Brest en Biens Communs 2013 - Retour sur l’atelier du 16 octobre 2013

Economie collaborative et biens communs : de quoi parlons nous ?

Pour construire cet atelier, nous sommes partis d’un constat : les pratiques collaboratives issues des logiciels libres se diffusent aujourd’hui dans la société et offrent de nouvelles façons de consommer, de travailler et plus largement de vivre sur les territoires.

Investis au sein de notre association Collporterre sur ces sujets, nous y voyons des leviers pour repenser le vivre ensemble sur les territoires. Mais ces termes qui sont aujourd’hui sur toutes les lèvres ne vont pas de soi : que met-on derrière ces deux expressions – « économie collaborative » et « bien commun » ? Sont-elles compatibles ? Au final, ces formes de partage et d’échanges basées sur le pair à pair sont-elles une simple évolution à la marge ou peuvent-elles être créatrices de biens communs et utiles à tous ?

Dans le cadre d’un temps d’échange convivial qui a regroupé le 16 octobre dernier une douzaine de personnes à la Cantine numérique de Brest, nous avons exploré collectivement les notions d’"économie collaborative" et d’"économie des biens communs" ainsi que leurs possibles interactions.

L’atelier a débuté par un tour de parole dédié aux présentations et intérêt de chacun pour ce sujet. Le souhait d’axer nos échanges sur un travail de définition a été immédiatement formulé, car les expressions pour qualifier notre rapport à l’économie se multiplient sans pour autant que l’on en connaisse précisément les distinctions : économie collaborative, économie de la fonctionnalité, économie positive, économie contributive, économie circulaire, sans oublier... les biens communs !

Anne-Sophie Novel, Docteur en économie et journaliste blogueuse, revient justement dans un article sur ces « modèles économiques émergents et à venir qui cherchent à fournir des réponses aux enjeux du siècle ».

  • L’économie positive : par opposition à l’économie négative et l’économie neutre, elle « se veut réparatrice de l’environnement tout en générant des profits ».
  • L’économie contributive : défendu par Bernard Stiegler, ce nouveau modèle économique "sera ancré sur le savoir et non plus sur le modèle consumériste" et dans lequel "le contributeur n’est ni simplement un producteur, ni simplement un consommateur".
  • L’économie circulaire, qui selon l’Institut éponyme, « propose [...] de transformer les déchets en matière première réutilisée pour la conception des produits ou pour d’autres utilisations ».
  • L’économie de la fonctionnalité, qui « repose sur la vente de l’usage d’un produit et des services associés plutôt que sur la vente du produit lui même ».
  • L’économie collaborative, qui « valorise l’accès sur la propriété et favorise les échanges pair-à-pair ». Basée sur des communautés de personnes qui partagent, échangent, elle se décline aussi bien dans la production (fablabs, wikispeed, wikihouse, etc.), la connaissance (MOOC, Sésamath, Wikipedia), le financement (crowdfunding ou financement par la foule : Ulule, Goteo, etc.), que la consommation (covoiturage, couchsurfing, AMAP, Airbnb, etc.).
  • L’économie des biens communs : d’après la définition de Wikipédia, “les biens communs correspondent à l’ensemble des ressources, matérielles ou non, relevant d’une appropriation, d’un usage et d’une exploitation collectifs. Renvoyant à une gouvernance communautaire, ils correspondent à des objets aussi divers que les rivières, le savoir ou le logiciel libre. Ils supposent ainsi qu’un ensemble d’acteurs s’accorde sur les conditions d’accès à la ressource, en organise la maintenance et la préserve.”

Partant de ces définitions, les discussions se sont ensuite concentrées sur les points communs et les points de tensions entre économie collaborative et bien commun.

D’un côté, on observe que l’économie collaborative peut générer du bien commun :
des exemples tels que Wikipedia, Sesamath, wikispeed, wikihouse, les Fablab, les MOOC, les Incroyables comestibles, Jardins partagés, etc.

Mais si les réseaux sociaux et les plateformes numériques associées permettent aujourd’hui de partager facilement des biens, services et connaissances, toutes les initiatives qui s’inscrivent dans cette économie collaborative ne sont pas pour autant créatrices de biens communs. Lorsque vous mettez à disposition votre logement, votre voiture ou vos compétences, vous ne contribuez pas financièrement à la communauté mais à vous même ainsi qu’à la plate-forme utilisée. De même, les données collectées auprès de la communauté et qui fondent la grande partie de la valeur du service, reste encore souvent la propriété de la plate-forme.

Est-ce utile à tous ? Qui gère et possède les données, les ressources ? Quelle est la gouvernance du projet ? Les réponses à ces question peuvent nous aider à différencier les initiatives d’économie collaborative qui relèvent ou non du bien commun.

Comme l’explique Michel Bauwens, nous sommes à un moment crucial où l’économie des biens communs et l’économie capitaliste cohabitent, les deux étant interdépendantes. Partant de ce principe, il décrit plusieurs scénarios d’évolution possibles de sociétés, plus ou moins centralisées et centrées sur le profit. Il envisage ainsi un modèle de société permettant de développer et de structurer ces biens communs.

Au final, les discussions nous ont permis de bien comprendre que tous ces termes révèlent les bouleversements d’une société qui se cherche. Au-delà de l’effet de mode et de marketing surfant sur la vague du "co", le numérique et les pratiques collaboratives issues du logiciel libre permettent d’envisager une société où l’agir dépasse l’avoir, où l’accomplissement individuel contribue à l’enrichissement collectif. Reste à agir dans ce sens à tous les niveaux : individuels et collectifs !

Pour aller plus loin sur les biens communs : http://www.bpi.fr/fr/les_dossiers/droit_economie2/les_biens_communs.html

Posté le 27 octobre 2013 par collporterre

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