Une Interview de l’association Rennes Wireless réalisée par Internet Actu

Internet Actu a réalisé une interview des membres de l’association

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Alors que le marché du Wifi devrait représenter 3 milliards de $US d’ici 2006, selon une étude Dell’Oro, en faisant un enjeu commercial majeur, l’association Rennes Wireless fait ses premiers pas dans le secteur des réseaux sans fil à haut débit.
Issus pour la plupart de SSII rennaises, mais au sein de l’association à titre personnel, Quentin (président), Simon (vice-président usage), Amiel (vice-président techno), Stéphane (trésorier), et Laurent (membre de l’association) ont pris le clavier pour répondre ensemble à quelques questions sur l’association qu’ils ont fondée, ses actions et sur le Wifi tel qu’il est vécu au quotidien.

1 - Concevez-vous le Wifi comme une sorte d’alternative "libre" ?

Amiel : Oui, le Wifi permet de déployer des réseaux de relativement haut débit pour un coup assez faible et ce sans forcément être un opérateur télécom.

Stéphane : Je pense aussi que les gens seraient prêts à partager leur accès Internet étant donné que ça ne leur coûterait pas plus cher et a condition de pouvoir contrôler l’accès partagé :
contrôle d’accès des utilisateurs
limitation/contrôle de la bande passante utilisée,
sécurité de l’installation, A partir de là, il serait très facile de créer un réseau de "hotspots". On rejoint le modèle du logiciel libre dans le sens ou potentiellement chacun peut fournir un accès localement chez lui et profiter des autres points d’accès ailleurs. Cependant, à la différence du logiciel libre, la mise à disposition de bande passante a un coût d’utilisation non nul (matériel, abonnement, maintenance) et est encore dépendant des opérateurs traditionnels pour l’accès à l’Internet. Donc, je ne vois pas les réseaux Wifi comme une alternative, mais plutôt comme un complément, une prolongation de l’Internet qui devient accessible de n’importe où.

2- Quels sont vos objectifs dans la région rennaise ? Avez vous des projets seuls ou avec d’autres associations comme Nantes Wireless, par exemple ?

Amiel : Oui, seul et avec d’autres associations (BUG...). Une nouvelle démo est prévue en septembre.

Laurent : Pour le moment nous avons uniquement fait une expérience, un petit rodage. La mise en place a été un peu longue, mais nous avons tous été surpris par le nombre de personnes présentes. Nous ne pensions sans doute pas que les gens intéressés par le WIFI étaient si nombreux.
Cette première manifestation nous a appris donc que le Wireless intéresse.
Bon, il y avait beaucoup de "techos" et pas vraiment de visiteurs "du monde extérieur". Là où on aura un vrai challenge : Intéresser les musiciens, les mères de familles, les patrons de cafés/restaurants, les gérants d’hôtels et pourquoi pas les administrations.

3- Techniquement, qu’est-ce que le wifi ? (au niveau du matériel nécessaire, de la portée, de la sécurité des transmissions, etc.)

Stéphane  : Le wifi/802.11 est une norme permettant de transporter des informations par voie hertzienne.
Il y a plusieurs normes approuvées ou en cours de négociation qui occupent des gammes de fréquences, des débits différents. La seule disponible en France est actuellement le 802.11b qui permet d’atteindre des débits allant jusqu’à 11Mbits/s en utilisant la bande des 2.4GHz (2.4000GHz-2.4835GHz).
La norme 802.11a, disponible depuis quelque temps aux US, permet des débits à 54Mbits/s sur du 5.2GHz. Pour l’instant cette gamme de fréquences est réservée en France.

Pour communiquer par voie hertzienne, il faut... des antennes. La norme définit deux modes de fonctionnement des antennes et des communications que l’on peut établir, soit du point à point entre antennes (mode ad-hoc), soit en utilisant un relais maître ou "access point" (mode infrastructure).

D’un point de vue pratique, les antennes se présentent sous la forme de cartes PCMCIA que l’on insère directement dans un portable par exemple ou grâce à un adaptateur PCI/PCMCIA ou de l’USB pour les ordinateurs de bureau.
Les AP peuvent se connecter le plus souvent directement sur un réseau Ethernet et incluent en général des fonctionnalités supplémentaires (routage, DHCP, ACL,...).

Un des gros problèmes des transmissions sans fil est la sécurité : il est en effet très facile de détecter la présence de réseaux sans fil, on peut alors écouter les échanges effectués par les utilisateurs voire tenter d’utiliser l’accès offert pour récupérer des données ou utiliser des ressources (accès à Internet).

La norme 802.11 a prévu un chiffrement des connexions sans fil (WEP), qui a été cassé. Sans rentrer dans les détails, il est possible de découvrir la clé (fixe) de chiffrement en interceptant les communications établies, il suffit d’un peu de patience.
Il y a deux parades à cela : modifier le chiffrement défaillant de 802.11, c’est ce que font certains constructeurs (utilisation de clés dynamiques, algorithmes modifiés...) ou utiliser un chiffrement au-dessus du 802.11 au niveau IP ou applicatif (VPN, tunnelling...).

La première approche est générique et transparente pour les utilisateurs mais est non standard ce qui restreint l’interopérabilité. La seconde approche nécessite l’installation de logiciels de chiffrement sur les postes clients. Les deux solutions réduisent la bande passante disponible.

4 - Faut-il être un Dieu de la technique pour toucher au Wifi ?

Stéphane  : Pas du tout mais ça peut aider :-)
Je dirais qu’on peut tout à fait s’équiper simplement et avoir une solution relativement sûre qui marche avec un minimum de connaissances.

Après, on peut vouloir aller plus loin et cela requiert plus de connaissances, deux exemples :
les antennes : elles permettent d’augmenter considérablement les portées (> 10km), il y a des antennes vendues dans le commerce et d’autres artisanales qui sont "redoutables", tant du point de vue esthétique que des performances. Pour en réaliser, il faut des connaissances pratiques et sur la théorie du signal (que je n’ai pas).
sécurité réseau (encore !) : on peut facilement configurer le wep ou un tunnel ssh entre 2 machines. Avoir un VPN de bout en bout, avec interconnexion de réseaux et authentification, est moins évident.

5 - Avez-vous des projets de formation au Wifi ?

On a envisagé des formations éventuellement pour des entreprises/administrations/collectivités locales, histoire de financer l’association. Pour les particuliers, on n’a pas véritablement de projets de vulgarisation précis, mais je crois que les réunions et la mailing-liste de l’association pourront permettre aux membres d’échanger de l’info. C’est déjà ce qui se fait dans les autres villes.

6- Quel est le cadre légal aujourd’hui ?

Stéphane  : Je ne suis pas un spécialiste des questions légales : le fait est que la législation est amenée à changer (cf. la consultation de l’ART de l’automne dernier).
Les opérateurs de télécom cherchent à récupérer l’exclusivité de la bande des 2.4GHz à des fins commerciales.
C’est aux particuliers et aux associations comme la nôtre de faire entendre notre point de vue et de démontrer l’intérêt de la libéralisation de la fréquence.
La France est clairement en retard sur les US, tant au niveau de l’équipement des particuliers et des entreprises qu’au niveau législatif.
Par rapport aux autres pays de l’Europe ou au Japon, je ne sais pas.

Simon  : Pour résumer aujourd’hui en "indoor", "tout" est permis, en "outdoor" tout reste à faire. Mais on ne peut pas vraiment dire que la législation soit ni tout à fait claire et applicable et d’autre part elle est susceptible d’évoluer.
C’est d’ailleurs l’un de nos objectifs : contribuer à faire évoluer la législation dans le domaine par nos actions de démonstrations, et via des coordinations nationales d’associations.

7 - Dans le contexte actuel, quelles sont les relations entre UMTS et Wifi ?

Simon
 : Je pense que le Wifi et l’UMTS seront à terme plutôt complémentaires que réellement concurrents : le Wifi n’est pas le meilleur des choix aujourd’hui pour faire de la voix, par exemple. Mais il permet de "goûter" à l’Internet mobile haut débit sans attendre trop longtemps...
D’autre part, il convient de regarder ce qui se passe dans d’autres pays. En Angleterre, par exemple, British Telecom a annoncé le déploiement de plusieurs centaines de "hot spots" (points d’accès), alors qu’ils entendent bien aussi être présents sur l’UMTS.

Amiel : Je reviens juste sur l’UMTS pour préciser que comme l’a dit Simon c’est une technologie pour transporter de la voix en plus des données ce que Wifi ne fait pas bien. Mais (il y a toujours un mais) le GSM et le GPRS répondent déjà grandement aux besoins voix.

De plus, l’UMTS demande un maillage (distance entres les bornes) très dense (toutes les centaines de mètre) pour atteindre les débits annoncés (2Mbits). Le Wifi, avec un tel maillage, a un débit équivalent, voire supérieur.

Toutefois, ces débits sont inutiles pour de la voix. L’UMTS doit apporter le "mode connecté" (connection constante comme l’ADSL par exemple). Le wifi le fait aussi et c’est toujours utile seulement pour les données. Les opérateurs ont payé très cher en Europe leur licence UMTS, en prévoyant de s’en servir pour de l’accès aux données, en plus de la voix (autrement le GSM ou le GPRS suffisent). Ils se retrouvent en plus à devoir déployer du Wifi. Si l’UMTS ne sert qu’à la voix, c’est un gouffre.

8- Pour le Wifi, où en est la France par rapport à l’étranger ?

Amiel
 : Il est intéressant de noter que les USA et les pays nordiques, qui sont les pays leaders sur la téléphonie mobile (fabrication, équipement, utilisation), n’ont pas pris de décision sur l’UMTS, contrairement à la France, l’Allemagne, l’Angleterre, etc. Les pays nordiques, principalement, sont aussi parmi les leaders des déploiements Wifi (hôtel, aéroport, gare).

Simon
 : Bonne question ;-) On en est là où le législateur veut bien nous laisser aller ! Aux Etats-Unis par exemple, le Wifi est beaucoup plus développé et des premières offres commerciales (Boingo) et non-commerciales (Seattle Wireless) voient le jour. Le déploiement semble bien parti dans ces régions. En Europe, l’Angleterre et l’Allemagne avancent aussi un peu plus vite que nous.

Si l’on regarde dans ces pays le développement du Wifi, on voit que la diffusion de la technologie passe par les entreprises : ce sont elles qui équipent leurs personnels et ces salariés se déplacent avec ces cartes Wifi en disant : "Tiens, pourquoi je ne pourrais pas bénéficier du même accès à la maison ? au café ? (Starbucks) dans la gare ?"

Posté le 27 septembre 2002 par F. Morvan

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