Territoires en transition au pays de Brest

Figures de la coopération : une interview de Philippe Le Tallec et Isabelle Brûlé

Une meilleure utilisation des ressources sur son territoire, un comportement plus respectueux de l’humain vis à vis de la nature, tout cela c’est la transition

Une meilleure utilisation des ressources sur son territoire, un comportement plus respectueux de l’humain vis à vis de la nature, tout cela c’est la transition

Sur fond de pénurie des énergie fossiles, et de besoin fort d’autonomie énergique
sur des territoires qui se fait jour, la transition,
concept nouveau, venu
des
pays anglo saxons,
qui commence à
s’enraciner en France. .

Phillipe
Le Tallec
qui réside à Plougastel
et Isabelle Brulé
de Plouguin sont, avec d’autres, des artisans locaux, discrets, mais opiniâtres,
de
la
nécessaire transition.

Ils projettent
une Foire aux Initiatives locales
doublé d’un Forum Ouvert « Transformons nos Territoires » sur le pays de Brest

Brest-ouvert
 : la notion de "transition" inspire-t-elle
de plus
en plus de gens
en France en ce moment, y compris dans notre région ?

Philippe Le Tallec :

Autour du penseur Pierre Rabhi, se son mouvement Terre et Humanisme, autour des initiatives des Colibris,
Colibris (car
la légende dit il y eut un jour un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu...), du mouvement Territoires en transition qu’émerge une foule de projets , d’initiatives particulièrement intéressantes
qui visent à une meilleure utilisation des ressources, à un comportement plus respectueux de l’humain par
rapport à la nature.

En fait cela concerne beaucoup de gens, désormais. Mais
comment mettre en lien tous ces gens, tous ces citoyens
qui veulent changer
vraiment les choses, à leur niveau, sur leur
territoire.

B.O. : Notre société est en crise
crise économique, sociale écologique de façon permanente désormais, la transition est une réponse ?

Philippe Le Tallec : Ce que l’on peut remarquer dans notre société actuellement c’est qu’il y a un gros déséquilibre au niveau des forces en présence
les trois sphères sociales on va dire, il y a le les citoyens on va dire.

Aujourd’hui on peut constater que les trois sphères, le politique, l’économique et le citoyen, sont totalement disproportionnées. On constate que
la sphère économique prend une ampleur considérable, avec à l’intérieur la sphère financière qui grossit, elle aussi, de plus en plus, que la sphère politique est
beaucoup
liée à cette sphère économique et voire contrainte et que la sphère citoyenne elle par contre elle est toute rétrécie et elle n’existe pratiquement pas.

Aux élections, tous les 5 ans ou tous les 6 ans, on demande à chaque citoyen d’aller voter, même sans bulletin et enveloppe point barre. Et entre les élections il n’y rien.

Et l’idée finalement du mouvement transition, du mouvement Colibris, c’est de rétablir un petit peu un ordre plus juste, une cohérence plus juste dans cet ensemble des trois sphères, c’est-à-dire que la sphère politique comme la sphère économique ou
la sphère citoyenne doivent être équilibrées.

Voilà un peu vers quoi on aurait envie d’aller.

Ce matin,
toute la presse parle du litre d’essence à plus de 2€ à Paris, est-ce que c’est quelque chose qui va accélérer le processus, est-ce un atout pour la transition que le prix du super soit cher ou est-ce que ça va engendrer des angoisses, du stress supplémentaire et peut-être des tensions qu’on ne souhaite pas forcément ?

Philippe LT : C’est clair, si on veut éviter les tensions, si on veut éviter des crises difficiles
pour un grand nombre, il faut mettre en oeuvre l’idée de la transition.

Qu’est-ce qu’on fait ?

Qu’est-ce qu’on met en place dès maintenant pour anticiper cette crise là ?

Comment on peut prévoir une vie en diminuant notre dépendance au pétrole et aux énergies fossiles,
c’est le gaz, l’uranium, c’est toutes ces énergies là ?

On a qu’à regarder autour de nous en Europe, il y a des pays qui ont
mis l’accent sur un développement plus autonome en énergie des habitations par exemple voire des bureaux. En France,
on est à la traîne, c’est parce qu’on a des lobbies hyper puissants et des politiques qui sont à la botte de ces lobbies. Mais c’est clair que si
les uns et les autres ne réfléchissent pas sur leur mode de consommation, sur leur mode de chauffage à l’intérieur de leur habitation on va aller dans le mur, et si on va dans le mur ça va faire mal à beaucoup de monde. Qu’est-ce qu’on peut mettre en place pour
anticiper
ça ? Et il ne s’agit pas de revenir à la bougie !

Isabelle Brûlé : J’allais juste ajouter que la prise de conscience est de plus en plus importante et les réactions sont aussi assez surprenantes. On voit effectivement,
qu’en fonction du prix des énergies fossiles, même l’agriculture est en train d’évoluer. Hier à Saint Renan il y avait une conférence-débat sur la biodiversité avec des témoignages de plusieurs agriculteurs et de la chambre d’agriculture où justement il était question des techniques culturelles simplifiées, des techniques sans labour, de ne plus utiliser des engrais, et ce n’est pas uniquement pour le bien-être de la biodiversité, c’est avant tout un impératif économique. Pour que les exploitations puissent continuer à être rentables et productives comme ils disent, ils sont obligés de réduire les intrants et les intrants c’est aussi le gasoil, et tous les produits qui sont issus du pétrole. Donc, c’est vrai,
ça fait évoluer les pratiques.

Philippe LT : Je peux donner l’exemple de maraîchers certes en bio, mais qui abandonnent
le tracteur
pour revenir à la traction animale avec des ânes et ils s’y trouvent très bien. Je connais un maraîcher à Plougastel, François, il pratique cela et il est très heureux, il a un très bon résultat. Enfin voilà. Ce sont des choses simples et je crois que c’est important que l’on revienne à des choses assez basiques, un peu comme ça.

Isabelle B. :

C’est un autre extrême, car moi je parlais d’agriculteurs de grosses exploitations, vraiment d’exploitations de 160 hectares, qui fonctionnent maintenant de manière différente. La prise de conscience en fait se fait quand même à tous les niveaux.

B.O. : Pendant qu’on est dans les concepts là, la transition est-ce la même chose que le développement durable ? ou est-ce autre chose ?

Philippe LT :

Disons que le développement durable,
on sait bien qu’en France
ce terme durable et développement déjà pose question, à l’origine c’était le mot
soutenable qui était utilisé. La transition c’est comment en pratique, concrètement et localement, c’est important d’insister là-dessus, on sait bien que
le prix du pétrole va
devenir
très cher,
même si
on ne sait pas à quelle échéance...

Impliqué dans le commerce équitable, je constate qu’aujourd’hui il y a le commerce équitable à la voile qui se développe maintenant, il y a des gens qui ont conscience de cela. Le café par exemple, en faire venir du sucre, des choses comme ça peut être, est-ce qu’on pourra toujours par cargo à moteur ?

B.O. : La transition c’est aussi un souhait que chacun s’implique individuellement ?

Philippe LT : Certainement parce que ce n’est quelques-uns qui pourront transformer les choses. Il faut par exemple pour les uns et les autres de comprendre que "consommer localement" a une signification importante.

Que fait-on pour consommer localement si aujourd’hui on sacrifie des terres agricoles à proximité de grandes villes comme Brest ? Ca, c’est une réalité.

On peut regarder aujourd’hui dans des villes aux États-Unis par exemple, où sur des friches industrielles ils refont des jardins, etc, des cultures. Je crois que c’est aussi s’interroger sur comment planter des arbres fruitiers pour prévoir que demain il y aura une production insuffisante, c’est comment construire aussi pour éviter que l’on soit trop dépendant des ressources fossiles. C’est tout ça qui est important.

B.O : Pour terminer, il y a un projet de forum sur la transition dans la région brestoise, vous en êtes où dans son organisation ?

Philippe LT : Disons qu’on se retrouve à quelques-uns autour du mouvement Colibris, du mouvement territoires et villes en transition, puis c’est vrai que le mouvement colibri a initié au niveau national une campagne "tous candidats 2012" qui se prolonge par une autre "transformons notre territoire". Dans le mouvement de la transition on est plusieurs dans la région : Isabelle, par exemple, a eu l’occasion d’organiser des stages de perma-culture à Plouguin, il y a aussi le collectif Tamm ha Tammà Plougonvelin, nous Kernevodennsur le Pays de Daoulas, on a fait aussi des choses...

On a envie d’amplifier ce mouvement là, on a envie de montrer aux citoyens qu’il n’y a rien d’irrémédiable , que tout n’est pas foutu, qu’au contraire si on s’y met maintenant on peut très bien prendre ce virage de l’après pétrole sans trop d’accrocs, sans accrocs du tout, même, on pourrait dire... Effectivement il y aura des remises en question, mais après tout l’être humain sait très bien faire ça et a une richesse là-dessus.

B.O : : Comment vous imaginez ce forum ?

Philippe LT : C’est surtout déjà positiver et avant tout, donner une image positive.
On l’imagine créatif, que tout les gens impliqués, que tous les gens qui travaillent pour le bien de la nature, de l’être humain puissent montrer leurs actions et le faire avec créativité, se connaître les uns les autres un peu mieux pour éventuellement partager des actions ensemble.

B.O : Donc en fait vous invitez les gens à le co-organiser avec vous ce forum ?

Philippe LT : au moins au niveau des structures, on a repéré un certain nombre de structures qui sont déjà actrices de cette innovation, de ce mouvement qui se veut plus respectueux de la nature et de l’humain effectivement.
Donc là on pense à une foire aux initiatives locales, sur deux jours, sans que ce soit une énième foire bio mais plus une foire créatrice et positive comme le disait Isabelle, c’est-à-dire que les gens innovent un peu dans la présentation de ce qu’ils font et de ce qu’ils souhaitent

Et avec une idée sur un jour complet d’un forum ouvert sur "Transformons notre territoire" où c’est les uns et les autres puissent participer comme ils le souhaitent, élaborer ensemble une phase d’émergence et ensuite une face de convergence qui puisse définir un plan d’actions à l’échelle du territoire ou à l’échelle locale de certains coins.
Mais il n’y a rien de figé, tout est ouvert, ça se veut très participatif et très respectueux des uns des autres qui veulent y participer.

B.O : A quel horizon vous pensez faire ça ?

Philippe LT : C’est la question cruciale, le groupe de pilotage (une petite dizaine de personnes) est en contact avec Brest Métropole Océane pour trouver un lieu. Alors c’est vrai qu’on a un peu rêveusement penser au Fort du Questel, dans une idée d’être à l’extérieur...

Après la date ça dépend de beaucoup de choses, dans l’idéal on aimerait que ça se fasse entre les deux élections présidentielles et législatives, mais là c’est un peu trop présomptueux, surtout qu’il y a beaucoup de télescopages, enfin il faut qu’on regarde cela de plus prêt.

Mais, à la limite c’est quelque chose que l’on peut faire à n’importe quel moment. De toute manière si ce n’est pas fait là avant les législatives il faudra qu’on le fasse à un autre moment, ça sera important qu’on le fasse.

L’adresse originale de cet article est http://www.brest-ouvert.net/article...

Via un article de Christian Bucher, publié le 18 mars 2012

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