après les rencontres Moustic, les recettes libres, un nouvel outil mis en partage

Bibliothèque libre de patterns d’évenements co-créatifs

Internet et les nouvelles technologies permettent à des individus connectés de se regrouper pour travailler ensemble ponctuellement autour de projets communs.

Dans ce contexte, une bibliothèque de formats d’évènements co-créatifs librement réutilisables pourrait être un outil qui aide des individus connectés à partager une vision et une intention commune favorisant ainsi l’auto-organisation facile et rapide de réseaux coopératifs ouverts dans des buts variés (partage, réflexion, création, production, action ou expression artistique collective).

Par exemple un réseau d’individus qui souhaiterait s’unir et travailler autour d’un objectif commun sans forcément très bien se connaitre pourrait s’entendre pour organiser un évenement commençant par un « brise-glace » pour que les participants apprennent à se connaitre et créer de la convivialité, suivi d’un « Café-Projets » pour une réflexion collective, puis finir avec un « Hackathon » ou une « Coding-party » (pour produire un logiciel) ou encore une « Flash-mob » (pour un but artistique), un « Perma-blitz » (pour planter un jardin-forêt), le repas étant préparé par un « Disco-soupe » (un repas collaboratif préparé en musique à partir de nourriture mise au rebut)…

J’étudie depuis quelques temps ces nouveaux formats et je travaille depuis peu sur un projet visant à lister et documenter ces formats pour créer une ressource libre réutilisable par tous. Voici une description sur le contexte de ce projet et l’importance des évenement co-créatifs comme outil pour faciliter l’auto-organisation des groupes et de nouveaux modes de collaboration.

Un article repris du site de Lilan Ricaud, un site sous licence CC by sa.

Le format d’une rencontre influence les interactions sociales

Quand nous allons en boite de nuit ou au bureau, nous n’avons pas du tout les mêmes interactions sociales.

Une boite de nuit aura un format qui favorise un certain type d’interaction (obscurité, musique forte, alcool, …) Une réunion de bureau aura une format différent (tableau blanc, une table, des chaises, …).

De plus, au dela des différences d’architecture visible, ces formats génèrent des attentes et des préparations différentes (on ne s’habille pas de la même façon pour aller à lune ou l’autre et on ne se comporte pas pareil une fois sur place).

En boite de nuit, nous nous attendons à rencontrer des nouvelles personnes, nous amuser, flirter, mais s’il est possible de faire un brainstorm ou un travail sérieux, ce n’est probablement pas le meilleur endroit pour cela.

De même en réunion au bureau, on peut s’attendre à faire un travail sérieux, un brainstorm, prendre des décisions, mais bien qu’il soit aussi possible de s’amuser ou de flirter, ce n’est probablement pas le meilleur endroit.

L’influence des architectures sur les rapports humains

Jean-François Noubel a écrit un article remarquable sur l’importance des architectures sur les rapports humains. Les architectures, au sens large, désignent les espaces structurés dans lesquels nous évoluons individuellement et collectivement.

Ces espaces peuvent être facilement accessibles par nos sens (architecture des batiments, occupation de l’espace) ou perçues partiellement (langage, argent, convention sociales,…).

Dans le premier cas on parle d’architectures visibles, dans le second cas d’architectures invisibles. Un même groupe se comportera différemment selon l’architecture dans lequel il évolue.

Par exemple l’interaction au sein d’un groupe sera différente si tout le monde est assis en cercle ou bien si un audience est assise face à un speaker sur scène.

Dans la configuration speaker-audience, le speaker (souvent sur scène, parfois avec micro) monopolise la parole, et même si le public peut participer, cette participation est très limitée, tandis que dans une table ronde l’interaction peut être beaucoup plus interactive.

Concevoir des architectures pour favoriser la coopération

Dans le monde professionnel, les formats de rencontres et de réunions sont assez similaires (généralement une heure ou plus…, prise de notes, informations, parfois prise de décision, … ).

Généralement très formels et peu dynamiques ces formats sont peu propices à la créativité ou à la coopération.

Or, de la même façon que nous concevons des architecture différentes pour des besoins différents (amphithéatre ou restaurant), il est possible de concevoir l’architecture d’un évènement pour favoriser des interactions et des dynamiques différentes dans un groupe.

Probablement pour répondre à ce manque, de nouveaux formats d’évènements et de rencontres plus participatifs et créatifs ont émergés un peu partout dans le monde ces dernières années.

Les évènements co-créatifs de nouveaux outils pour penser, agir et créer ensemble

World Café, Barcamp, Coding party, Hackathon, … la liste est longue et les formats très divers.

Inventés par diverses communautés pour répondre à un besoin de faire les choses différement ensemble, ces nouveaux formats ont plusieurs points communs :

  • ils sont plus participatifs et dynamiques que les rencontres professionnelles traditionnelles
  • ils sont basés sur des valeurs d’ouverture et de partage
  • ils ne sont pas dans le « organisés pour » mais plutôt dans le « co-organisés » avec
  • ils sont basés sur la volontariat, l’intérêt, la passion individuelle
  • ils n’essayent pas de gommer les différences entre individus et se nourrissent de la créativité individuelle
  • ils sont peu formels et le « fun » (l’amusement, le jeu) fait partie intégrante de l’évènement

Certains de ces formats ont répondus à un tel besoin qu’ils ont rapidement été copiés et mis en oeuvre par différents groupes dans le monde.

On observe aussi souvent l’apparition de variantes développées pour répondre à des besoins particuliers.

L’intentcasting : un moyen d’aligner les intentions individuelles

Si l’intéret regroupe les gens, c’est l’intention qui amène des équipes à faire des choses ensemble.

Pour travailler en collaboration, l’intérêt ne suffit pas et il est important de partager une vision et une intention commune.

Proposé par Sebastien Paquet, le concept d’Intentcasting (« projeter/diffuser l’intention ») est à la fois simple et complexe. Il consiste à rendre visible une intention pour que d’autres individus puisse s’aggréger autour et qu’elle puisse prendre vie.

Cependant pour qu’une intention puisse attirer des participations, elle doit répondre à quelques conditions :

  • elle doit décrire une promesse, un futur qui peut arriver, décrit d’une façon compréhensible par les gens
  • elle doit être ouverte à la participation d’une façon plus ou moins définie
  • elle doit être exprimée d’une façon qui peut voyager et se répandre par tout les moyens de communication
    -* Il faut qu’il y ait d’autres gens ou un groupe qui puisse être enthousiasmé et entrer en résonance avec cette intention.

La possibilité d’avoir des recettes standards aiderait des individus qui partagent déja une vision commune d’aligner plus facilement leurs intentions en choisissant une façon de travailler ensemble.

Une bibliothèque des évènements co-créatifs

Je souhaite recenser des formats d’évènements co-créatifs et produire pour chaque format une « recette » standard (penser code source d’un logiciel libre) afin qu’un groupe puisse choisir parmi plusieurs formats, ceux qui sont les plus adaptés à un travail commun (s’informer, partager, réfléchir, agir, produire ensemble).

L’objectif de ce projet est de créer bibliothèque sous format libre pour permettre à n’importe qui de pouvoir réutiliser ou améliorer son contenu.

Mieux, la ressource devrait être construite de façon modulaire afin que les individus ou les groupes puissent facilement les architectures les plus adaptés à leur besoin mais surtout »hacker » (copier, modifier, mixer, combiner) ces formats d’évènements .

Par exemple des individus qui souhaiteraient s’unir et travailler autour d’un objectif commun sans forcément très bien se connaitrent auraient la possibilité de commencer par un « brise-glace » pour créer de la convivialité et que tous apprennent à connaitre les autres, poursuivre avec un « Café-Projets » pour une réflexion collective, puis finir avec un « Hackathon » ou une « Coding-party » (pour produire un logiciel), une « Flash-mob » (pour un but artistique), un « Perma-blitz » (pour planter un jardin-forêt) ou une “Disco-Soupe” pour un repas…

Un même groupe d’individus pourraient se diviser en sous groupes utilisant ces différents formats en parallèle tout en étant inter-reliés.

Cartographier les patterns d’évènements

Les patterns (que l’on peut traduire en français par « patron » ou « modèle ») sont des solutions génériques à des problèmes fréquemment rencontrés.

Cette notion a été popularisée par l’architecte américain Christopher Alexander qui a ainsi recensé et décrit les meilleures pratiques architecturales qu’il a pu observer dans différents endroits du monde pour en déduire des solutions « universelles ».

Cette notion a depuis été reprise dans d’autres domaines comme l’informatique.

En informatique et en architecture, un design pattern (« modèle de conception ») est une façon formelle de documenter une solution à un problème de conception dans un domaine d’expertise particulier.

En cartographiant les modèles d’évènement créatifs, il est possible d’identifier les meilleurs formats pour atteindre un objectif particulier.

L’identification et la formalisation de patterns pour les évènements co-créatifs pourrait devenir un outil puissant pour aider des individus qui partagent déja un intéret commun à partager aussi une intention commune et faciliter l’auto-organisation ponctuelle de groupes co-créatifs collaborant autour d’objectifs communs.

Vision du projet

Voici un résumé de mon intention (*intentcasting*) :

organiser un travail de recherche en réseau ouvert dans le but de créer une ressource libre où des animateurs ou des groupes peuvent venir piocher un modèle d’évenement/rencontre pour s’auto-organiser autour d’un but commun (résoudre un probleme collectivement, apprendre, produire quelque chose, …)


Idées sur la mise en oeuvre :

  • collecter collectivement des formats de rencontres qui peuvent être utilisés pour créer diverses interactions et coopérations dans un tableur Google ouvert.
  • Annoter chaque format avec description, procédure, bénéfice attendu pour produire une recette/code source pour chaque type de format et afin que n’importe qui puisse réutiliser ou remixer ces formats
  • Identifier et regrouper les patterns communs pour en tirer des familles
  • Quand le projet est plus avancé, déplacer le contenu dans un wiki.
    Produire une ressource anglophone et francophone
  • Mettre à disposition le travail sous licence creative commons CC-BY-SA ou Peer licence pour permettre sa réutilisation

La projet a déja commencé et un tableur contenant beaucoup d’évènements la plupart en anglais mais aussi quelques uns en français a été mis en place :

Toujours dans l’idée de recherche et de collaboration ouverte, j’organiserai des “Mingas” (un travail collectif pour créer du bien commun) pour faire avancer le projet.

D’après Wikipédia :

Une minga également appelée minka (en langue quechua) ou minca ou encore mingaco, est une tradition sud-américaine de travail collectif à des fins sociales. D’origine précolombienne, cette tradition met le travail commun au service d’une communauté, d’un village ou d’une famille, à des moments déterminés où un effort important est nécessaire : récoltes agricoles, constructions de bâtiments publics, déménagements…

Il s’agit donc d’un chantier collectif visant à produire du bien commun. La première Minga sur la construction d’une ressource libre sur les évènements co-créatifs aura lieu lors des rencontres MousTIC à Montpellier, mais il est possible pour ceux qui le souhaite de nous rejoindre à distance.
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Références

Posté le 9 juin 2013 par Michel Briand

©© a-brest, article sous licence creative commons cc by-sa