Au croisement des des tiers lieux, de l’ESS, de l’innovation sociale

la « Fabrique citoyenne » un projet initié par la Scop Sapie

Lassés de répondre à des appels d’offre toujours plus « étriqués », de plus en plus mal à l’aise dans leur rôle de « consultants » et bien décidés à poursuivre l’aventure de la Scop créée il y a vingt-cinq ans, les coopératrices et coopérateurs de Sapie ont décidé de changer de métier et d’expérimenter un nouveau concept élaboré collectivement lors de deux séminaires stratégiques : la Fabrique Citoyenne.


L’objet de cette nouvelle entité coopérative (à terme, une SCIC issue de la transformation de la Scop actuelle…) sera de « fabriquer » de l’innovation sociale et citoyenne dans des systèmes territoriaux composés de grappes de villes avec les territoires ruraux qui y sont associés en mettant en œuvre plusieurs approches complémentaires…

  • Initier et incuber des projets innovants de coopératives « de services pratiques », d’habitat collectif, de solidarité culturelle… portées et gérées par des citoyens qui veulent en garder la maîtrise politique (co-production et gouvernance partagée) et économique (pas de subventions publiques, du moins dans un premier temps…).
  • Offrir une logistique administrative, financière et organisationnelle qui permette d’héberger des membres actifs bénévoles, des volontaires indemnisés et des salariés à temps partiel (coopérateurs de Sapie) avec des financements basés principalement sur la participation des membres des groupes projet (cotisation mensuelle versée par les sociétaires qui développent leur projet), des fonds apportés par des fondations et/ou des dons apportés par des philanthropes, des appels à projet européens, sans oublier l’hypothèse de recourir à terme à 20% de financements en monnaie complémentaire (SOL).
  • Mutualiser une offre de formation et d’éducation citoyenne (éducation populaire) permettant à tous les adhérents de la SCIC de développer leur capacité d’agir (donc de comprendre). Cette offre de formation pourra être financée de manière classique par la formation continue mais aussi sous la forme d’échanges réciproques de savoirs.
  • Fonctionner à terme, comme un consortium (coopérative de deuxième niveau dans le modèle italien des coopératives sociales) fédérant des coopératives locales qui auront pris leur autonomie juridique et mutualisant des moyens à leur profit.

au service de cinq thématiques principales :

  • Habiter autrement : initiation et soutien aux projets d’habitat coopératif qui peut apporter des réponses innovantes à la crise du logement, aux enjeux de mixité sociale et de réhabilitation du vivre ensemble dans l’habitat collectif tout en ouvrant des pistes fécondes pour une réflexion sur le vieillissement et l’hébergement à venir de la génération du Baby-boom qui ne pourra se satisfaire de l’offre actuelle (maisons de retraite et EHPAD classiques)…
  • Consommer autrement : initiation et soutien aux projets de circuits-courts, de consommation collaborative, de recyclage et de monnaies complémentaires se développant notamment grâce aux réseaux sociaux…
  • Voyager (se déplacer) autrement  : initiation et soutien aux projets de co-voiturage, d’auto-partage de développement de l’usage du vélo et de la marche en ville…
  • Travailler autrement : initiation et soutien au développement d’espaces de co-working, de coopératives d’activité et d’emploi, d’incubateurs d’entreprises socialement innovantes, de couveuses d’initiatives agricoles et plus généralement aux initiatives entrepreneuriales coopératives qui associent les salariés à la destinée de leur outil de travail (dans les SCOP) et le cas échéant à leurs partenaires usagers et collectivités publiques (dans les SCIC) …
  • Faire société autrement : initiation et soutien aux initiatives explorant une plus grande implication des citoyens dans la vie de la Cité, comme celles de créer à l’échelle des bassins de vie, des coopérative de services publics qui associeraient à leur conception (design social) et à leur gestion les usagers, les collectivités et les opérateurs, ouvre des perspectives extrêmement intéressantes…

Le projet

Ebauchée sommairement comme base de réflexion, la première version (ci-dessus) du concept imaginait de créer une structure capable d’initier, d’incuber ou proposer une offre intellectuelle et logistique mutualisée (conseil, administration, financements, animation, formation, R&D…) à des initiatives citoyennes locales engagées dans une logique de transition pour travailler autrement, consommer autrement, habiter autrement, bouger autrement.

Mais du fait de la nécessité d’inventer un nouveau modèle économique et donc d’avoir à gérer la transition avec le fonctionnement actuel, la Scop a décidé de se donner cinq ans pour faire sa mue. C’est ainsi que la première année a été employée pour l’essentiel à tester l’idée de Fabrique Citoyenne auprès de nombreux partenaires et relations tout en lançant un travail de veille intensive (et partagée) sur la thématique de l’innovation sociale.
L’idée a ainsi petit à petit fait son chemin de réfléchir à la création d’un lieu expérimental, physique et virtuel, qui pourrait servir de prototype au concept de Fabrique Citoyenne.

Un prototype pour la Fabrique Citoyenne

  • 1. Un lieu donc ou plus exactement un « tiers lieu », c’est-à-dire un espace qui permette « des rassemblements publics dans un cadre informel en contribuant à créer une communauté vivante, une communion mutuelle et un sentiment d’appartenance », idéalement situé au croisement du territoire réel et de l’espace virtuel, assurant ainsi le lien entre le local et le cyberspace.
  • 2. Un lieu mais aussi un laboratoire pour l’innovation sociale, intrinsèquement coopératif, c’est-à-dire dont toutes les productions et les résultats seront développés sous « creative commons », libres de droit, partageables et surtout « augmentables » sur le principe du logiciel libre.
  • 3. Un espace physique (dont il conviendra lors de déterminer le cahier des charges et notamment la localisation) susceptible d’héberger :
  • a. un espace test pour des personnes souhaitant créer une activité innovante de nature agricole (maraîchage bio en circuit court, jardin social…) ou artisanale (éco-construction, objets recyclés ou dupliqués, transformation agroalimentaire…).
  • b. un espace de co-working, lieu de travail partagé pour télétravailleurs et/ou travailleurs indépendants souhaitant sortir de leur solitude, partager des informations, améliorer leur productivité dans un cadre collectif…
  • c. un « fab-lab », atelier numérique permettant de fabriquer n’importe quel objet usuel en le photocopiant en trois dimensions, si possible à partir de matériau de récupération.
  • d. un espace de création artistique susceptible d’accueillir en résidence des artistes « creative commons » pour qui les autres fonctions et acteurs de ce tiers-lieu pourraient être source d’inspiration et d’augmentation créative.
  • e. une université populaire - café citoyen - cantine numérique où pourraient réfléchir, se former, échanger, « faire le bœuf », réinventer le monde… des professionnels et des amateurs, des consultants et des citoyens, des jeunes cons et des vieux schnocks.
    f. et accessoirement de bureaux et de siège social pour la Scop Sapie.
  • 4. Un espace virtuel susceptible de remplir les fonctions :
  • a. d’outil de veille partagée en matière d’innovation sociale.
  • b. de vecteur d’éducation populaire donnant à comprendre la complexité du monde au plus grand nombre afin que chacune et chacun se réapproprient leur libre-arbitre en développant leur faculté de jugement.
  • c. de facilitateur de rencontres et d’échanges intergénérationnels qui suscite et dynamise l’enrichissement mutuel des visions de l’avenir des jeunes générations et des soixante-huitards.
  • d. de générateur d’augmentation intellectuelle et artistique des productions sociales et culturelles innovantes générées par l’existence du lieu et de sa philosophie.

L’arbre des objectifs du projet…

Avant d’en décliner les différents aspects, il est nécessaire de resituer ce projet au regard de ses finalités et des options stratégiques prises pour y parvenir. Le choix et la pertinence des objectifs opérationnels devront être jugés sur leur capacité à impacter les finalités, d’où l’importance de se référer à un arbre des objectifs qui pourrait être celui-ci :

FINALITÉS OBJECTIFS STRATÉGIQUES OBJECTIFS OPÉRATIONNELS
Offrir à la Scop Sapie une autre vocation que le conseil Expérimenter le concept de Fabrique Citoyenne en initiant l’émergence de deux « tiers lieux » - Décrire et étudier la faisabilité théorique des différents modules constitutifs du projet de Fabrique Citoyenne
Permettre aux coopérateurs-trices de la Scop Sapie de conjuguer « faire » et prestations intellectuelles Inventer et expérimenter un nouveau modèle économique pour Sapie

Conforter et amplifier la dynamique partenariale et le réseau « Fabrique »

Concrétiser le partenariat local pour la création et l’animation d’un tiers-lieu rural

Concrétiser le partenariat local pour la création et l’animation d’un tiers-lieu urbain

Concrétiser la publication sous « creatives-commons » d’un premier titre de la collection « Fabrique Citoyenne »

Expérimenter concrètement la transition écologique et sociale Gérer les quatre années de transition entre l’ancien et le nouveau Sapie Etudier, mettre au point et expérimenter un catalogue de formations et de stages « Fabrique Citoyenne »

Organiser un colloque au premier semestre 2013 pour faire vivre et amplifier le réseau Fabrique Citoyenne

son schéma fonctionnel…

Deux sites ont été retenus pour lancer l’expérimentation. Un site rural dont le projet actuel de développement local (sur un espace susceptible d’héberger plusieurs activités) pourrait rejoindre celui de Sapie, et un site urbain au sein d’une petite ville distante d’une trentaine de kilomètres, où un tiers-lieu numérique pourrait voir le jour avec l’appui de la municipalité, tandis qu’une série de projets portés par les habitants (habitat coopératif, jardins partagés, monnaie complémentaire, café citoyen, atelier vélo, AMAP, initiatives culturelles…) esquissent une dynamique cohérente de transition écologique et sociale à l’échelle du territoire local.

Le schéma ci-dessous propose une vision synthétique du dispositif :

LA FABRIQUE RURALE Les passerelles LA FABRIQUE URBAINE
Un dimanche à la campagne Culture & éducation populaire Le café citoyen
La forge collaborative Tiers-lieu / Formation / Edition L’atelier fabuleux
L’espace de brique et de bois Tiers-lieu / Formation / Edition La cantine numérique
Le potager apprenant Tiers-lieu / Formation / Edition Le potager apprenant
Le site rural (domaine agricole) Tourisme 2.0 et compagnonnage Le site urbain (petite ville)

sa déclinaison détaillée opérationnelle…

Il s’agira donc tout d’abord de développer un espace de production maraîchère par extension du potager existant sur le site rural. Ce « potager apprenant » pourrait avoir comme fonction :

  • de fournir toute l’année les légumes nécessaires…
    • au fonctionnement du projet d’auberge porté par les propriétaires du domaine rural,
    • pour les repas des animateurs, stagiaires et « visiteurs éthiques » présents sur le site.
  • d’être un lieu de formation, d’apprentissage et de partage de techniques (par exemple la permaculture) pour des personnes désirant apprendre les bases d’un potager vivrier, de l’animation de jardins sociaux ou d’une future activité professionnelle de maraîchage.
  • d’être un centre de ressources (semences, savoir-faire, outils…) pour le ou les « potagers apprenants » existants (jardins partagés) ou à créer (incroyables comestibles) sur le site urbain.

Il s’agirait ensuite de faire vivre deux lieux de fabrique d’outils et d’objets usuels (fab-labs) :

  • sur le site rural dans l’ancienne forge, avec une prédilection pour les outils ruraux et le « recyclage de survie » pour une autonomie transitionnelle…
  • sur le site urbain avec le projet de créer un FabLab (éventuellement équipé d’une imprimante 3D) mais aussi un atelier partagé (intergénérationnel) pour fabriquer ou recycler différents objets usuels dans l’esprit également d’accéder à une autonomie transitionnelle.

Il s’agira également d’ouvrir sur le site urbain un espace de co-working sur le modèle des « cantines numériques », espace qui pourrait à terme accueillir les bureaux de Sapie et donc de la Fabrique Citoyenne.

Il s’agirait enfin de lancer un chantier-école d’auto/éco-construction, susceptible de remettre progressivement en état les bâtiments existants sur le site rural, aujourd’hui inutilisés mais susceptibles demain d’accueillir les activités agricoles, de fabrication d’outils et d’accueil de stagiaires ou de visiteurs.

et conceptuelle…

Ces différentes outils et leurs activités seront conçus de façon à remplir trois fonctions économiques destinées à faire vivre le projet de Fabrique :

  • Une fonction non monétaire de production vivrière, domestique, intellectuelle et culturelle pour les acteurs, les utilisateurs et les visiteurs de la Fabrique : légumes, outils, objets, espaces de travail et d’habitat, réseau d’échanges de savoirs réciproques, idées & concepts en creative-commons, éducation, formation, conseil, solidarité, convivialité, art en creative-commons…
  • Une fonction marchande…
  • de premier niveau : accueil et hébergement de stagiaires et/ou de visiteurs, vente de formation (formation continue, année sabbatique, loisirs créatifs, formation développement, DIF, etc…)…
  • de deuxième niveau : édition et commercialisation en creative-commons d’une collection d’ouvrages d’innovation sociétale pratique, ainsi que missions de conseil à des tiers sur la base de l’expérience acquise au sein de la Fabrique…
  • Une fonction non-marchande : accueil en résidence et organisation d’activités artistiques, animation de cafés-citoyens et de débats participatifs, université d’éducation populaire, réseau de compagnonnage avec REPAS…

    Bernard Brunet
    , CC by sa, Juillet 2012
Posté le 4 août 2012

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