Temps fort B-ware : santé et données

La semaine B-ware a été conçue dès le départ pour offrir un temps d’échanges entre professionnels et grand public. Cela prend notamment la forme d’une conférence-débat qui a lieu le lundi en fin d’après-midi. En 2011 le sujet portait sur l’Internet des objets, en 2012 sur les données ouvertes (open data).

L’événement que nous préparons pour le lundi 16 décembre sera consacré à l’impact de l’ouverture des données dans le domaine de la santé.

La maîtrise et l’ouverture des données sont un enjeu essentiel aujourd’hui dans le monde de la santé, et nous allons voir pourquoi.

Nota : cet article est amené à évoluer dans les jours prochains compte-tenu de l’actualité…

Peut-on prédire via Internet des épidémies de grippe ?

Ce qui suit est extrait/adapté du cahier de veille « Maîtriser ses données dans un monde hyperconnecté » de la Fondation Télécom (cf. signature de l’article pour explications et liens ; le cahier est une des références majeures utilisées pour préparer B-ware 2013).

Une des premières prises de conscience par le grand public des possibilités offertes par le big data a été le lancement de Google flu trend, en 2008. Les équipes de Google s’étaient rendu compte que certaines requêtes dans leur moteur de recherche, parmi les millions de requêtes dans le monde portant sur la santé, étaient de bons indicateurs des épidémies de grippe pendant la saison de la grippe. Ces résultats ont du reste été publiés dans la prestigieuse revue Nature.

Comparaison entre les prédictions (en bleu) provenant de Google flu trends, et les observations (en orange) du Réseau français Sentinelles.

Comparaison entre les prédictions (en bleu) provenant de Google flu trends, et les observations (en orange) du Réseau français Sentinelles.

Google comparaissait les requêtes relatives à la grippe avec les données issues des réseaux de surveillance dans les différents pays, et a trouvé certaines corrélations entre le nombre de telles requêtes et les résultats publiés quelques jours plus tard par les réseaux de santé. L’avantage était donc que l’analyse des données massives issues des requêtes des internautes dans le monde entier était aussi pertinente que les observations remontées par les médecins aux réseaux de surveillance, mais était plus rapide à produire (heures par heures) et moins coûteux à collecter.

Il y a bien sûr des biais à une telle méthode de collecte de données (discutés les années suivantes par Google) et les différentes méthodes d’observation doivent continuer à exister, mais Google venait d’ouvrir une perspective intéressante : chacun d’entre nous, par son comportement observé dans le monde numérique, pouvait devenir à terme acteur des politiques de santé.

Les États-Unis en pointe

Le secteur de la santé est aux États-Unis le moteur de l’économie de la donnée, à tel point que les acteurs de la Santé 2.0 organisent aujourd’hui régulièrement des hackatons, week-end de programmation pour les plus geeks et les plus smarts, comme on dit, qui vont imaginer les services de santé en ligne de demain. C’est ainsi que naissent des entreprises qui connectent vêtements intelligents et médecins, pour permettre à votre médecin de suivre votre activité physique et vous aider à conserver la forme.

Le secteur de la santé est en effet sujet à un déluge de big data. On connaît bien les problématiques de transfert des images médicales, mais il faut prendre également conscience des multiples sources de données : laboratoires, biométrie, données en provenance des médecins, des pharmaciens, et plus récemment comportements des patients sur Internet. Benoit Thieulin, président du Conseil National du Numérique, affirme ainsi que le Big Data est source d’un nouveau cycle d’innovation pour l’industrie pharmaceutique notamment [vidéo, 2’25].

Le quantified-self, mesurer (et pourquoi pas partager) ses données personnelles

Gérer sa santé, c’est également gérer sa forme, faire du sport, lutter contre la sédentarité, mieux manger, et tout ceci peut être facilité par des centaines d’applications mobiles, qui mesurent votre activité quotidienne, dialoguent avec votre balance (le français Withing est en pointe sur ces sujets), ou avec des capteurs qui seront demain dans votre montre, sur votre corps, et mesureront votre pression sanguine, vos ondes cérébrales etc.

C’est dans ce contexte que se sont développés depuis quelques années les phénomènes de « quantified self », c’est-à-dire la volonté délibérée des personnes de mesurer tous les aspects de leur vie, à la fois les informations relevant de leur santé et leur forme, mais également leur géolocalisation, leur environnement immédiat sous forme d’images et de vidéo. Ce phénomène est devenu « une tendance de fond amenée demain à modifier les formes du suivi médical » [cf. recommandations CNIL].

Une étude se déroule du 1er juin au 30 novembre 2013 en France auprès de 1000 volontaires sélectionnés dans 4 villes (Bordeaux, Lille, Lyon et Montpellier) qui ont porté durant 6 mois un coach électronique connecté (Fitbit Zip) qui mesurait quotidiennement leur activité physique (nombre de pas, distance parcourue et calories brûlées) : mysantemobile.fr

Mesurer et partager de telles données pourrait apporter des enseignements majeurs et influer positivement les politiques de santé, pour le plus grand bien(-être) de tous, et celui des comptes publics…

Demain, tous capteurs ? sera ainsi un des thèmes de notre débat du 16 décembre

Pour en savoir plus sur le Quantified Self, suivre Emmanuel Gadenne (@egadenne), pionnier du sujet en France.

Aller plus loin et ouvrir les données de santé publique détenues par l’Assurance maladie

C’est l’objectif poursuivi par le collectif OpenDataSanté dont nous reproduisons ci-dessous une partie du discours :

Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur l’intérêt que présentent ces données, celles notamment collectées par la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAMTS) lors de la télétransmission des feuilles de soins électroniques. Utilisées à bon escient, elles permettraient de considérablement améliorer le pilotage de notre système de santé.

Sauf que l’accès à ces données reste pour le moment réservé à l’administration qui n’en fait rien ou pas grand chose et laisse ainsi perdurer des dysfonctionnements majeurs.

Exemple parmi d’autres, la surconsommation de médicaments, dont l’impact financier se chiffre chaque année en milliards d’euros. Le coût est humain également. On estime à environ 6000 par an, le nombre de décès attribuables à des prescriptions injustifiées.

Par ailleurs, comme le souligne Norbert Paquel, consultant, et spécialiste de l’économie du secteur sanitaire et social, le rôle des lanceurs d’alertes pourrait être grandement facilité par l’accès à de tels corpus de données.

La rencontre entre les affaires du Mediator et des pilules de 3e génération Diane 35 d’une part et le mouvement d’ouverture des données publiques d’autre part a produit un débat aussi étrange qu’opportun. Il a mis au premier plan un domaine essentiel pour la société mais encore souvent opaque aux citoyens, celui de l’information produite par le système de santé et de protection sociale, de sa qualité, de sa gestion et de son utilisation. (lire la suite sur ce très documenté article de la Gazette des communes).

À l’heure où le rapport « Vers un accès ouvert et sécurisé aux données de santé » remis à la ministre Marisol Touraine début octobre rend le débat public (installation ce jeudi 21 novembre de la commission « open-data » au Ministère des Affaires sociales et de la Santé), notre conférence-débat du 16 décembre tombe à point pour comprendre et discuter l’ensemble des enjeux liés à l’ouverture des données de santé, et imaginer de nouveaux services reposant sur cette avancée.

Aymeric Poulain Maubant est le coordinateur/corédacteur du cahier de veille de la Fondation Télécom "Maîtriser ses données dans un monde hyperconnecté" paru en octobre 2013. Il est président de la Cantine numérique brestoise, et coordonne la semaine B-ware consacrée à la donnée en 2013.
Via un article de aymeric, publié le 21 novembre 2013

©© a-brest, article sous licence creative common info