L’April en campagne - Entretien avec Lionel Allorge et Frédéric Couchet

L’April repart en campagne « afin d’augmenter sa capacité d’action, de donner la priorité au logiciel libre et de contribuer à construire une société plus libre, plus égalitaire et plus fraternelle ».

Nous en avons profité pour faire le point en interrogeant ci-dessous son président, Lionel Allorge, et son délégué général, Frédéric Couchet.

Avec tout notre soutien…

Campagne April

Entretien avec Lionel Allorge et Frédéric Couchet

Bonjour Lionel et Frédéric, une rapide présentation personnelle et de l’April ?

Bonjour, je m’appelle Lionel Allorge et je suis membre de l’association
April depuis 14 ans et président depuis 2 ans. Bonjour, je m’appelle
Frédéric Couchet, l’un des fondateurs de l’April en 1996, et
actuellement son délégué général.

L’April est l’association nationale de promotion et défense du logiciel
libre. Depuis 1996, côté pile nous menons des activités visant à
promouvoir le logiciel libre auprès du grand public, des professionnels,
des associations et des pouvoirs publics. Côté face, nous luttons contre
toute atteinte au logiciel libre et plus globalement aux libertés
fondamentales à l’ère du numérique.

Certains disent que vous êtes un lobby pro-logiciel libre. Vous reconnaissez-vous dans cette qualification ?

Lobby, contre-lobby, on a souvent entendu ces termes. Mais nous rejetons
le terme de lobby. Pour nous un lobby est un organisme qui défend des
intérêts particuliers (entreprises…). Mais au fond, peu importe les
termes, l’important est ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et
comment nous le faisons.

Bien sûr, nous agissons pour diffuser nos idées auprès de tous les
publics, dont notamment les responsables politiques (mais pas
uniquement). Nous défendons une vision particulière de l’intérêt général
et non l’intérêt particulier de quelques-uns. Et nous travaillons dans
la transparence, nos positions sont connues, nos documents publiés. Les
personnes que nous côtoyons savent que nous militons pour nos idées et
que nous ne sommes pas des « professionnels de la profession » comme
disait l’autre, ce qui n’empêche pas que nous travaillons de façon
professionnelle et rigoureuse. Nous essayons de protéger la liberté
informatique de tous les citoyens.

Pour plus d’informations sur nos actions vous pouvez consulter notre rapport d’activités 2013.

Votre dernière grande campagne d’adhésion date de plus de 5 ans, que s’est-il passé depuis pour l’April et pour le logiciel libre : succès, résistances, fronts politiques et juridiques, etc. ?

Le logiciel libre est aujourd’hui très largement utilisé et se répand
partout. Et rappelons que de très nombreux logiciels libres utilisés
aujourd’hui (grands publics ou autre) sont relativement récents (moins
de 10 ans pour certains).

Côté politique publique, on note une inflexion positive en faveur du
logiciel libre. Ainsi en France, en 2012 il y a eu la circulaire Ayrault
sur le bon usage du logiciel libre dans les administrations.

Et, en 2013, le parlement français a adopté pour la première fois une
disposition législative donnant la priorité au logiciel libre.

De son côté, l’Italie vient de mettre en place la priorité pour le logiciel libre dans l’administration.

Bien sûr, des résistances persistent à ce changement et il reste du travail pour faire connaître et protéger le modèle du libre.

Des menaces et des blocages existent toujours : brevets logiciels (notamment en Europe), la vente forcée ordinateurs/logiciels ; les DRM (voir notamment la tentative d’introduire les DRM dans HTML5) ; l’informatique déloyale, les contrats comme l’Openbar Microsoft/Défense

Au niveau international, le scandale Prism, qui a révélé l’ampleur des
écoutes généralisées commises par les USA et de certains de ses alliés
sur les communications de tous les citoyens, a rappelé l’importance de
contrôler son système informatique. Les logiciels libres, parce qu’ils
peuvent être vérifiés et améliorés par tous, sont une brique de base
pour construire une informatique au service des utilisateurs et non pas
un outil pour ceux qui souhaitent les asservir.

Mais il est possible d’agir aussi sur les décideurs politiques par la mobilisation citoyenne, qui donne des résultats, comme par exemple sur ACTA.

Il reste encore beaucoup de travail pour réellement libérer la voie :)

Pourquoi avoir attendu si longtemps et quels sont les objectifs de cette campagne ?

Notre dernière campagne d’adhésion date de 2008, elle nous avait permis
de gagner en crédibilité auprès de nos interlocuteurs et de financer nos
actions (outils de sensibilisation, actions menées par l’équipe de
permanents…).

Malheureusement, phénomène commun à toute structure associative, la base
de nos adhérents s’est érodée au fil du temps. Les cotisations
représentant l’essentiel de nos ressources financières on parlait en
interne depuis longtemps du besoin de relancer une campagne
d’adhésion. Mais pris par les dossiers et les actions on a repoussé,
repoussé :) On a récemment trouvé un peu de temps pour formaliser une
campagne.

Cette campagne a pour objectif notamment d’augmenter nos capacités
d’action, car il y a beaucoup à faire pour donner la priorité au
logiciel libre, et remettre le logiciel libre dans les préoccupations
principales des gens.

Adhérer à une association, ça n’est pas seulement rester passif en ayant la carte. Un certain nombre de projet et d’actions bénévoles ont été mis en place. Pouvez-vous nous en dire plus et êtes vous satisfaits de l’implication des membres ?

De nombreuses personnes adhérent seulement pour nous soutenir et ne
participent pas directement aux actions de l’association. Ces personnes
nous permettent d’être plus représentatif (plus nous sommes nombreux,
plus nous sommes écoutés) et de financer nos actions. De plus ces
personnes sont souvent des militants qui font de la sensibilisation au
logiciel libre dans leur entourage. Pour ceux qui souhaitent participer,
nous leur proposons de rejoindre des listes de discussions et des
groupes de travail qui produisent des documents et des analyses, des
traductions, des transcriptions, tiennent des stands ou donnent des
conférences. Les activités possibles sont nombreuses (pour en savoir
plus voir notre rapport d’activités). Certains bénévoles indiquent le
nombre d’heures qu’ils passent sur leurs actions, pour 2013 cela
représente plus de 4 200 heures mais c’est très loin de refléter la
réalité de la contribution bénévole à l’April.

Que répondez-vous à ceux qui disent que le logiciel libre a déjà gagné et que ça n’est plus la peine de se battre pour lui comme par le passé ?

Je pense au contraire que les développements récents de l’informatique
nomade, tablettes, ordiphones, liseuses, avec leur cortège de pratiques
néfastes : Brevets logiciels, DRM, informatique déloyale et vente forcée
ont fait reculer nettement les logiciels libres. Pouvez-vous me monter
un ordiphone (smartphone) actuel sur lequel je puisse installer une
distribution entièrement libre sans perdre des fonctionnalités
importantes de mon appareil ? Personnellement je n’en connais pas. Il me
semble donc plus que jamais nécessaire de défendre le logiciel libre
contre le penchant naturel de l’industrie et de l’état de souhaiter
contrôler l’informatique des citoyens, alors que pour nombre
d’entre-nous, nous confions à ces machines une part de plus en plus
grande de notre vie !

Il y a 10 ans, le côté obscur de la force était symbolisé par Microsoft. Diriez-vous qu’aujourd’hui c’est « GAFA » (Google-Apple-Amazon-Facebook) qui a pris le relais ?

Microsoft reste toujours une menace, mais n’est effectivement plus la
seule. J’ai vu que la campagne 2013 Framasoft prônait « moins de Google et plus de Libre », d’autres entreprises comme Apple, Amazon ou Facebook,
menacent le logiciel libre. Ces entreprises privent aujourd’hui leurs
utilisateurs de leurs libertés sans qu’ils s’en rendent
pleinement compte, abusent de leur confiance, récupèrent
leurs données privées, accèdent à leur informatique sans les prévenir,

C’est ce genre de menace-là qui nous encourage à aller au contact
des citoyens, non pas seulement pour promouvoir les logiciels libres
mais surtout pour les informer de ce qu’ils subissent et de ce qu’il
existe pour en échapper et donc se libérer.

Les principes de liberté de l’utilisateur et de contrôle de son
informatique sont donc plus pertinents que jamais. Le logiciel libre
n’est certainement pas la solution ultime et unique à ces
problématiques, mais il constitue une brique essentielle et nécessaire
dans le combat pour les libertés.

Et que va-t-il se passer selon vous dans les 5 années à venir pour l’April et le logiciel libre ?

Madame Irma n’est pas encore membre de l’April :) De plus en plus de
personnes, organisations sont convaincues que les modèles basés sur la
coopération, le partage de l’information valent mieux socialement,
politiquement et économiquement que ceux basés sur le contrôle d’usage
et la rente. Il faut continuer à agir pour accélérer ce mouvement et
faire apparaître un monde numérique où il fait bon vivre. Le temps que
cela prendra dépend principalement de notre capacité de mobilisation et
d’action.

Concrètement, on fait comment pour adhérer et/ou vous soutenir ?

Pour adhérer, il suffit de se rendre sur cette page de notre site et de remplir le formulaire en ligne. Pour
le paiement de la cotisation, cela peut se faire en ligne par carte bancaire
ou par virement, ou bien par l’envoi d’un chèque à notre adresse. Il est
également possible de nous payer en espèces lors des principaux
événements du libre où nous tenons un stand comme les JDLL en avril,
Solutions Libres en mai, ou RMLL en juillet etc.

Il est possible également de relayer notre campagne d’adhésion auprès de ses amis, collègues… Faire
connaître le logiciel libre est une autre façon de nous aider, sur le site EnVenteLibre certains de nos outils de sensibilisation sont disponibles.

Pour les personnes qui souhaiteraient être active la plupart de nos
groupes de travail sont ouverts, il suffit de s’inscrire sur les listes
de discussion de groupe.

Enfin, dans les semaines qui viennent il y a nos campagnes Candidats.fr pour les élections municipales de mars en France et du FreeSoftwarePact.eu pour les élections européennes de mai.

Framablog

blog du réseau de sites et de
projets Framasoft dont le dénominateur commun est le logiciel libre,
sa culture et son état d’esprit.


URL: http://www.framablog.org/
Via un article de aKa, publié le 13 février 2014

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