Retour sur le séminaire "Les Communs à la rencontre du politique : conflits et alliances."

Profitant de Ville en Biens communs, l’association VECAM a organisé un séminaire sur la mise en perspective politique des biens communs, autour des lignes de tension et d’alliance entre les Communs, le marché et l’Etat. Cette démarche, complémentaire au travail de dissémination des Communs, invitait à cartographier les zones d’affrontements comme les zones d’alliance actuelles ou à venir en montrant les zones de convergence entre des thématiques disjointes, dresser les conditions auxquelles des alliances avec les acteurs publics sont souhaitables, possibles et à outiller les acteurs des Communs pour leurs relations à venir avec la puissance publique comme avec le secteur privé.

Le premier groupe a inventorié les enjeux ou les problèmes rencontrés à partir des types ressources.

Ressources éducatives libres
• quelles interactions avec l’enseignement académique à l’heure des MOOC
• quelle articulation avec les éditeurs ?
• On note l’absence de la majorité des acteurs de l’enseignement et des élèves autour de cette question

Ressources culturelles
• la reconnaissance de la valeur des échanges non marchands progresse. comment s’ancrer dans l’économie et bénéficier du soutiens des outils de la politique économie (crédit d’impôt par exemple) ?
• comment articuler les communs avec les biens publics sociaux et les services publics ?

Ressources naturelles : s’appuyant sur les travaux de la rencontre de Guérandes, on note l’importance :
• du rapport au territoire qui est en soi un commun et un lien identitaire.
• de la documentation des modes de gestion et de gouvernance en communs pour (re)trouver les moyens d’agir
• de la production par la communauté de cadres de défense normatif tels que la charte, pour la protection et la reconnaissance des communs vis à vis de l’extérieur.

Ressources numériques
• les données sont considérées comme la marchandise et carburant majeur de l’économie à venir. Comment la protéger comme un commun ?
• comment protège-t-on le partage non-marchand dans le cas du numérique ?
• Le modèle des smart-cities donne de la ville une conception hiérarchique descendante, comment la repenser dans la perspective des communs ?

Mise en réseau et outillage des communs :
La FPH intervient en mettant en réseau les acteurs des communs, à travers des rencontres, (ICC et ECC à Berlin avec le CSG, la rencontre de Guérandes avec l’APMM et l’UIT, ESS/décroissance,..) en soutenant des projets qui peuvent être des briques pour le mouvement des communs (glossaire, carto des acteurs, manuel du commoning, ...) et en contribuant à l’émergence de l’Alliance des fondations pour soutenir les communs de manière coordonnée.

Le deuxième groupe s’est retrouvé autour d’expériences liées aux Communs orientés vers la connaissance : recherche et brevet, data, connaissance, et monnaies locales et citoyennes.

Il a mis en exergue des valeurs partagées (communes) telles que : force de vie, richesse, développement durable / menace et protection de l’environnement et éducation populaire ; et discuté des conditions favorables à la production des communs et pour qu’il y ait de l’en-commun :
• créer de la communauté comme gouvernance et mode de gestion
• l’empowerment / l’éducation populaire, le bénévolat, la construction des désaccords, l’horizontalité du pouvoir, l’exercice de la citoyenneté
• dans les territoires : passer du local au global, les collectivités locales comme acteurs du développement du commun
• des outils : le réseautage, la relation aux médias (lobbying), l’animation tournante, juridiques : charte et notion de coopérative, pacte social

Enfin ce groupe s’est interrogé sur la nature des groupes humains dont l’objectif est de créer du lien social, leur caractère de commun.

Le troisième groupe a organisé sa réflexion autour de la relation entre les communs et la satisfaction des besoins essentiels.

Les communs qui correspondent aux besoins essentiels souffrent. Notamment ceux qui permettent de créer des liens sociaux, les semences, l’alimentation, les déchets alimentaires, ... . Aussi faudrait-il faire valoir la participation à la gestion sous forme commun comme un droit et considérer le commun comme partie d’un geste politique (glanage, incroyables comestibles).

Les communs sont aussi ce qui crée du capital social. Les espaces, la rue piétonne et partagée, les places publiques en générales. Les communs de villages ou de quartier avec le four, l’auto-stop. Les communs dans la culture (catacombes : quel statut juridiques ?

Le groupe distingue les communs comme ressources et les communs comme processus collectif, entre gestion de la ressource et la communauté pour souligner que le commun intègre une dimension spirituelle qui ne sépare matériel et immatériel. Travailler sur les processus amène à interroger la nature du collectif. Le lien social et le capital social peut-il être considéré comme une ressource du commun ? Il propose aussi d’interroger la rigidité de la définition des collectifs.

Commentaires :
Pour les ressources naturelles, donner ou réclamer le droit d’accès nécessite de penser aussi la responsabilité d’assurer l’existence des ressources.
Si dans le cas des communs numériques, on s’adresse à une communauté universelle, lorsque les ressources sont fragiles, la définition d’une communauté se fait par l’exclusion.
(P. Aigrain)

Le quatrième groupe à croisé les expériences de manière plus débridée : celles des petits débrouillards, l’envie de faire de la politique un commun et de l’appropriation du commun un levier de changement, l’expérience de l’espace mis en commun ou bien hybride et partagé, de la transformation de la ville par les communs (et sans nécessairement utiliser le terme "communs" et celle de l’engagement du mouvement des logiciels libres contre les brevets.

Quelques réflexions du groupe :

  • L’intervention des petits débrouillards tente de relier des univers éloignés les uns des autres : de l’environnement aux TIC, de la défense de l’eau comme bien commun à Marseille (FAME) au hackerspace au FSM de Tunis. Elle est en quête de clefs pour mieux s’y retrouver et articuler les communs et l’approche de l’éducation populaire.
  • Avec le logiciel libre, les frontières du territoire des communs semblent clarifiées. Les enjeux de reconnaissance des logiciels libres donnent lieu à des stratégies de conquête dans la sphère de l’État qui se mesurent dans l’évolution des réglementations et des législations.
  • Avec les communs dans la ville, se traite un éventail de questions qui vont du développement de l’usage des communs
    à l’émergence du politique. Ainsi l’idée et l’envie d’espaces en communs renvoie-t-elle à la fois la recherche de modèles économiques et à celle de l’identité d’un lieu hybride et partagé.

Au-delà de ces expériences, les communs apparaissent parfois comme la matière noire qu’il faut explorer entre le marchand et le public, et les structures qui devraient en être garantes, ESS, services publics, institutions sociales, Etat. , sont fatiguées. Finalement, est-ce que les communs ne pourraient pas se comprendre dans un rapport entre stocks (ressources) et flux (partages) ?

Le cinquième groupe a aussi partagé des expériences.

La Fonda orchestre le partage des connaissances et ressources utiles à ses membres et développe l’usage des licences libres. Le projet Broca, de numérisation des objets dans la ville vise à permettre leur partage et déployer des communs. Il sera reproduit à Gérardmer, et publié sous forme de recette libre sur wikibrest. La stratégie de ce projet consiste à concentrer les efforts pour aider une collectivité à faire décoller ses pratiques des biens communs. Framasoft, pour sa part, développe des outils pour permettre la diffusion de biens communs / objet numérique sous licence libre. Une initiative de société alternative de gestion des droits fondée sur les dons aux artistes ;

Le groupe se retrouve autour des principes suivants :
• Le droit est là pour organiser le contrat social
• Le communs n’est pas la loi, mais le contrat et les règles qui permettent de gérer en biens communs.

L’adresse originale de cet article est http://www.vecam.org/article1273.html

Via un article de Frédéric Sultan, publié le 5 novembre 2013

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