Goteo, le crowdfunding au service des biens communs

Goteo est un réseau social de financement collectif (apports monétaires) et de collaboration distribuée (services, infrastructures, et micro-tâches et ressources) pour soutenir des projets à caractère social, culturel, scientifique, éducatif, technologique ou écologique, qui permettent de développer des activités améliorant la société et enrichissant les biens communs.

Concrètement il s’agit de s’appuyer sur le web et la force des communautés d’internautes pour permettre le financement d’un projet « par la foule » (chacun donne un peu… et les petits ruisseaux font des plus ou moins grandes rivières) d’où le terme de crowdfunding qu’on traduit parfois par « financement par la foule ». Dans wikipédia on trouve aussi les expressions « production communautaire » ou « financement participatif ». Goteo est un projet récent (début en 2009) et vous trouverez une majorité de projet proposés en espagnol. Pour autant le site propose de nombreux passages traduits en français et ne se limite pas à une seule langue.

Un exemple de projet aidé par cette plateforme ?

Fixedmedia :

Synopsis du projet : Réaliser une plateforme d’annotation, de modification, de vérification de nouvelles permettant à un journaliste d’améliorer et vérifier le contenu et l’exactitude de ces informations tout en permettant aux citoyens, internautes de contribuer.

Autre projet assez original qui a retenu mon attention et qui est décrit ici  : le projet Infinit Loop.

Il s’agit de paquets cadeaux recyclables en tissu et utilisant des QRcodes. Ce code permet de faire le suivi du paquet cadeaux qui circule de main en main en le géolocalisant sur le web. Ce projet a obtenu le financement minimum nécessaire, ainsi que l’aide de plusieurs utilisateurs qui ont bien voulu se porter volontaires pour être des bêta-testeurs de la plate-forme web. Des développeurs ont également prêté mains-fortes pour le développement d’applications pour smart-phones. Infinit Loop a également obtenu des offres de partenariat pour produire et distribuer leurs produits sous une licence de design ouvert.

Le financement par la foule, c’est à la mode, il existe de plus en plus de sites de ce type à tel point qu’il y a un enjeu de visibilité très fort pour les plateformes qui se lancent. Contrairement à beaucoup d’autres, Goteo à l’intelligence d’indiquer très clairement aux porteurs de projet que c’est à eux de faire un gros travail de promotion pour que leur appel ait une chance de rencontrer l’intérêt de communautés d’internautes. Sur cette page en français, ils détaillent très clairement les étapes.

La plupart du temps pour les contributeurs, le mode unique et exclusif de participation sur les sites de crowdfunding, c’est donner de l’argent sans possibilité de diversifier les modes d’implication de ceux qui souscrivent. Il en résulte un risque réel de manipulation : si les internautes ne sont que des portes-monnaies, voire des garanties pour des investisseurs (cas d’un site comme My MajorCompagny) et qu’en plus les ressources informationnelles qui sont issues des projets ne peuvent pas être remixées et ré-appropiées par d’autres internautes il y a bien captation d’une forme de valeur non monétaire. En clair ce qui est issu du pot commun subit une enclosure juridique qui empêche la circultation des contenus et bloque la naissance de projets dérivés. Des solutions juridiques existent pourtant, c’est toute la vertu des closes de « partage à l’identique » proposées en particulier dans une licence creative commons comme celle-ci qui impose de « remettre dans le pot commun » ce à partir de quoi on a créée quelque chose. Il nous semble essentiel que ce qui est produit par des communautés reste ouvert à des communautés, c’est un aspect fondamental des biens communs. Précisons également que les licences libres ne sont pas incompatibles avec la recherche de débouchés économiques pour les projets soutenus. Si vous êtes dubitatifs et que vous aimez les zombies (si, si !) découvrez donc en lisant le billet de Lionel Maurel comment l’absence fortuite d’enclosure juridique de Night of the living Dead « ne l’empêcha pas de rencontrer un beau succès en salle, au point d’être considéré comme le film d’horreur le plus profitable de tous les temps. »

Goteo a donc mis au coeur de sa démarche la notion de biens communs que nous défendons dans ce collectif. Ce qu’il s’agit de co-construire ici, ce sont des projets ouverts :

Les projets ouverts doivent permettre, par l’usage de licences libres ou ouvertes, la copie, la diffusion, la distribution, la modification et/ou l’utilisation d’une partie ou de la totalité de chaque création. Au-delà de cet aspect juridique, un projet ouvert est un projet agissant pour les biens communs, le logiciel libre et les libres savoirs, en mettant l’accent sur les missions de service public, la culture libre et le développement social. Ainsi, pour Goteo il est essentiel de se concentrer surtout sur des projets adhérant à la philosophie du libre : action sociale, logiciel et matériel libres, économie alternative, design ouvert, architecture, gastronomie, recherche, permaculture, formation…

Le site permet certes des contributions monétaires, à laquelle il est légitime de pouvoir se cantonner (tout le monde ne peut pas s’impliquer dans tout !) mais il insiste, et c’est plus rare, sur les modes de contribution non monétaires :

Les sources ouvertes d’un projet ne reposent pas uniquement sur les licences libres* avec lesquelles il peut être diffusé, reproduit, étudié, mais aussi sur la façon de proposer un processus d’animation participatif. Que les gens participent dans ce processus peut être compris comme un geste d’altruisme, de complicité, d’apprentissage, de déclaration de principe et même d’amour. C’est la façon dont les relations entre communautés et biens communs* se tissent.

Voici un résumé en image des fondamentaux de la plateforme :

Enfin la plateforme elle-même est ouverte puisque la fondation sur laquelle elle s’appuie encourage la création de noeuds locaux et propose toutes les ressources informationnelles nécessaires pour reproduire le projet et l’adapter. Comme c’est indiqué très justement, il faut bien distinguer bien social et bien commun en ce sens :

Goteo distingue les biens sociaux des biens communs. Même s’il existe des projets d’intérêt social (bien social) ayant pour objectif d’apporter quelques changements positifs dans une communauté donnée, Goteo ne vise pas à soutenir un projet de solidarité ou d’initiative sociale s’il ne génère pas des retombées collectives. C’est-à-dire un projet transmissible, réutilisable par d’autres personnes (bien commun) selon les règles et usages des communautés du logiciel libre.

Vous pourrez en savoir plus sur cette initiative exemplaire du mouvement mondial autour des commons dans ce manuel Floss dans lequel j’ai largement puisé pour ce billet. (« Floss Manuals met à la disposition du grand public et des professionnels une collection de livres en français sur les logiciels, la culture libre et le matériel libre »).

L’adresse originale de cet article est http://www.revue-reseau-tic.net/Got...

Via un article de Silvae, publié le 5 octobre 2012

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