Interview de Frédéric Berier, gérant de la SCOP Evosens

Evosens, une Scop innovante dans le domaine de l’ingénierie optique.

Interview de Frédéric Berier, gérant de la SCOP Evosens. (Reportage vidéo)

Evosens est une Scop un peu particulière, intervenant dans l’ingénierie optique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous sommes une jeune société (créée en 2009) de prestation d’ingénierie dans le domaine de l’optique pour des entreprises (PME, startup, ...) et organismes publics. Nous regroupons en interne les quatre métiers de l’optique : la mécanique, l’électronique, l’informatique et bien sûr l’optique. Nous évoluons au sein de l’économie de marché dans un modèle d’entreprise portant des valeurs sociales.

Comment est né l’envie de créer cette société ?

Depuis 2004, nous travaillions ensemble au sein d’une même société où nous nous connaissions bien. Nous avions noté de nombreux dysfonctionnements dans la gestion et l’organisation de l’entreprise aux mains d’une seule et unique personne. Des difficultés financières l’ont rapidement confirmé...
Comme les clients étaient satisfaits de notre travail et que nous avions du plaisir à travailler ensemble, nous avons alors évoqué la possibilité de reprendre cette société sous forme coopérative, mais sans succès auprès du responsable. Cette situation a débouché sur les premiers licenciements économiques.

C’est à ce moment là que nous avons décidé de créer notre propre Scop. Nous avons commencé par répondre aux appels d’offres de nos anciens clients et nos efforts ont été récompensés au bout de six mois.

Au départ nous n’avions que nos financements propres et des fonds apportés par des organismes financiers, partenaires habituels des organismes de l’ESS.

Pourquoi ce consensus autour du statut de Scop ?

Notre expérience nous avait conforté dans l’idée que le pouvoir décisionnel doit être réparti et partagé au sein de la société. Dans la Scop il y a un gérant qui porte la responsabilité sur le plan juridique mais, contrairement à une SARL classique, qui est élu par les associés. Tous les salariés dans la Scop sont des associés (ont sont amenés à l’être à terme) et ont donc des parts dans l’entreprise. Chacun a une voix décisionnelle quelque soit son nombre de parts.

De fait dans nos statuts, tout nouveau salarié doit, au bout de trois ans maximum, devenir associé afin de l’inciter à prendre part au décisions et à l’évolution de la société.

Quand il y a des bénéfices au sein de la SCOP, ils sont répartis entre tous les salariés et associés en fonction du temps de travail et du capital investi par chacun dans la société. Nous essayons d’avoir une répartition la plus équitable possible.

Comment fonctionne la prise de décision dans ce type d’équipe ? Quel est le rôle du gérant ?

Concernant les projets, nous prenons toutes les décisions de manière collective et fonctionnons réellement en équipe. Il n’y a pas de cloisonnement possible dans une Scop de 6 personnes et nous sommes obligés de partager toutes les informations relatives aux clients ou financeurs.

Le gérant est élu par ses pairs. Il doit être à l’écoute de l’équipe et agir de telle sorte que chacun se sente bien et ait une vision de son avenir au sein de l’entreprise.

Dans le cas d’une nouvelle embauche, bien que ce soit le gérant qui signe le contrat de travail il faut néanmoins que tout le monde soit d’accord. Nous ne pouvons pas imposer un salarié, futur associé, à notre équipe !

Ce mode de gouvernance est-il difficile à faire fonctionner ? Quels mécanismes sont en jeu ?

Non pas du tout ! Comme dans chaque équipe, il y a un leader qui émerge. Dans une Scop, il faut obligatoirement qu’il soit accepté. S’il ne recueille plus la confiance des autres associés, il ne sera pas réélu comme directeur ou gérant.

C’est pourquoi la coopération en interne nécessite une forte communication et un respect du moindre opérateur. Elle est basée sur l’écoute entre dirigeants et salariés. C’est un principe de fonctionnement démocratique.

La solidarité est aussi une des valeurs de l’ESS que nous essayons d’appliquer dans notre gestion au quotidien. Nous dépendons étroitement de chacun et nous essayons d’être attentifs les uns aux autres. Les soucis personnels ne sont pas occultés...

Ce n’est pas simple car chacun ici représente un métier, plusieurs tâches et de multiples projets. Si une personne vient à manquer, il faut rétablir un équilibre de compétences et savoir-faire.

Est-il facile de convaincre les partenaires financiers de vous suivre ?

C’est parfois compliqué. Nous sommes à la fois une société traditionnelle, une coopérative et en quelque sorte une « startup ». Nous avons besoin de partenaires financiers qui investissent dans l’innovation et qui prennent des risques !
Il y a une stratégie à mettre en place pour trouver des capitaux, lancer des nouvelles idées, créer des nouveaux produits et chercher de nouveaux clients. Il faut faire des choix...

Nous sommes désormais reconnu comme Scop plutôt innovante et nous avons accès à des « capitaux-risques ». Cela nous oblige à présenter des projets bien cadrés. Désormais notre logique développement-réalisation-démonstration, voire de fabrication est mature sur un marché bien identifié.

Toutes les décisions financières sont prises de manière collégiale car, au final, ce sont toujours les associés qui valident les décisions. En outre certains de nos financeurs sont des associés de la coopérative. Chacun ne possède qu’une voix et leur représentation ne peut excéder 49% du capital. Les décisions restent ainsi uniquement guidées par la volonté de l’équipe.

Valorisez-vous votre statut de Scop auprès de vos clients ?

Ce statut est valorisant en soit et nos clients réagissent plutôt positivement.
Au sein de l’équipe chacun recherche une reconnaissance de ses efforts, de son travail et de ses compétences. On le retrouve dans la satisfaction du client qui y voit aussi une société plus pérenne dans le temps. Dans une société classique, le client a comme interlocuteur une personne unique qui représente la société et si cette personne disparaît, le partenariat peut s’arrêter. Chez nous, le partenaire c’est l’équipe.

Quelle est votre place au sein des autres Scops sur notre territoire ?

Nous nous retrouvons régulièrement au sein de l’Union Régionale des Scops de l’Ouest pour partager nos expériences. Nous essayons de peser sur les décisions nationales pour que les Scops ne soient pas oubliées ou laissées pour compte.

Nous essayons également de faire reconnaître notre spécificité de scop « Startup » au sein du réseau et auprès de partenaires publics (région) ou privés (banques solidaires). Nous avons par exemple été accompagné par le réseau des Scops auprès de la région Bretagne, qui a été rassurée par un mode de fonctionnement qu’elle souhaite privilégier car il est plus durable.

Vous utilisez des logiciels « libres » au quotidien. Est-ce aussi une forme de militantisme ?

En interne nous travaillons en partageant nos idées et notre savoir-faire. Aujourd’hui l’offre en logiciels libres est suffisante pour couvrir nos besoins en bureautique, gestion de projets et d’équipe et comptabilité.
Nous ne voulons pas payer des licences chères pour des produits médiocres et peu durables !

Nous nous investissons dans l’avenir de ces outils en les utilisant et en participant à leur développement aussi bien pour des solutions embarquées que des outils de travail collaboratif. Ce qui compte c’est de participer !

Auriez-vous un conseil pour celles et ceux qui souhaitent démarrer une nouvelle activité ?

Oui. Lancez-vous !... Mais pas tout seul !

Entreprendre, dans quelque domaine que ce soit, ne doit pas se faire seul. Aller chercher du soutien, de l’accompagnement auprès de structures d’entrepreneurs coopératifs est très important car vous profitez d’un cadre et vous augmentez vos chances de réussite. Dans tous les cas c’est faisable et il faut se rappeler que ce ne sont pas les capitaux mais bien les moyens humains qui rendent les projets pérennes !

Evosens en ligne : http://www.evosens.fr

Interview réalisée par l’association Tiriad

Reportage vidéo

Réalisation Canal Ti Zef

Ce portrait d’acteur de l’économie sociale et solidaire a été réalisé avec le soutien de Brest métropole océane.L’adresse originale de cet article est http://www.eco-sol-brest.net/Interv...

Via un article de association Canal Ti Zef, Collectif Tiriad, Evosens, publié le 17 avril 2012

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