Le télétravail : un outil de conciliation vie familiale et vie professionnelle à risques ?

Cet article présente les résultats d’un projet de recherche (Télétravail, Activité professionnelle et vie de Famille) financé par la Région Bretagne dans le cadre des projets innovants du Gis M@rsouin.

Ces résultats ont été présentés lors du 11e séminaire M@rsouin qui s’est tenu et 23 et 24 mai 2013 à Saint-Malo.

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De plus en plus d’entreprises se préoccupent de la qualité de vie au travail ou du bien-être de leurs collaborateurs et proposent une gamme de pratiques visant en particulier à mieux articuler leur vie privée et leur vie professionnelle. Le télétravail est une modalité d’organisation du travail, dont un des enjeux est l’articulation vie personnelle et vie professionnelle. Cette forme d’organisation du travail vise non seulement à mieux concilier vie professionnelle et vie privée, mais aussi à répondre à d’autres enjeux : écologie, qualité de vie des salariés, productivité des entreprises, changement culturel, déménagement de l’entreprise ou suppression d’un service etc. (Craipeau, 2010). Cette « flexibilisation » du travail (mobilités des salariés pour exercer le travail) associée à une augmentation de la productivité favorise une plus grande « intensité temporelle du travail » (Metzger et Cleach, 2004). Selon la forme et l’organisation qu’il prend, le télétravail peut être source de risques psychosociaux pour le salarié. Metzger et Cleach (2004) estiment ainsi que la pression sociale sur le télétravailleur est grande, que l’empiètement du télétravail représente 10 à 20% de la durée de travail totale et par ailleurs, le travail mobile diminue considérablement les temps morts : temps de transport et d’attentes diverses qui composent la journée de travail (Carré et Craipeau, 1997).

Alors qu’aux États-Unis, plusieurs millions de salariés sont déjà concernés par le télétravail, le télétravail en France ne concerne qu’un peu plus de 7% de la population active salariée contre 13% pour la moyenne européenne et 25% pour les Pays-Bas ou la Suède (rapport de Morel-a-Lhuissier, 2006). En France, le télétravail concerne essentiellement le secteur privé alors que pour le secteur public, d’après une estimation, cela représentait 1% des agents publics au début des années 2000. Un rapport récent (livre blanc sur le télétravail, 2013) indique qu’en réalité 16, 7% de la population active travaillerait plus d’un jour par semaine en dehors du bureau. 66% des télétravailleurs seraient des « télétravailleurs gris », non réglementés.

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Tandis que les salariés connaissent de plus en plus un débordement du travail dans leur vie privée grâce aux multiples fonctionnalités des TIC, « le but du télétravail n’est pas de faire perdre toute notion spatio-temporelle au télétravailleur, mais au contraire de trouver un certain équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle » (Hamad, 2006, p. 9. En effet pour Taskin (2006, p. 12) « l’espace privé constitue assurément un autre espace de re-régulation important lors de l’adoption du télétravail à domicile ». Si a priori les changements sont moins importants pour des travailleurs en télécentre, à notre connaissance aucune étude ne les a abordés et ne s’est intéressée aux bénéfices et risques perçus de cette nouvelle forme d’organisation du travail.

La gestion des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle par les télétravailleurs et les effets du télétravail sur le conflit « travail-hors travail » apparaît donc importante. Cette communication vise à présenter des résultats d’une recherche sur le télétravail, activité professionnelle et la vie de famille, en s’intéressant à l’usage des TIC.

Les objectifs de cette recherche sont triples : (1) Comprendre l’impact des TIC dans la décision de télétravailler et l’usage des TIC par le télétravailleur, au sein d’espaces privés et publics ; (2) Étudier les modes de vie du télétravailleur en interrogeant l’articulation entre les vies professionnelle et familiale et leurs adaptations mutuelles en termes de frontières ; (3) Évaluer les effets du télétravail sur les conditions de travail, les attitudes et les comportements au travail des télétravailleurs, ainsi que la relation managériale

L’analyse est ici limitée à l’étude de la question de la conciliation vie personnelle (relation avec la famille) et vie professionnelle (relations avec les collègues et les managers) avec une focale « paradoxale » : si le télétravail peut réduire un conflit « vie professionnelle / vie familiale » bien qu’augmentant les risques psycho-socio-organisationnels, il peut violer la frontière que le salarié souhaite édifier entre son travail et sa vie hors du milieu ordinaire de travail. Notre intérêt réside ici dans l’étude du temps de travail formel et les résultats qualitatifs issus de deux études de cas approfondis – une administration territoriale et une grande entreprise des télécoms – sont présentés.

La première partie expose la revue de littérature. La méthodologie de recherche fait l’objet de la deuxième partie et ouvre sur les résultats en troisième partie. En conclusion, nous insistons sur l’apport de notre travail, les limites et les perspectives futures de recherche.

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Références

  • Carré, D. et Craipeau, S. (1997), Entre délocalisations et mobilité : analyse des logiques sous-jacentes et des stratégies lors de la mise en œuvre du télétravail par les entreprises », Technologies de l’information et société, vol. 8, n° 4, p. 333-354
  • Craipeau S. (2010), « Télétravail : le travail fluide », Maison des Sciences de L’homme, Quaderni, 71 : 107-120
  • Hamad, J.A., (2013), GRH et télétravail : quel cadre légal ?. Cahiers de Recherche PRISM-Sorbonne, n° 11
  • Metzger, J.-L. et Cléach, O. (2004) Le télétravail des cadres : entre suractivité et apprentissage de nouvelles temporalités, Sociologie du travail, n° 46, p. 433-450
  • Morel-a-Lhuissier, P., (2006), Du télétravail au travail mobile : un enjeu de modernisation de l’économie française, Paris.
  • Taskin, L. (2006) Télétravail : les enjeux de la déspatialisation pour le management humain. Revue Interventions Économiques, Vol. 34, p. 1-16

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Via un article de Marc Dumas, publié le 26 février 2014

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