulgariser le boson de higgs quand il fait la Une, de construire des réponses sur les questions du temps !

Menez-vous une veille et/ou une réflexion en interne sur les usages et pratiques du numérique chez les jeunes, notamment en matière de rapport aux savoirs ?
Oui, bien évidement mais attirons l’attention sur le fait qu’on trouve essentiellement deux type de sources sur l’analyse des pratiques :

  • Les éditorialistes (Journalistes, éditorialistes professionnels, parfois scientifiques extérieur au domaine).
  • Les chercheurs en sociologie des usages.

Si les premiers peuvent raconter, vraiment n’importe quoi : des pédo-nazi, à l’addiction au jeux vidéo, au mépris de projets collaboratifs comme wikipédia ou Open Street Map. C’est aussi le droit d’auteur contre les biens communs, les « digital natives » seraient naturellement doués et maitres de l’internet, le numérique est une révolution qui va sauver le monde, etc...le raccourcis et la généralisation. La réflexion confine parfois au propos de comptoirs, il s’agit de jugement de valeur, parfois appuyé de l’argument d’autorité d’un philosophe, d’un scientifique reconnu ou du journaliste parent qui ne comprends pas ses enfants. Comme toutes les « nouvelles technologies » internet suscite bien des fantasmes dans un sens positif, comme dans un sens négatif. Il convient, pour un débat sain et argumenté de convoquer les faits et faire preuve d’un minimum de culture scientifique.

Aujourd’hui, notre réflexion commence par la lecture des travaux scientifique en la matière et ils sont de plus en plus nombreux sur les usages, sur la jeunesse, etc..

Comment abordez-vous la question de la participation des publics dans vos activités ?
Nos activités sont quasi exclusivement des activités de participation (que ce soit nos activités pédagogiques en salles ou nos sites webs). Nous sommes une vrai association, avec des vrais adhérents, qui plus reconnue association de jeunesse et d’éducation populaire ce qui impose des statuts ouverts et démocratiques.

Recherchez-vous ses contributions ?
Oui particulièrement sur nos sites participatifs.

Vous arrive-t-il de co-construire vos actions avec des publics ?
régulièrement

Quelle place faites-vous aux amateurs et aux pratiques amateurs dans votre organisation et/ou votre programmation ?
Nous sommes d’une culture du partenariat, nous travaillons avec les amateurs, beaucoup d’amateurs constituent nos adhérents. Lors d’évènements grand publics, nous faisons appel aux amateurs pour partager leurs approche.

Dans le cadre de votre programme culturel et scientifique, avez-vous élaboré une "stratégie numérique" ? Pourriez-vous la définir brièvement ?
Aujourd’hui, les petits débrouillards travaillent selon deux axes :

  • éduquer au numérique.
  • éduquer avec le numérique.
    Il s’agit de comprendre ce qui se joue avec internet et l’environnement numérique pour s’en saisir et y transposer l’objet social de l’association.
    Ainsi, il n’y a pas de révolution, nous pensons juste être dans notre époque, vivre avec ses technologie, ni avance, ni en retard :
  • Nous disposons d’un ensemble de site web éducatifs que nous animons et auxquels les internautes participent régulièrement (sur des sujets variés : les sciences en général, la biodiversité, etc...).
  • Nous organisons des animations (des groupes avec des animateurs) variées sur le numérique : depuis la sensibilisation aux usages, la formation aux licences Créatives Commons et aux questions de droit en passant par la « bidouille électro-informatique » à base d’Arduino, au démontage d’ordinateurs, etc...

Est-ce que le numérique impacte votre modèle économique ?
Pour l’instant pas spécifiquement. Le numérique occupe une place de plus en plus en grande dans nos activités, mais celle-ci ont toujours évoluées. A part des financements particuliers (Fabriques du Ponant par exemple ou le portail des explorateurs) sur des projets spécifiques, on en peut pas dire que notre modèle économique soit réellement impacté.

J’attire l’attention sur un fait important : Créer une plateforme web dynamique n’automatise pas le travail du médiateur. Le succès d’un site web dépend en grande partie du travail des médiateurs qui l’animent. Et si on trouve des financements d’investissement pour construire ces sites, il est très difficile de trouver des financements pour le fonctionnement de ces sites ce qui est pourtant le plus grand facteur de réussite.

Une manière d’optimiser les financements : avoir aux logiciels libres ! Une plateforme développée pour projet être utilisée à un coup de réplication quasi nul pour une autre projet. Je peux citer le cas du projet taxinomes :
la maison des minéraux de Crozon développe le projet « Géodiversité » en logiciel libre. Il s’agit d’un site permettant de réaliser l’inventaire géolocalisé de la géodiversité.

En 2010 pour l’année mondiale de la biodiversité, nous avions besoin d’un site permettant de faire un inventaire participatif de la biodiversité. Nous avons utilisé le moteur de géodiversité, coût du site : 500 €
Nous avons amélioré le site, développé des applications pour smartphone que nous avons reversé à la communauté et du coup géodiversité a pu en bénéficier gratuitement.

Le projet mission Peluche de l’université de Montpellier s’est montré intéressé par la plateforme et a pu l’utiliser gratuitement.

Si ces trois projet ont reçut des financements, l’effet de ceux-ci a été décuplé et grâce à la capitalisation permise par le logiciel libre, aujourd’hui encore ces sites bénéficient d’améliorations.

2. numérique et culture de l’innovation :
Quelles relations entretenez-vous avec les cultures techniques / technologiques / industrielles ?

Nous constatons qu’au sein des sciences et technologies, le numérique tient une place à part d’un point de vue culturel. Si on peut se forger une culture scientifique traditionnelle assez facilement sur les sciences de la matière (bio, géol, physique, chimie ou math) nous constatons une certaine rupture avec le numérique. On pourrait dire que se forger une culture avec les concepts nés au XIXième est assez facile (concepts toujours valable aujourd’hui), les concepts nés au XXième siècle sont plus difficiles à approprier : physique des particules, sciences de l’univers, cognition, électronique, informatique.
Concernant la nature des relations avec les acteurs, il nous faut préciser :

  • L’association en tant que personne morale d’un côté.
  • Ses activités pour ses publics
  • Les personnes qui constituent l’association.
    L’association est en contact institutionnel avec tous les labos et nous ne privilégions aucun domaine de recherche ou de technique particulier, si ce n’est ceux présents en proximité géographique et en lien avec les projets du moment. Nous sommes également doté d’un conseil scientifique.
    Pour ce qui des activités à destination des publics, nous organisons régulièrement des activités sur le thème du numérique (Open Bidouille Camp, BzhHackBusTour, Débrouillarduino, etc...).

Enfin, les personnes qui constituent l’associations, que ce soient l’équipe de professionnels, le conseil d’administrations, les animateurs vacataires ou les bénévoles, elles bénéficient d’un dispositif de formation continue et de tous les évènements organisés par l’association. Précisons que notre mode de fonctionnement étendu (15 antennes locales au plus près des populations) impose un usage des outils collaboratif performant.

Quelle(s) place(s) faites-vous d’une part aux ingénieurs, entrepreneurs, chercheurs et, d’autre part, aux artistes, designers, architectes, créateurs, etc. dans vos activités ?
Nous travaillons en partenariat étroit avec tous les organismes de recherche. Depuis la mise en place de nos activités d’été dans les quartiers nous travaillons avec des sociologues de la ville, des architectes, des urbanistes. Nous avons permis à plusieurs reprise à des habitants de participer à des rénovations urbaines (à Brest et Saint-Brieuc en particulier) et de modifier les plans de leurs lieux de vie. Enfin, le design est important, Jean-Louis Fréchin de l’agence NoDesign est notre vice-président national au numérique.

Comment situez-vous votre action au regard des questions de développement local ?
Le développement local est notre brique de base.

Stimuler l’esprit d’entreprendre fait-il partie de vos objectifs ?
Oui.

Avez-vous des collaborations avec des entreprises locales ? ces collaborations sont-elles stratégiques, du point de vue de votre organisation ?
Nous avons des collaborations avec des entreprises locales, cela fait partie d’un axe stratégique de l’association. Nous envisageons plusieurs modalités :

  • La plateforme lesciencetour.fr
  • Des partenariats avec nos antennes locales, nos « briques de bases ».
  • Des PME sont fondatrice du Fablab « les fabriques du Ponant » et l’objectif c’est bien de travailler avec le tissus entrepreneurial.

Qu’évoque pour vous l’idée d’une "culture de l’innovation" ?
Notre métier !

Sur internet, l’idée de mixer plusieurs services (un tableur de données avec un carte pour faire naitre de la géolocalisation) s’appelle un mash-up. Pour nous l’innovation ressemble a un mash-up. C’est à dire mieux répondre à des besoins en recombinant des idées existantes ou en important de nouvelles idées. Il arrive parfois qu’à l’innovation, nous ajoutions l’invention. L’innovation est de deux nature : sociale et technologique, ou plutôt d’une seul : socio-technique ou techno-sociale ? Souvent nous faisons beaucoup, rien qu’avec de l’innovation sociale : nouveaux lieux, nouveaux partenaires, nouvelle manière de poser les questions, ….

3. recommandations :
quelles sont, d’après vous, les formes de médiation numérique à développer en priorité ?

  • La participation : faire contribuer les jeunes et les publics distants développer des cultures participative et collaboratives.
  • La lutte contre les hoax, les rumeurs
  • Le développement des biens communs et du remix des biens communs.

Comment le numérique doit-il s’inscrire dans la stratégie nationale et dans les stratégies régionales de CSTI ?
Ne serait-ce pas à ces stratégies de s’inscrire dans le numérique ?

Est-il nécessaire de développer les interactions entre acteurs de CSTI et acteurs du numérique ?
Si ce n’est pas déjà fait, c’est que les acteurs de CSTI manque de culture numérique ?

Au-delà de la plateforme ESTIM, souhaiteriez-vous d’autres outils ou initiatives nationales en matière numérique ?
Non et Oui ! Tirons les leçons de l’internet, c’est le réseau qui est fort ! Le pair à pair produit de l’innovation ! Nous avons les infrastructures massives et centralisées (que ce soit au niveau national ou au niveau régional), très consommatrices de budget, nous pourrions innover et favoriser l’émergence d’innovations sociales ou technologiques de culture scientifique sur le modèle du numérique ?

Pour conclure et résumer :

voici quelques préconisations :

  • tout d’abord, je pense que la culture scientifique a quelque chose à dire sur des aspects purement législatifs. Les industries du disques ont dépensé une énergie folle pour essayer d’appliquer l’ancien modèle économique au numérique pour un résultat nul ! Amazon est le premier libraire du monde et apple le plus grand vendeur de musique. Il ne faut surtout pas penser le cadre législatif d’internet comme le cadre de l’économie matérielle ou du rapport au savoir matériel ; Nous avons besoin de préserver la neutralité des réseaux, de préserver et cultiver le domaine public (et il y a alerte sur les archives en ce moment même), d’accompagner la demande sociale de protection des données privées (affaire snowden-NSA, etc..), il nous faut des cadres et des standard ouverts et démocratiques favorisant le partage et le remix culturel (Creative Commons).
  • Nos publics ne doivent pas être considéré comme des réceptacles passif : il faut donner toutes leurs place aux internautes comme producteurs de contenus : sciences participative mais aussi vulgarisation participative, questionnement, construction de réponse, ouverture de débats, etc...
  • Nous devons être standards, ouverts et libres : la culture scientifique est souvent financée sur des fonds publics, à ce titre les contenus développés devraient être systématiquement sous des licence de droit d’auteur permettant le partage et le ré-emplois (Créative Commons notamment, en particulier la licence CC-By-Sa). La référence explicite à Créative Commons est importante car elle apparaît dans le paysage comme quelque chose de lisible et d’identifiable. Prenons le cas des sites du gouvernement américain, il est aujourd’hui plus facile d’obtenir et d’utiliser une photo de la lune, qu’une photo d’un de recherche (labo, terrain, etc...) en France. Enfin de la même manière, les développement logiciels devraient tous être réalisés en logiciels libre lorsqu’il s’agit de fonds publics de culture scientifique, ceci afin que ces investissement bénéficie à tous, pour l’intérêt général (et pour inciter fortement, il pourrait y avoir des clauses qui conditionnerait la subvention à un versement des contenus dans le bien commun).
  • Il faut insister pour que les politiques d’aménagement numérique du territoire soient systématiquement accompagnées de politiques éducatives aux usages d’internet, particulièrement envers les publics les plus éloignés des pratiques numériques.
  • Il faut préférer un financement en réseau plutôt que de financer des grosses machines centralisées à l’échelle nationale ou régionale. L’innovation nait beaucoup du croisement, des réseaux et les cultures numériques nous montre des nouvelles formes de travail collaboratif, des méthodes agiles inspirées du celles du développement logiciel qui portent leurs fruits.
  • il faut accepter l’idée d’hybrider la culture scientifique avec les autres champs de la culture.
  • il faut accepter de parfois être « vulgaire ».
  • il faut inciter les scientifique à utiliser les réseaux sociaux pour entamer des discussions, échanger, créer du lien.
  • enfin, question de pratiques culturelles de jeunes sont sensiblement les même sur internet qu’ailleurs. Il faut donc réfléchir à ce qui intéressent les jeunes, voir à permettre aux jeunes d’être eux-mêmes médiateurs.
  • il ne faut pas laisser à la « com » la responsabilité de la médiation scientifique et technique : nous savons tous quand ce sont des communicants qui nous parlent et nous en sommes méfiants, nous voulons un discours sincère et non formaté.
  • Il faut répondre aux questions qui se posent ! Actualité, sexe, adolescence, rumeurs, etc...
  • Il faut éduquer à la culture informationnelle : qu’est-ce qu’une information, une source, comment détecter les « hoax », etc...
  • Il faut former de jeunes « hackers », pas au sens pirates mais au sens bidouilleurs, des jeunes qui soient capable de programmer, décoder, coder, etc... En ce sens le travail effectué par la Maison du Libre de Brest est remarquable.
  • Favoriser et valoriser les jeunes qui publient des sciences sur internet (voir les vidéos « incroyables expériences » d’un jeune qu’on voit grandir sur internet depuis 5 ans qui réalise des expériences et les partage.) Si ces contenus présentent des aspects bien sur amateurs, ils participent de la culture générale scientifique.
  • Favoriser l’utilisation d’internet pour les programmes de sciences participatives et SURTOUT penser aux retours vers la société des résultats des programmes de sciences participatives (bien souvent on participe mais on n’a pas de retours !!).

L’adresse originale de cet article est http://www.lespetitsdebrouillardsbr...

Via un article de Antony Auffret / Coordinateur DV et innovation, publié le 14 avril 2014

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